Frontispice de la Description de l'Egypte, vol.I
Auteur : CECILE François-Charles
Lieu de conservation : Centre historique des Archives nationales (Paris)
site web
Date de création : 1809
Date représentée : 1798-1799
H. : 55 cm
L. : 40,5 cm
Perspective de l'egypte, d'alexandrie à Philae
Domaine : Estampes-Gravures
© Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie
MI 130
Frontispice de la Description de l’Égypte
Date de publication : Juillet 2009
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS
Frontispice de la description de l'Egypte
Frontispice de la description de l'Egypte
La Description de l’Egypte
Dix ans après le coup d’Etat du 18 Brumaire, Napoléon décide de publier l’ensemble des documents recueillis par la mission scientifique de l’expédition d’Egypte, sous forme d’un monument éditorial à sa gloire, la Description de l’Egypte. Cette entreprise encyclopédique a pour but de transformer une aventure militaire contestable en une conquête culturelle et archéologique, accomplie par le génie de l’empereur.
La propagande napoléonienne qui paraît omniprésente ne s’exerce en fait que sur le frontispice, la préface et la forme générale. Le format quasi pharaonique de l’ouvrage (70 x 60 cm), qui a nécessité la fabrication de cuves à papier de taille exceptionnelle, confère à toute la publication le prestige d’une grande réalisation de l’Empire.
Si dans sa préface Joseph Fourier, mathématicien et égyptologue proche des frères Champollion, rend des hommages appuyés à « celui dont la protection auguste en a favorisé les progrès, ou plutôt qui en est le premier et le véritable auteur », le contenu même de la Description ne fait aucune référence à l’expédition ou à son chef. La volonté de description scientifique qu’inaugure cet ouvrage fait apparaître sa publication comme une entreprise à poursuivre malgré les changements de régime ; elle s’achèvera en 1835.
La révélation des antiquités égyptiennes sous l’égide de l’Empereur
Dans un cadre régulier rappelant l’entrée d’un temple, le dessinateur François-Charles Cécile présente un raccourci recomposé de l’Egypte qui mêle allégorie et paysage, reconstitution architecturale et archéologie. Mais aucune trace de l’Egypte contemporaine, pourtant étudiée par les savants. Le temps semble arrêté à la représentation du pays tout entier à travers l’art des pharaons.
Au premier plan, un amoncellement d’objets : la pierre de Rosette découverte pendant l’expédition, le zodiaque de Dendérah, un papyrus, un chapiteau « à feuilles de dattier », un dieu égyptien à corps d’homme et tête d’animal, des béliers qui semblent plus relever du goût de l’époque pour l’astrologie que de l’archéologie, un sphinx de Thèbes et une autre tête de sphinx, au style très proche d’un kouros d’art grec classique. La colonne corinthienne accolée au cadre, dite colonne de Pompée, se trouve alors à Alexandrie, de même que l’obélisque, identifié comme « l’aiguille de Cléopâtre », qui sera transporté en 1880 à New York, quand la ville souhaitera avoir son obélisque comme toutes les grandes cités d’Europe.
Au-delà, le Nil, dont les sources sont encore inconnues à cette date, représenté depuis son delta jusqu’à Assouan. Dans cette vision grandiose et fictive sont rassemblés des monuments situés à plusieurs jours de distance les uns des autres, sur les deux rives du fleuve.
Les motifs qui ornent le cadre de la porte semblent dériver de l’art égyptien mais sont traduits dans le langage du bas-relief de l’art grec classique. En haut domine la frise allégorique de Bonaparte écrasant les mamelouks et suivi des arts et des sciences. Napoléon Bonaparte, en Apollon nu, conduit le fameux quadrige des chevaux de Saint-Marc transportés de Venise à Paris à la suite de la campagne d’Italie. Au paysage sans vie s’oppose la fougue du jeune conquérant, seul capable de le ranimer. Au-dessus de lui brille l’étoile de la nouvelle dynastie impériale, sur le globe ailé des antiques pharaons. La Commission des arts et des sciences, représentée par quatre rangées de Muses, regarde la silhouette du Nil, inspirée de la célèbre sculpture romaine – également envoyée à Paris, à cette époque, emportant dans ses flots une horde désordonnée de mamelouks. Terrifié par l’aigle, symbole de l’armée impériale, l’ennemi en déroute s’enfuit derrière une pyramide. Le « héros conquérant » a rapporté en Egypte les arts et les sciences après un long exil. Chassés par Bonaparte, les mamelouks réapparaissent dans la frise inférieure, soumis et payant tribut. Sur les montants latéraux, des trophées d’armes, de drapeaux, et des enseignes composées de couronnes et de médaillons portent les noms des principaux champs de bataille de Syrie et d’Egypte. Dans les angles s’inscrit l’abeille, autre symbole impérial.
