Paysans chez un homme de loi, dit aussi Le Paiement de la dîme
Sac à procès.
Sac à procès.
Paysans chez un homme de loi, dit aussi Le Paiement de la dîme
Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web
H. : 55 cm
L. : 80 cm
La date de 1617 est apocryphe.
Huile sur bois.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado
RF 1973 37 - 17-627597
La perception de l’impôt et la place de l’écrit dans les campagnes
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Anne-Cécile TIZON-GERME
L’avocat de village
Daté de 1617 dans la version du musée du Louvre, ce tableau est connu à plusieurs dizaines d’exemplaires à travers le monde, sous des titres divers tels que « le paiement de la dîme », « l’avocat de village », « le cabinet d’un procureur », « les redevances seigneuriales »... C’est dire la fortune de la scène dont nombre de versions sont identifiées comme venant directement de l’atelier Brueghel. En dehors du témoignage d’une production presque commerciale, cette scène montre l’importante présence de l’écrit jusque dans les campagnes..
Une petite pièce encombrée
Dans une petite pièce, face à un avocat qui porte le bonnet des hommes de loi, se pressent de nombreux solliciteurs. Le chapeau à la main, les paysans de tous âges viennent présenter leur affaire. L’un d’entre eux tient des grappes de raisin, un autre une volaille, une femme sort des œufs d’un panier. Installé derrière la porte entrouverte par laquelle un nouveau plaignant est en train de se glisser, un clerc écrit sur un petit bureau encombré de papiers. Partout dans la pièce pendent des sacs gonflés des pièces de procédure, identifiés par une étiquette cousue ; sur les étagères s’amoncellent de nombreux papiers pliés en liasses, froissés parfois et même déchirés, qui débordent jusque sous les pieds de l’avocat et dans les coins de la salle. Dans cette représentation satirique de la justice, le maintien de l’avocat, désinvolte, avachi sur son siège, reflète la distance entre l’homme qui détient le savoir et les paysans, inclinés dans une attitude humble de respect et de soumission. Mais ce sont aussi l’entassement et l’encombrement des papiers qui attirent l’attention.
La place de l’écrit
Si ce tableau est souvent utilisé pour illustrer la perception de l’impôt et notamment son paiement en nature à travers les denrées visibles dans les mains de plusieurs personnages, il représente plus vraisemblablement un avocat rural. En effet, les papiers que celui-ci conserve autour de lui, suspendus dans des sacs en chanvre soigneusement étiquetés, sont caractéristiques des placets, mémoires et pièces de procédure que l’on trouve dans les archives de justice jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. D’autres documents sont simplement pliés dans la longueur et tenus par une ficelle. Dans Les Plaideurs, Racine mentionne d’ailleurs à plusieurs reprises les gros sacs à procès de Dandin, mais aussi les importantes dépenses qu’entraîne sa manie procédurière.
Ce mode de rangement des papiers était d’autant plus courant que la culture du chanvre était très répandue dans les campagnes jusque dans les années 1950. Souvent cultivé par les femmes, le Cannabis sativa était utilisé dans son entier, notamment pour fabriquer des cordes de marine, de l’étoupe, du gros fil que l’on tissait à domicile pour les draps. Dans certaines régions linières, on avait recours au lin pour la confection de ces sacs.
Ce rangement caractéristique des documents judiciaires d’Ancien Régime a parfois traversé les siècles, et certains fonds d’archives renferment encore aujourd’hui des documents dans des sacs de grosse toile de chanvre. La langue française en garde aussi trace dans des expressions comme « l’affaire est dans le sac », « avoir plus d’un tour dans son sac » ou « une affaire pendante ».
· Klaus ERTZ, « L’avocat des paysans » in catalogue de l’exposition Pieter Brueghel le Jeune (1564-1637-8), Jan Brueghel l’Ancien (1568-1625) : une famille de peintres flamands vers 1600, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, 3 mai-26 juillet 1998, Lingen-Anvers, Luca Verlag-Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, 1998.
· Louis LIGIER, « Chanvre », in Nouvelle maison rustique ou économie générale de tous les biens de campagne, Paris, Veuve Savoye, 1775.
Anne-Cécile TIZON-GERME, « La perception de l’impôt et la place de l’écrit dans les campagnes », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/perception-impot-place-ecrit-campagnes
Lien à été copié
Découvrez nos études
Les martyrs de prairial
Exacerbée par la crise sociale, la famine et le chômage, exaltée par la répression et la persécution menées contre les militants sectionnaires à…
La Légende dorée de Napoléon
Durant la monarchie de Juillet, une flambée de bonapartisme se fit jour, encouragée par la politique de rassemblement national de Louis-Philippe.…
La perception de l’impôt et la place de l’écrit dans les campagnes
Daté de 1617 dans la version du musée du Louvre, ce tableau est connu à plusieurs dizaines d’exemplaires à travers le monde,…
Les Avocats à la cour d'assises
Les Français du XIXe siècle se passionnent non seulement pour les « types » sociaux, mais aussi pour les…
Faits divers criminels
Tout au long du XIXe siècle, la croissance significative de la population urbaine et…
La prison panoptique
La prison moderne est née sous la Révolution : c’est à ce moment qu’elle devient la base de la pénalité française. En 1791, Le Pelletier de Saint-…
Les Quatre sergents de La Rochelle
En 1820, la lutte qui oppose libéraux et partisans de l’Ancien Régime a pris en France une violence nouvelle à la suite de l’assassinat du duc de…
La Voisin et l’affaire des poisons
Entre 1676 et 1682 éclate à Paris l’affaire des poisons : la mise au jour par la…
Hélène Jégado, la Brinvilliers bretonne
Statistiquement parlant, les empoisonneuses sont particulièrement nombreuses sous…
L’Affaire Calas
L’affaire Jean Calas commence le 13 octobre 1761, lorsque ce négociant protestant…
pierretche
Excellent commentaire, qui éclaire l'immersion des campagnes dans la culture écrite, par delà la diffusion du livre et de l'imprimé.
Le vrai titre du tableau pourrait être "La paperasse" (néologisme du 16e siècle).
Aux locutions qu'a données la pratique des sacs de procès, on pourrait ajouter "Vider son sac"(le jour du procès).
A propos des sacs pour conserver les documents
Ces sacs avaient l'avantage de pouvoir être suspendus , Ainsi les papiers étaient à l'abri des rongeurs.
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel