Aller au contenu principal
Molière en habit de Sganarelle

Molière en habit de Sganarelle

Molière lisant Tartuffe chez Ninon de Lenclos

Molière lisant Tartuffe chez Ninon de Lenclos

Molière lisant Tartuffe chez Ninon de Lenclos

Molière lisant Tartuffe chez Ninon de Lenclos

Molière en habit de Sganarelle

Molière en habit de Sganarelle

Date de création : Vers 1660

Date représentée :

Graveur : Claude Simonin.

Titre complet : Le vray Portrait de Mr de Moli7re en Habit de Sganarelle.

Gravure.

Domaine : Estampes-Gravures

© RMN-Grand Palais / Agence Bulloz

Lien vers l'image

01-009196

Molière

Date de publication : Septembre 2012

Auteur : Myriam DENIEL TERNANT

Molière vu à cent cinquante ans d’intervalle

Le Grand Siècle est marqué dans le domaine littéraire par l’émergence de la préciosité, à la faveur du développement des salons tenus par des femmes telles que Madeleine de Scudéry ou Ninon de Lenclos. Ces espaces de sociabilité intellectuelle sont fort prisés dans la capitale. L’âge classique se caractérise également par la promotion d’un genre théâtral souvent occulté par la tragédie : la comédie, qui s’incarne alors sous la plume de Molière. Sganarelle et Tartuffe figurent parmi ses personnages favoris, le premier apparaissant pour la première fois dans la farce Le Médecin volant (vers 1645), le second dans la pièce éponyme Le Tartuffe ou l’Imposteur en 1664.

Plus d’un siècle plus tard, cette théâtralité est convoquée à l’envi sous la Restauration (1815-1830). Le pouvoir royal comme l’Église catholique éprouvent le besoin de réaffirmer une identité malmenée par deux décennies de révolution et d’Empire ; un vaste mouvement missionnaire rigoriste est lancé, suscitant l’ire des populations qui, en retour, se livrent à des protestations et des charivaris contre ce qu’elles jugent être un complot clérical. Dans ce contexte traumatique, le tableau de Nicolas-André Monsiau prend une résonnance toute particulière : il rappelle le succès de Tartuffe, pièce maintes fois représentée en cette première partie du XIXe siècle, signe d’un questionnement sur l’hypocrisie, la tromperie et la légitimité.

Du type au caractère, de Sganarelle à Tartuffe

Distantes de cent cinquante ans, ces œuvres évoquent deux personnages de Molière. Réalisée au XVIIe siècle, l’estampe de Claude Simonin le représente sous les traits récurrents de Sganarelle, créé de toutes pièces par Molière sur le modèle des types de la comédie italienne. Sganarelle résume le souffre-douleur, couard et maladroit. Il est vêtu d’un pourpoint, d’un mantelet ou d’une cape, d’un bonnet et de hauts-de-chausses, et a le cou serré dans une fraise à l’ancienne. Son costume est souvent rouge cramoisi ou jaune criard.

Il constitue bien un type, identifiable d’emblée par son auditoire. Ici, Molière campe un personnage farcesque, arborant une expression proche du masque et empreint de l’influence de la commedia dell’arte. À demi courbé, la tête penchée sur le côté, il semble saluer ou proposer ses services dans une attitude mielleuse et obséquieuse qui renvoie à sa fonction originelle de valet.

La toile de Nicolas-André Monsiau, datée du début du XIXe siècle, propose un tout autre Molière. Le peintre est d’ailleurs un des premiers à représenter des scènes de genre historique moderne. Debout en pleine lumière, Molière déclame son texte, une main levée, l’autre brandissant Le Tartuffe qui vient d’essuyer de virulentes critiques en raison de sa dimension subversive, d’autant plus mal admise que le parti dévot pèse de tout son poids à la cour. Le dramaturge embrasse désormais la comédie de mœurs, fondée sur les travers de personnages vraisemblables, ici l’hypocrisie d’un dévot. À deux reprises, en 1664 et en 1667, la pièce est interdite, malgré les modifications qui y sont apportées. Il faut attendre 1669 et le décès de la reine mère pour qu’elle soit autorisée. La scène représentée par Monsiau interviendrait peu de temps après la première condamnation de Molière, chez Ninon de Lenclos qui tient salon au 36 rue des Tournelles à Paris. Molière (13) lit sa pièce devant un parterre essentiellement masculin de savants, d’artistes et d’écrivains où figurent notamment Pierre et Thomas Corneille (1 et 3), Jean-Baptiste Lully (2), Racine (7), Jean de La Fontaine (4), Nicolas Boileau (8), Chapelle (5), Baron (6), le grand Condé (10), La Bruyère (15), Pierre Mignard (14), La Rochefoucault (16), mais aussi le maréchal de Vivone (17), Philippe Quinault (9), Saint-Évremont (12) et François Girardon (18). Assise au centre, Ninon de Lenclos (11), quelque peu alanguie, est vêtue d’une robe anachronique pour le règne de Louis XIV.

Deux visions et deux usages de Molière

Ces œuvres présentent deux visions et deux usages de Molière. Dans l’estampe du XVIIe siècle, c’est le comédien qui est mis en valeur. Il est figuré seul, et ses traits disparaissent sous ceux de Sganarelle. Au contraire, Nicolas-André Monsiau donne à voir l’auteur et une partie de son travail préparatoire, représenté ici par la lecture de sa pièce. Sa présence au premier plan, debout, et son nom dans le titre de la toile témoignent du passage à la postérité de sa personne et de son œuvre. En effet, le peintre opère un brouillage chronologique afin de transposer le sens du Tartuffe dans le contexte troublé de la Restauration. Tout au long de cette période, le public se voit offrir des représentations vaudevillesques de Molière. Cette « tartufferie » s’incarne à travers la mise en musique, sur des airs populaires, de certains monologues de la pièce, les multiples représentations théâtrales illustrant la tendance à une instrumentalisation politique de la théâtralité. Le tableau de Nicolas-André Monsiau est en ce sens avant-gardiste, puisqu’il semble avoir été réalisé entre 1802 et 1810, sous l’Empire.

· Patrick DANDREY, Molière ou l’Esthétique du ridicule, Paris, Klincksieck, 1992.·

Roger DUCHÊNE, Molière, Paris, Fayard, 1998.·

Michel GILOT et Jean SERROY, La Comédie à l’âge classique, Paris, Belin, coll. « Belin sup », 1997.·

Sheryl KROEN, Politics and Theater : the Crisis of Legitimacy in Restoration France, 1815-1830, Berkeley, University of California Press, 2000.·

MOLIÈRE, Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Pléiade », 1933. 

Myriam DENIEL TERNANT, « Molière », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 22/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/moliere

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Une grande actrice sous le Second Empire

Une grande actrice sous le Second Empire

Une reine de la « fête impériale »

Resté dans la mémoire collective comme une époque de plaisirs (la « fête impériale »), le Second Empire est en…

Un théâtre du Boulevard à la Belle Epoque

Un théâtre du Boulevard à la Belle Epoque

Le théâtre au cœur de la vie parisienne

Depuis la monarchie de Juillet, les « grands boulevards » sont le centre de la vie parisienne. Cet…

Théâtres et cabarets parisiens au XIX<sup>e</sup> siècle

Théâtres et cabarets parisiens au XIXe siècle

Au XIXe siècle, la fréquentation des cabarets et des théâtres est un aspect fort important de la culture urbaine, populaire ou petite-…

Théâtres et cabarets parisiens au XIX<sup>e</sup> siècle
Théâtres et cabarets parisiens au XIX<sup>e</sup> siècle
Théâtres et cabarets parisiens au XIX<sup>e</sup> siècle
Théâtres et cabarets parisiens au XIX<sup>e</sup> siècle
La Représentation d’Ophélie

La Représentation d’Ophélie

Engouement pour le personnage d’Ophélie

La culture et la sensibilité romantiques doivent beaucoup aux représentations d’Hamlet données à l’Odéon…

La Représentation d’Ophélie
La Représentation d’Ophélie
La Représentation d’Ophélie
La Représentation d’Ophélie
Cécile Sorel, de la Comédie-Française au couvent, en passant par le music-hall et le cinéma

Cécile Sorel, de la Comédie-Française au couvent, en passant par le music-hall et le cinéma

Le portrait photographique au service d’une grande artiste

Poser dans l’atelier d’un photographe devient, à la Belle Époque, une pratique…

Cécile Sorel, de la Comédie-Française au couvent, en passant par le music-hall et le cinéma
Cécile Sorel, de la Comédie-Française au couvent, en passant par le music-hall et le cinéma
Rue Transnonain, une maison à Paris sous Louis-Philippe

Rue Transnonain, une maison à Paris sous Louis-Philippe

Une « maison de rapport » édifiée sous le Directoire

Une sanglante bavure, dénoncée par Daumier, a rendu tristement célèbre la maison du 12 rue…

Rue Transnonain, une maison à Paris sous Louis-Philippe
Rue Transnonain, une maison à Paris sous Louis-Philippe
Rue Transnonain, une maison à Paris sous Louis-Philippe
Rue Transnonain, une maison à Paris sous Louis-Philippe
Le grand retour du comique théâtral

Le grand retour du comique théâtral

Au cours du XIXe siècle, l’essor de la bourgeoisie et l’influence de ses mœurs sur le reste de la société suscitent la dérision de…

La « divina »  Eleonora Duse et la naissance du théâtre du XX<sup>e</sup> siècle

La « divina » Eleonora Duse et la naissance du théâtre du XXe siècle

La photographie, forme artistique et outil commercial

Dès sa diffusion, à la fin du XIXe siècle, la photographie se révèle une…

La « divina »  Eleonora Duse et la naissance du théâtre du XX<sup>e</sup> siècle
La « divina »  Eleonora Duse et la naissance du théâtre du XX<sup>e</sup> siècle
Réjane, comédienne et interprète de la Belle Époque

Réjane, comédienne et interprète de la Belle Époque

Le Boulevard et sa reine

La diffusion, sous forme de cartes postales, des portraits photographiques des actrices est, à la Belle Époque, la…

L’Amour à la Comédie-Française

L’Amour à la Comédie-Française

C’est sous l’influence de son maître Claude Gillot que Watteau va s’intéresser à l’art dramatique et s’initier aux sujets théâtraux. Lorsque…