Arbre observatoire en acier et tôle peinte à Armancourt (Somme)
Une colonne de chars Renault FT17 camouflés
Les Usines du Rio-Tinto à l'Estaque
Artistes de la section de camouflage
Arbre observatoire en acier et tôle peinte à Armancourt (Somme)
Auteur : DANTON Louis
Lieu de conservation : musée de l’Armée (Paris)
site web
Date de création : Mars 1915
Date représentée : Mars 1915
H. : 7 cm
L. : 4,6 cm
Tirage d'après négatif papier.
Domaine : Photographies
© Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN - Grand Palais / Pascal Segrette
06-501531 / 995.142.195
Cubisme et camouflage
Date de publication : Juillet 2007
Auteur : Claire LE THOMAS
L’arme « camouflage »
La guerre de 1914-1918 ne fut pas la guerre éclair tant attendue. Elle s’enlisa rapidement et, avec la mise en place des tranchées, devint une guerre de position où la survie dépendait essentiellement du silence et de l’invisibilité des troupes. Il fallait voir sans être vu, surveiller sans se faire repérer pour anticiper les mouvements de l’ennemi ou attaquer sans envoyer à l’aveuglette projectiles et soldats. Le camouflage n’était plus une ruse ponctuelle comme dans les guerres de mouvement, mais un moyen de combat offensif et défensif.
Guirand de Scevola, jeune peintre canonnier de 2e classe, eut le premier l’idée de camoufler le matériel en le peignant. De cette invention naquit la première équipe de camouflage, placée sous sa direction, dont le ministre de la guerre ratifia l’existence officielle le 12 février 1915. Une fois reconnu, codifié et organisé, le camouflage pris rapidement une importance considérable comme méthode stratégique passive et active : de 30 hommes en 1915, son effectif passa en 1918 à 3 000 hommes.
Comme méthode passive, la plus rapidement mise en place, il s’agissait de dissimuler le matériel, les routes, ponts et autres points stratégiques sous des filets ou par de la peinture. Le camouflage actif comprenait quant à lui la création de postes d’observation ou de tir invisibles en s’appuyant sur les accidents et les particularités du terrain (ruines, arbres creux, meules de paille, fossés…) ou en les fabriquant de toute pièce (comme le faux arbre contenant une guérite photographié par Louis Danton) pour les substituer de nuit aux véritables éléments ayant servi de modèle à leur élaboration. Toute modification du paysage étant suspecte, il fallait remplacer un objet réel par son fac-similé, la copie étant aménagée de manière à contenir un ou plusieurs hommes avec du matériel militaire. Parfois ces doubles servaient à dérouter l’ennemi et le diriger sur des cibles fictives ou des positions erronées par la confection de canons ou de véhicules factices et de faux terrains d’aviations ou dépôts de munitions.
Le camouflage, une peinture cubiste ?
Gertrude Stein rapporte que, devant le premier canon camouflé qu’il vit, Picasso s’écria : « C’est nous qui avons fait cela. » Comment Picasso a-t-il pu attribuer la paternité d’une peinture utilitaire au cubisme ? Par quelle opération mystérieuse le cubisme se retrouva-t-il sur du matériel militaire ?
Guirand de Scevola donna lui-même les premiers éléments d’explication : « J’avais, pour déformer totalement l’objet, employé les moyens que les cubistes utilisent pour le représenter, ce qui me permit par la suite d’engager dans ma section quelques peintres aptes à dénaturer n’importe quelle forme. » Les cubistes et le camouflage poursuivaient un but similaire : intégrer la figure au fond, l’objet à son environnement.
Pour les cubistes, le problème était de figurer des objets colorés en trois dimensions sur la surface plane du tableau et de les incorporer à cette unité plastique. Pour ce faire, ils représentaient les objets vus sous divers angles, que les « passages », les dégradés colorés, permettaient de relier entre eux et à l’arrière-plan. La restriction des couleurs à un camaïeu de brun et de gris accentuait cette fusion. En reniant la perspective à point de vue unique, la lumière ne provenait plus d’une source isolée, mais servait à faire ressortir les volumes indépendamment de tout éclairage naturel.
De la sorte, leurs peintures, comme Les Usines du Rio-Tinto à l’Estaque, faisaient éclater le volume homogène des objets, brisaient leurs contours et rendaient leur position dans l’espace par une succession de plans : les bâtiments sont figurés les uns au-dessus des autres selon des angles variés, et leur forme n’est jamais complètement délimitée, un côté se fondant avec le fond. Le tableau, pour qui n’est pas familiarisé avec cette déconstruction visuelle, peut apparaître comme une surface couverte d’aplats colorés légèrement modulés, s’apparenter à de l’abstraction. Une « illisibilité » qui rejoint l’invisibilité recherchée par le camouflage.
Le matériel militaire était peint d’aplats de couleur unie indépendants des formes et de l’éclairage de manière à abolir le volume de l’objet, à rendre ses contours indéchiffrables et à l’amalgamer à son environnement. Les camaïeux de brun, de gris et de vert, couleurs les plus communes dans la nature et les moins visibles, servaient au mieux cette recherche de fusion.
Les cubistes des peintres « utiles »
Confrontée à une équation plastique similaire, la peinture de camouflage s’est tournée vers le système qu’offrait le cubisme pour décomposer les formes et inscrire l’objet dans son milieu ambiant. Bien plus, ce sont souvent des peintres cubistes qui s’y employèrent : Guirand de Scevola s’attacha à rappeler du front les artistes engagés pour leur donner un poste adapté à leurs compétences particulières. Dunoyer de Segonzac, Jacques Villon, Roger de La Fresnay, André Mare, firent ainsi partie de cette section.
Cette fonction était d’ailleurs sollicitée par beaucoup de soldats : les peintres de camouflage possédaient un statut à part ; ils travaillaient dans des ateliers, évitant ainsi les tranchées et les combats. Le danger était moindre, sauf lors des missions de reconnaissance et d’installation, et les conditions de vie meilleures. Fernand Léger n’aura d’ailleurs de cesse de demander son changement d’affectation, qu’il n’obtint jamais.
Cette double utilisation du style cubiste et des peintres cubistes paraît particulièrement impertinente lorsque l’on sait que, quelques années plus tôt, leur production avait été taxée de « peinture boche », parce que leur marchand et leurs acheteurs étaient allemands. Après avoir été accusés de collaborer avec l’ennemi, ils devenaient des patriotes indispensables à l’effort de guerre.
Pierre DAIX, Journal du cubisme, Paris-Genève, Skira, 1982.
Danielle DELOUCHE, « Cubisme et camouflage » in Stéphane AUDOIN-ROUZEAU, Annette BECKER, Jean-Jacques BECKER, Gerd KRUMEICH et Jay M.WINTER (dir.), Guerre et cultures, 1914-1918, Paris, Armand Colin, 1994.
André MARE, Cubisme et camouflage : 1914-1918, Bernay, Musée municipal des Beaux-Arts, 1998.
Guirand de SCEVOLA, « Souvenirs du camouflage », in La Revue des Deux Mondes, janvier 1951.
Gertrude STEIN, Autobiographie d’Alice Toklas, Paris, Gallimard, 1934.
Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.
Claire LE THOMAS, « Cubisme et camouflage », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/cubisme-camouflage
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FMDF
Madame,
Pourriez vous m'indiquer si à votre connaissance l'artiste Georges TRIBOUT travailla dans cette section ?
Merci.
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