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Philippe V, roi d'Espagne

Philippe V, roi d'Espagne

Louis XV, roi de France

Louis XV, roi de France

Louis XV, roi de France (1710-1774)

Louis XV, roi de France (1710-1774)

Philippe V, roi d'Espagne

Philippe V, roi d'Espagne

Date de création : 1700-1701

H. : 225,5 cm

L. : 154 cm

huile sur toile

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (château de Versailles) / Gérard Blot

lien vers l'image

96-004293 / MV 8493

Rigaud et les portraits royaux

Date de publication : Janvier 2021

Auteur : Stéphane BLOND

La consécration officielle

Installé à Paris en 1681, le peintre Hyacinthe Rigaud (1659-1743) se forge rapidement une clientèle de prestige. En 1688, Philippe d’Orléans (1640-1701), frère unique du roi Louis XIV (1638-1715), lui commande son portrait, ce qui ouvre la voie à d’autres représentations au sommet de l’État. Au sein d’une production de plus de mille cinq cents portraits originaux, vingt-cinq toiles concernent des membres de la famille royale et font figure d’échantillons de premier choix.

En octobre 1700, quelques jours avant sa mort, le roi d’Espagne Charles II (1661-1700) désigne le duc Philippe d’Anjou (1683-1746), second fils du Grand Dauphin, pour successeur. Le 16 novembre, il devient officiellement Philippe V d’Espagne et, avant son départ pour son nouveau royaume, Louis XIV commande un portrait de son petit-fils en forme de souvenir familial. Le monarque prend la pose entre le 1er et le 4 décembre 1700, et le tableau est achevé au début de l’année 1701, avant son exposition au Salon de 1704. Il faut le rapprocher du célèbre portrait officiel de Louis XIV par Rigaud, que le petit-fils doit recevoir de façon croisée en mémoire de son grand-père. Finalement, ce dernier portrait est tellement apprécié qu’il est conservé en France avant d’être répliqué. Le portrait de Philippe V intègre la collection du Roi, et la toile reste dans le giron de l’État jusqu’à sa mise en dépôt à Versailles en 1974. Cet exemplaire et deux portraits de Louis XIV sont exécutés pour la somme faramineuse de 26 000 livres tournois !

Quinze ans plus tard, le 1er septembre 1715, Louis XIV s’éteint, après soixante-douze ans de règne. Dans les jours qui suivent, le duc d’Orléans, régent du royaume, commande le premier portrait officiel du jeune Louis XV (1710-1774). Rigaud hérite de cette tâche et se rend dès le 9 septembre au château de Vincennes afin d’ébaucher sa toile. L’année suivante, l’artiste réalise son autoportrait, sur lequel il se représente devant l’esquisse du tableau du jeune roi, finalement achevé au printemps 1717, pour la somme de 8 000 livres.

En 1721, l’artiste réalise un second portrait du roi. Il est ordonné par Philippe V en vue d’un mariage entre le roi de France et une infante d’Espagne mais, contrairement au tableau, l’alliance ne se fait pas.

Un troisième tableau est entamé en 1727, quatre ans après le sacre. L’artiste commence par peindre la tête du roi, puis conçoit le décor. La toile est livrée en 1730 pour 15 000 livres, soit l’équivalent de revenus annuels au sein de la grande bourgeoisie ! La même année, Rigaud est fait chevalier de l’ordre de Saint-Michel. Les portraits de 1717 et 1730 intègrent le cabinet du Roi et les collections d’État.

Portraits en majesté

À l’instar du portrait de Louis XIV, devenu un modèle pour les suivants, ces tableaux d’apparat au décor surchargé soulignent l’étendue de la culture visuelle de Rigaud.

Philippe V est encore en France, mais l’artiste puise dans l’iconographie pour le représenter en bon Espagnol. Âgé de 17 ans, le monarque est figuré dans une taille proche de la réalité, vêtu d’un costume en satin noir, selon l’usage vestimentaire de la cour madrilène. Il porte également un col blanc à godille et une épée à large garde caractéristique des armes ibériques. Un gigantesque rideau de velours rouge court jusqu’aux pieds du monarque, qui pose dans une attitude similaire à celle de son grand-père. Son corps est représenté de profil, les pieds en ciseau et la main gauche sur la hanche. Sa main droite s’appuie sur la couronne posée sur un coussin. Il porte le cordon bleu et la plaque de l’ordre du Saint-Esprit, plus le collier de la Toison d’or, l’ordre de chevalerie le plus prestigieux en Espagne.

La composition des deux portraits de Louis XV rejoint celle utilisée pour ceux de Louis XIV et Philippe V d’Espagne. Une fois de plus, les couleurs mettent en évidence la majesté royale. Les velours moirés de l’arrière-plan témoignent aussi de la virtuosité de l’artiste dans la restitution des tissus et des étoffes. Sur le portrait du jeune Louis XV, la scène prend place sur une estrade couverte d’un somptueux tapis multicolore. Le rideau cramoisi forme une alcôve protectrice qui laisse entrevoir une colonne. Assis sur son trône, le roi pose ses pieds sur un coussin fleurdelisé. Cette posture est privilégiée à un portrait en pied, car mieux adaptée à un enfant de 5 ans contraint de supporter le poids des objets du pouvoir. Sur le portrait en pied de Louis XV à l’âge adulte, la draperie sert à nouveau la grandeur monarchique, avec un « rideau s’entourant autour d’une colonne, figure de la force, pilastres et corniche présageant l’ampleur de l’espace palatial » (Ariane James-Sarazin).

Incarner la puissance de l’État

Les deux portraits de Louis XV reproduisent la force symbolique des deux portraits d’apparat réalisés à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles. Ils concourent à faire du nouveau roi un digne héritier de l’autorité du Roi-Soleil. Pour ces toiles en forme de manifeste du pouvoir, les regalia prêtés par le prieur de l’abbaye royale de Saint-Denis sont étudiés sous toutes leurs coutures et savamment mis en valeur. Malgré un regard doux, l’enfant roi a le bras allongé et le doigt tendu, comme pour ordonner et symboliser l’action politique. Dans sa main droite, il serre le sceptre royal à fleur de lys confectionné pour le sacre d’Henri IV, premier roi Bourbon. La couronne et la main de justice sont posées sur un coussin, mais légèrement en retrait et dans la pénombre, comme pour rappeler la période de régence, le règne personnel n’ayant pas commencé. À l’inverse, quinze ans plus tard, le roi s’appuie sur la couronne qui se trouve en pleine lumière, comme la main de justice. Louis XV tient dans sa main gauche le sceptre de Charles V (1338-1380), dit de Charlemagne, en référence à la statuette qui le surmonte. Il porte la culotte en dentelle typique des membres de l’ordre du Saint-Esprit, dont le collier de « souverain grand maître » repose sur le collet d’hermine du manteau royal.

Signe de l’engouement et du succès des portraits de Rigaud, de nombreuses répliques, copies ou gravures sont exécutées. Ariane James-Sarazin recense au moins trente répliques du tableau de Philippe V pour le cabinet du Roi, des membres de l’élite française ou des cours princières espagnoles. En 1701-1702, Pierre Drevet réalise également une gravure en buste s’insérant dans un cadre resserré de forme ovale. Suite à une commande de l’administration des Bâtiments du Roi, le portrait du jeune Louis XV est copié à vingt-quatre reprises. Il s’agit de compositions différenciées, en pied ou en buste, avec, là aussi, des gravures réalisées par Drevet et Nicolas IV de Larmessin. Enfin, une dizaine de répliques du portrait de 1730 sont répertoriées, ainsi qu’une gravure à mi-corps et cuirasse ciselée en 1737 par Jean Daullé. Au total, ces portraits et leurs multiples déclinaisons constituent de formidables outils de communication qui essaiment dans les grandes institutions représentatives du pouvoir. La posture royale est encore reproduite après 1774 par Antoine-François Callet (1741-1823) pour le portrait officiel de Louis XVI. Le style Rigaud reste un incontournable du genre pendant de nombreuses décennies et pour une diversité de régimes politiques !

Stéphane BLOND, « Rigaud et les portraits royaux », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/rigaud-portraits-royaux

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