Aller au contenu principal
Les Déchargeurs de charbon

Les Déchargeurs de charbon

Le coltineur de charbon.

Le coltineur de charbon.

Les Déchargeurs de charbon

Les Déchargeurs de charbon

Auteur : MONET Claude

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date de création : Vers 1875

Date représentée :

H. : 55 cm

L. : 66 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© Musée d'Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Lien vers l'image

RF 1993 21 - 18-531749

Peindre le travail ouvrier

Date de publication : Octobre 2014

Auteur : Pierre SESMAT

Peindre le travail ouvrier

Peindre le travail ouvrier

Le charbon s’identifie, pour ainsi dire, avec la première révolution industrielle : il est sa principale – sinon unique – source d’énergie. La croissance de sa production est parallèle à l’accélération de l’industrialisation : on en extrait presque vingt fois plus en 1914 qu’en 1850.

Importé d’Angleterre ou d’Allemagne ou extrait dans les bassins miniers du Nord et du Centre, le charbon est transporté vers la capitale essentiellement par péniche. S’explique ainsi le soin des autorités françaises à développer, au cours de la seconde moitié du siècle, un réseau de voies fluviales et de canaux cohérent, dont le nœud principal est Paris.

Dans les années 1870-1880, alors que la croissance économique en France s’est essoufflée, il est encore d’usage courant de faire davantage appel à la force humaine qu’à des grues mécaniques pour assurer le transbordement du charbon. Le déchargeur, le « coltiner » fait partie des métiers encore extrêmement nombreux qui relèvent de la manutention, métiers au contact des anciennes habitudes artisanales et du nouveau monde industriel.

Tout, ou presque, oppose ces deux tableaux dans leur conception et leur destination.

C’est au cours de ses trajets entre la capitale et sa banlieue que Monet a saisi cette scène des déchargeurs. Même s’il n’a de cesse d’exposer et de vendre, il peint d’abord pour satisfaire ses propres recherches.

Pour sa part, Gervex est un peintre très en vogue, dès les années 1880. Il côtoie les impressionnistes et Manet. Il se lie d’amitié avec Maupassant et Zola, les maîtres du naturalisme littéraire. Mais il a la chance de recevoir des commandes officielles, ainsi le décor de la salle des mariages de la mairie du XIXe arrondissement, auquel s’intègre cette étude du Coltineur.

C’est le même type de site qui est figuré dans chacun des tableaux : un port de la capitale. Plus précisément, pour Monet, il s’agit du port sur la Seine en aval de Paris, à Argenteuil ; pour Gervex, c’est le quai du bassin de la Villette entre le canal Saint-Martin et celui de l’Ourcq. Dans les deux cas, l’arrière-plan multiplie les péniches et les cheminées d’usines, signes d’activité industrielle en corrélation avec les ports. Monet y ajoute une travée du pont d’Argenteuil, qui cadre la scène.

Les deux tableaux nous donnent à voir les conditions matérielles de ce travail. La force physique est la première qualité requise : on perçoit – très clairement chez Gervex – comment le panier évasé et rempli de charbon est chargé sur une épaule du déchargeur, bloqué par sa nuque et retenu par sa main opposée. Mais il faut aussi faire preuve d’un certain sens de l’équilibre : les planches reliant par-dessus le quai les bateaux au dépôt sont étroites et peuvent s’avérer instables ; on doit les pratiquer avec précaution et lenteur, même quand on rejoint la péniche, la corbeille vide renversée sur la tête.

Cependant, la différence de cadrage entre les deux toiles ne donne pas la même vision du travail des déchargeurs. Chez Monet, le contre-jour et le cadre large permettent de saisir essentiellement les va-et-vient des hommes. Pour Gervex, la concentration du peintre sur un seul déchargeur laisse voir la tenue de celui-ci (pantalon, torse nu et chapeau) et fait sentir la lourdeur du panier de charbon et la saleté qu’il provoque.

Tout cela est confirmé par les dimensions de chaque œuvre. Le petit format et les déchargeurs de Monet réduits à de minces et courtes silhouettes s’opposent à la stature monumentale du coltineur de Gervex, destiné à rejoindre un grand décor républicain.

Pas plus de sept années séparent ces deux tableaux. On ne s’étonnera donc pas de leur similitude. Tous deux traduisent notamment l’intérêt porté à la réalité sociale par les peintres de cette génération, qu’ils soient impressionnistes et marginalisés, comme Monet ou, comme Gervex, peintres reconnus et chargés de commandes publiques.

Pourtant tous les paramètres plastiques laissent entrevoir la véritable passion de Monet : la lumière. C’est ses jeux qu’il aime interroger et peindre. Ils maintiennent les déchargeurs à distance. Gervex paraît bien plus proche d’eux. Pourtant son réalisme ne cherche pas à déplorer la dureté de leur travail mais à exalter la valeur du travail accepté, malgré sa pénibilité.

COLLECTIF, Henri Gervex : 1852-1929, Paris, Éditions des Musées de la Ville de Paris, 1993.

Jean-Pierre DAVIET, La Société industrielle en France (1814-1914), Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 1997.

Gérard NOIRIEL, Les Ouvriers dans la société française au XIXe siècle, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 1986.

Douglas SKEGGS, Monet et la Seine : impressions d’un fleuve, Paris, Albin Michel, 1988.

Pierre SESMAT, « Peindre le travail ouvrier », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/peindre-travail-ouvrier

Christiane (non vérifié)

En réponse à par Anonyme (non vérifié)

I'm impressed, I must say. Rarely do I come across a blog that's both educative and entertaining,
and let me tell you, you have hit the nail on the head.
The issue is something that not enough folks are speaking intelligently
about. I am very happy that I found this in my hunt for something regarding this.

dim 27/11/2022 - 22:58 Permalien
jacotte (non vérifié)

Un autre peintre du travail ouvrier est Bonhommé, au XIXe siècle. Il peint des intérieurs d'usines métallurgiques montrant la dureté du travail mais aussi la beauté du métal en fusion dans un décor sombre qui ressemble souvent à la nef d'une cathédrale. Apparaissent outre les ouvriers, d'autres acteurs de ce travail : le patron, l'ingénieur, l'enfant qui fait de petits travaux ou encore la femme qui apporte le casse-croute. Une exposition remarquable a eu lieu il y a environ deux ans au Musée de la Faïence de Nevers.

sam 11/03/2023 - 10:37 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Degas et la vie quotidienne des danseuses de l'Opéra

Degas et la vie quotidienne des danseuses de l'Opéra

À partir de la fin des années 1860, Degas suit les danseuses pendant les classes et les entraînements réguliers, près des feux de la rampe et même…

Degas et la vie quotidienne des danseuses de l'Opéra
Degas et la vie quotidienne des danseuses de l'Opéra
Degas et la vie quotidienne des danseuses de l'Opéra
Degas et la vie quotidienne des danseuses de l'Opéra
30 juin 1878, une fête « vraiment nationale »

30 juin 1878, une fête « vraiment nationale »

Paris inaugure le 1er mai 1878, sous la présidence de Mac Mahon, sa troisième Exposition universelle (après celles de 1855 et 1867), la première…

Le chemin de fer, symbole d’une nouvelle révolution industrielle

Le chemin de fer, symbole d’une nouvelle révolution industrielle

Symbole de la révolution industrielle naissante, le chemin de fer se développe en France à partir des années 1820. Longtemps considéré comme une…

La « Fée verte »

La « Fée verte »

Jusqu’à la fin des années 1870, les hygiénistes français véhiculent l’idée que l’alcoolisme est l’apanage des « classes ouvrières ». Durant la…

La « Fée verte »
La « Fée verte »
Stéphane Mallarmé

Stéphane Mallarmé

Partagé entre sa vocation de poète et son métier de professeur d’anglais, Stéphane Mallarmé a beaucoup fréquenté les salons parisiens, hauts lieux…

Stéphane Mallarmé
Stéphane Mallarmé
Les ouvrières de l’industrie textile

Les ouvrières de l’industrie textile

Roubaix, le « Manchester de la France »

L’industrie textile décolle en France entre 1840 et 1870 avec la mécanisation du peignage, du filage et du…

Les ouvrières de l’industrie textile
Les ouvrières de l’industrie textile
Le chemin de fer dans le paysage français

Le chemin de fer dans le paysage français

En France, le Second Empire ouvre à bien des égards l’ère du rail. La révolution que le pays connaît dans les années 1850 et 1860 est due à l’…

Le chemin de fer dans le paysage français
Le chemin de fer dans le paysage français
Le chemin de fer dans le paysage français
Debussy et le renouveau musical

Debussy et le renouveau musical

Nombreux sont ceux pour qui Achille-Claude Debussy (1862-1918) est le plus grand compositeur du XXe siècle. D’origine très modeste, il…

Debussy et le renouveau musical
Debussy et le renouveau musical
L'influence de l'impressionnisme dans la peinture américaine

L'influence de l'impressionnisme dans la peinture américaine

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la France accueille volontiers les nombreux artistes américains qui viennent parfaire leur…

L'influence de l'impressionnisme dans la peinture américaine
L'influence de l'impressionnisme dans la peinture américaine
L'influence de l'impressionnisme dans la peinture américaine
L'hygiène : un nouveau soin du corps

L'hygiène : un nouveau soin du corps

Pratiques d’hygiène et espace privé

Au cours du XIXe siècle, les pratiques d’hygiène augmentent en fréquence, en régularité et en…

L'hygiène : un nouveau soin du corps
L'hygiène : un nouveau soin du corps