L’allégorie napoléonienne
Le frontispice compose une sorte d’arc de triomphe, à la fois défilé de sujets vaincus et apothéose du vainqueur, et légitime le pouvoir de Napoléon Bonaparte. Il unit le culte de la personnalité du général en chef à l’idée classique du héros demi-dieu. Comme César, Napoléon s’était hissé au pouvoir impérial à partir du commandement suprême de l'armée et, comme lui, il avait fondé un empire en passant par la terre d’Egypte. Expédition voulue par le destin, suggère la préface, car « le propre de ce pays est d’appeler l’attention des princes illustres qui règlent les destinées des nations ».
Le frontispice illustre l’idée que la puissance impériale a donné à la France la maîtrise des antiquités égyptiennes par la connaissance et l’image, sans s’arrêter au fait que les Anglais ont saisi les collections d’objets antiques ! Ces pièces d’art égyptien jouent aussi le rôle de passerelles entre l’art égyptien et l’art gréco-romain, reflétant cette conception du XIXe siècle selon laquelle l’art des pharaons constitue le berceau de l’art avant son apogée réel, l’art grec classique : l’Egypte a passé le flambeau à la Grèce, qui l’a transmis, par-delà les siècles, aux artistes et aux savants français.
Dans la même perspective, la représentation des chevaux de Saint-Marc et du Nil étendu en dieu du fleuve ne revêt pas un simple sens allégorique. Les faits d’armes de Bonaparte en Italie avaient rendu la nation française maîtresse de ces œuvres exceptionnelles. Aussi symbolisent-elles le contrôle des antiquités classiques et égyptiennes alors détenu par la France.
Le répertoire de formes nouvelles découvertes en Egypte que diffuse la Description transformera la vision des artistes et sera largement utilisé par les peintres pour évoquer l’Orient.
Anna PIUSSI, « Les menottes d’or du patronage napoléonien : Le frontispice de la Description de l’Egypte. Hommage à Dutertre, Balzac et Cécile » in L’Expédition d’Egypte, une entreprise des Lumières, 1798-1801. Actes du colloque de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et de l’Académie des sciences, sous les auspices de l’Institut de France, Paris, 8-10 juin 1998, réunis par Patrice Bret, Paris, 1999.
Marie-Noëlle BOURGUET« Des savants à la conquête de l’Egypte ? Science, voyage et politique au temps de l’expédition française »in L’Expédition d’Egypte, une entreprise des Lumières, 1798-1801. Actes du colloque de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et de l’Académie des sciences, sous les auspices de l’Institut de France, Paris, 8-10 juin 1998, réunis par Patrice Bret, Paris, 1999.
Luce-Marie ALBIGÈS, « Frontispice de la Description de l’Égypte », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 22/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/frontispice-description-egypte
Lien à été copié
Découvrez nos études
Les découvertes de Saqqarah
Située sur un plateau à l’ouest de Memphis, la nécropole de Saqqarah est non seulement la plus vaste d’Égypte mais aussi la plus ancienne. Ses…
Napoléon Bonaparte et l'Égypte
En avril et juillet 1795, les traités de Bâle mettent fin à la première coalition des puissances européennes dressées contre la France…
Frontispice de la Description de l’Égypte
Dix ans après le coup d’Etat du 18 Brumaire, Napoléon décide de publier l’ensemble des documents recueillis par la…
La Seconde mission française à Khorsabad
En 1851, l’Assemblée nationale vote un crédit pour la poursuite des fouilles menées en 1843-1844 par…
Mariette Pacha : un Français pour créer le Service des antiquités de l’Égypte
En 1857, l’égyptologue français Auguste Mariette (1821-1881), conservateur adjoint au musée…
Papety, un artiste français en Grèce vers 1846
Prix de Rome en 1836, Papety séjourne en Italie de 1836 à 1841 où sa production est fortement marquée par Ingres…
Auguste Mariette et le grand sphinx de Gizeh
Situé en Basse-Égypte, en amont du delta du Nil et à l’ouest du Caire, le plateau de Gizeh abrite un site archéologique de l’Ancien Empire avec…
Les fouilles de Khorsabad
En 1842, lorsque Louis-Philippe ouvre une nouvelle agence consulaire à Mossoul, le poste de…
Auguste Mariette
Riche de trois millénaires d’histoire, l’Égypte voit son antique culture s’effacer peu à peu à la suite des conquêtes grecque et romaine. Le…
"Tanagra" par Jean-Léon Gérôme
A la fin des années 1860, les habitants de plusieurs villages de Béotie proches de l’antique cité…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel