La Bataille de Waterloo, 18 juin 1815
Auteur : ANDRIEUX Clément-Auguste
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1852
Date représentée : 18 juin 1815
H. : 114,1 cm
L. : 196 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blo
MV 6340 - 09-541168
La bataille de Waterloo. 18 juin 1815
Date de publication : Juin 2023
Auteur : Jérémie BENOÎT
La bataille de Waterloo. 18 juin 1815
La bataille de Waterloo. 18 juin 1815
Napoléon, emprisonné à l’île d’Elbe, ayant débarqué à Golfe-Juan le 1er mars 1815, parvint à reconquérir son trône après une marche à travers la France qui s’acheva triomphalement à Paris. Aussitôt, Louis XVIII s’étant enfui à Gand, les puissances européennes, Angleterre, Prusse, Autriche, relancèrent la guerre contre l’Empereur, considéré comme un usurpateur. Napoléon rassembla une nouvelle armée et gagna la Belgique.
Après quelques succès – à Ligny où il parvint à vaincre les Prussiens, aux Quatre-Bras où Ney remporta une demi-victoire contre les Anglais (16 juin) –, il affronta les Britanniques du duc de Wellington à Waterloo le 18 juin 1815. C’était la première fois qu’il se trouvait en face de son grand adversaire : jamais encore il n’avait combattu directement les Anglais.
Reprenant sa tactique habituelle, Napoléon confia une partie des troupes au général Grouchy, créé maréchal pour l’occasion, afin d’empêcher le feld-maréchal Blücher de rallier le champ de bataille. Il espérait ainsi remporter une victoire décisive face aux Anglais. En effet, la bataille ayant commencé à 11 heures en raison du terrain détrempé par les pluies, il eut l’initiative toute la journée malgré la belle résistance britannique.
Malheureusement, Grouchy ne rallia pas le lieu du combat comme il l’aurait dû pour prendre les Anglais en tenaille, bien que poussé par le général Vandamme, jaloux de son maréchalat. Ce furent les Prussiens qui arrivèrent sur la droite française. La jeune garde fit des prouesses pour les contenir pendant que Ney cherchait à percer les lignes anglaises au centre. À 7 heures, Napoléon envoya sa vieille garde dans un suprême sursaut. Mais Blücher et Wellington firent leur jonction. La bataille était perdue. Avec elle s’envolait l’espoir d’une restauration impériale durable.
Selon le livret du Salon de 1852, Andrieux a peint l’attaque des trois mille cuirassiers du général Milhaud contre les carrés anglais groupés en avant du mont Saint-Jean, c’est-à-dire l’action visant à désorganiser le centre des lignes ennemies. Si cette attaque, qui eut lieu vers 15 h 30, est un moment héroïque souvent célébré, elle ne met pas l’Empereur en valeur. C’est Jean-Baptiste Milhaud (1766-1833) qui l’est, mais seulement dans le livret, car on ne le reconnaît pas précisément dans la peinture. D’ailleurs, ce fut Ney qui mena cette charge fameuse qui échoua. Dans la peinture, l’apparition des cavaliers sortant des fumées de la bataille révèle une très forte inspiration des lithographies de Raffet.
Napoléon et Ney minimisés, glorification d’un général qui avait été proche de Marat et de Carrier à la Convention avant de se rallier à Bonaparte, rappel de la belle résistance anglaise dans le livret, tout cela ne concourait pas à faire acheter l’œuvre par le nouvel empereur Napoléon III. Andrieux voulait peut-être renouer en cette année 1852 avec la gloire passée, mais il fut maladroit dans son intervention et l’œuvre demeure d’ailleurs assez peu lisible.
Il semble qu’il fallait à l’Empereur cette défaite définitive : en 1814, toujours victorieux, il n’avait capitulé que parce que Paris avait été investie par les Alliés. Inversement, il y avait de l’épopée dans Waterloo : c’était le sceau d’une aventure humaine qui n’avait eu d’égale que celle d’Alexandre le Grand. Le dévouement presque suicidaire des soldats de l’Empire permit de retourner une situation de défaite pour faire de Waterloo un acte de bravoure démesuré. En ce sens, seule la bataille de Diên Biên Phu peut lui être comparée. Remarquons d’ailleurs qu’on parle de « victoire » pour Austerlitz, Iéna ou Friedland, mais de « bataille » pour ces deux défaites…
Ainsi la bataille perdue de Waterloo est-elle paradoxalement passée dans l’histoire comme l’un des plus beaux faits d’armes de l’armée française. Elle est toujours citée parmi les batailles napoléoniennes aux côtés d’Austerlitz ou d’Iéna. Les créateurs de la légende se sont en effet vite emparés de cette défaite comme pour laver l’affront fait à l’Empereur et en faire une sorte de prouesse victorieuse.
Raffet et Charlet célébrèrent très tôt dans leurs lithographies les héroïques soldats de Waterloo, le dernier carré de la garde, le bataillon sacré qui entourait l’Empereur au soir de la bataille. Le général Cambronne fut glorifié pour avoir refusé de se rendre. On lui attribua un mot demeuré célèbre, mais il est plus vraisemblable qu’il répondit aux Anglais cette phrase emplie d’honneur militaire : « La Garde meurt mais ne se rend pas. » La littérature vint également au secours de Napoléon.
Dès 1829, Barthélemy et Méry publiaient une sorte d’épopée intitulée Waterloo, fustigeant la trahison du général Bourmont, ancien chouan, qui fut suivie par la célèbre poésie de Victor Hugo dans Les Châtiments (« L’expiation », 1853) : « Waterloo, Waterloo, Waterloo, morne plaine… » On connaît aussi le vaste passage épique des Misérables qui célèbre en particulier le chemin creux d’Ohain, très accentué par rapport à la réalité, que devaient franchir les cuirassiers de Ney (et de Milhaud).
En 1865, Erckmann-Chatrian publiaient à leur tour un Waterloo, roman qui faisait suite au Conscrit de 1813, œuvre antimilitariste certes, mais qui célébrait aussi le sens du devoir patriotique.
Plusieurs artistes, outre Andrieux, s’emparèrent aussi du sujet, surtout à la fin du XIXe siècle, sous la IIIe République, quand l’esprit revanchard se fit jour après la défaite de 1870 et qu’il fallait célébrer les grands aînés de la France. Là encore, Waterloo fut glorifiée à l’égal des plus grandes victoires, particulièrement par François Flameng qui mit en scène un maréchal Ney déchaîné de bravoure.
Andrieux quant à lui était venu trop tôt : il avait voulu glorifier Napoléon, il ne parvint qu’à montrer les combattants. Si c’est par ce biais qu’on parvint bel et bien à transfigurer Waterloo, en 1852 il fallait flatter l’Empire et non rappeler une défaite finale. Ce qui était possible en littérature ou en gravure ne l’était pas en peinture, genre officiel exposé au public. Il fallait la démocratie pour montrer les soldats du peuple : Napoléon III voulait que son oncle fût glorifié et non pas supplanté par son armée. Le tableau d’Andrieux était voué à l’échec en 1852. Son acquisition en 1890 est au contraire révélatrice, puisqu’elle s’effectua au moment de la crise boulangiste.
Yveline CANTAREL-BESSON, Claire CONSTANS et Bruno FOUCART, Napoléon. Images et histoire : peintures du château de Versailles (1789-1815), Paris, RMN, 2001.
Jean-Claude DAMAMME, La Bataille de Waterloo, Paris, Perrin, 1999.
Roger DUFRAISSE et Michel KERAUTRET, La France napoléonienne. Aspects extérieurs, Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 1999.
Gunther E. ROTHENBERG, Atlas des guerres napoléoniennes : 1796-1815, Paris, Autrement, 2000.
Jean TULARD (dir.), Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1987, rééd. 1999.
Jérémie BENOÎT, « La bataille de Waterloo. 18 juin 1815 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/bataille-waterloo-18-juin-1815
La notice de l’œuvre sur le site du château de Versailleshttp://collections.chateauversailles.fr/#ff106cd7-6581-42de-913a-3d6b6c60dd20Le site du mémorial de Waterloohttp://www.waterloo1815.be/Une reconstitution animée de la bataille de Waterloo sur le site du Courrier internationalhttp://www.courrierinternational.com/video/histoire-reconstitution-animee-de-la-bataille-de-waterloo
Lien à été copié
Découvrez nos études
La Bataille d'Isly
Malgré le traité de la Tafna signé en 1837, qui reconnaissait l’autorité d’Abd el-Kader sur l’Algérie, celui-ci n’avait de cesse de vouloir en…
Photographier la Grande Guerre
Au moment où éclate la Première Guerre mondiale, la photographie est encore considérée comme le meilleur moyen de s’approcher de la réalité. On…
Le cubisme sur le front : les dessins de guerre de Fernand Léger
La guerre de 1914-1918 opéra une rupture sans précédent dans l’histoire des manières de combattre : la guerre de mouvement…
L'emblématique naufrage de la cavalerie française à Sedan
La guerre de 1870 est entamée par la France pour des raisons complexes. Il est difficile en effet de dire avec…
Le Fort de Douaumont, lieu d'Histoire, site de mémoire
Douaumont, clef de voûte du réseau de fortifications de la région de Verdun et point d’…
La Bataille d'Iéna
Dès son accession au trône, conseillé par l’historien-ministre François Guizot (1787-1874), Louis-Philippe décide de transformer le château de…
Regards sur les guerriers gaulois
Jusque dans les années 1820, l’histoire de France se fonde sur celle des princes dont les historiens dressent les…
La bataille de Reichshoffen, 6 août 1870
Dès le début de la guerre franco-prussienne, en août 1870, les armées françaises subirent de graves revers en Alsace. Ayant dû évacuer Wissembourg…
Le corps des morts
Les eaux-fortes présentées ici appartiennent à un cycle de gravures intitulé « La Guerre » et réalisé par Otto Dix en 1924. Il s’agit de cinq…
La Bataille de Fontenoy
Louis XV jouit du titre glorieux de « Bien-Aimé » pendant toute la première moitié de son règne. Sa popularité…
Thibaut Carré || "Messieurs les Anglais fuyez les premiers"
On ignore souvent qu'il y avait 9% d'Anglais à la bataille de Waterloo, et que ce sont les Belges et les Prussiens qui ont gagné cette bataille.
https://www.facebook.com/Messieurs-les-Anglais-fuyez-les-premiers-1748268012106119/
http://www.thebookedition.com/fr/mm-les-anglais-fuyez-les-premiers-p-343868.html
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel