Orientale
Femme juive de la province d'Alger
Jeune orientale assise sur un divan fumant dans un intérieur avec un écureuil.
Orientale
Auteur : GIRAUD Eugène
Lieu de conservation : musée national du château de Compiègne (Compiègne)
site web
Date de création : XIXe siècle
Date représentée : XIXe siècle
H. : 16,8 cm
L. : 12,6 cm
Huile sur carton.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Michel Urtado
C 65.003 - 00-502797
La femme orientale dans la peinture du XIXe siècle
Date de publication : Janvier 2007
Auteur : Alain GALOIN
À partir de 1704, après la traduction des Mille et Une Nuits par Antoine Galland (1646-1715), l’image sensuelle de la femme du harem inspire les peintres occidentaux tels Carle Van Loo (1705-1765), François Boucher (1703-1770), Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867) ou Eugène Delacroix (1798-1863). Pour les artistes des XVIIIe et XIXe siècles, le glissement du nu mythologique au nu oriental est aisé ; il éloigne de la routine académique et autorise les accessoires exotiques plaisants à l’œil. Au début du XIXe siècle, les artistes ne se contentent plus de réinventer un Orient mythique : ils voyagent et rapportent d’Espagne, de Grèce, de Turquie ou d’Afrique du Nord leur propre vision de l’Orient, captée in situ.
C’est le cas d’Eugène Giraud (1806-1881), peintre, graveur et caricaturiste, familier du salon de la princesse Mathilde sous le Second Empire. En 1846, il accompagne Alexandre Dumas père (1802-1870) en Espagne et en Afrique du Nord. Il illustre de dessins le récit – intitulé De Paris à Cadix – que le célèbre écrivain a laissé de ce voyage mouvementé et voit dans l’Espagne une terre étrange déjà lointaine, la porte de cet Orient qui ne sera pas sans influence sur son œuvre.
Moins connu, mais non moins talentueux, Alexandre Lauwich (1823-1886), originaire de Lille, a été l’élève de Charles Gleyre (1806-1874) avant de peindre sur le motif à Barbizon et de voyager en Italie puis en Afrique du Nord. Il réside plusieurs années en Algérie et adhère à la Société des beaux-arts d’Alger. De 1859 à 1869, il expose à Paris, au Salon annuel, des œuvres exclusivement orientalistes.
Élève d’Abel de Pujol (1785-1861), Alexandre Decamps (1803-1860) est, quant à lui, aussi célèbre de son vivant que Delacroix. À la fin de 1827, il part en compagnie du peintre Hippolyte Garneray (1787-1858) pour un long séjour en Asie Mineure. Lumière, clair-obscur et couleurs de cet Orient enfin découvert nourriront pour longtemps l’inspiration de cet artiste fécond qui contribue largement à mettre les thèmes orientaux à la mode.
Ces trois peintres donnent de la femme orientale la même interprétation sensuelle, teintée d’exotisme.
L’Orientale d’Eugène Giraud est assise sur une banquette, la jambe droite croisée sur la cuisse gauche, dans une attitude très masculine. Toute de blanc vêtue, elle porte le sarouel – pantalon bouffant originaire d’Afrique du Nord – et une légère casaque largement ouverte sur un corsage diaphane qui laisse deviner sa poitrine. Ses cheveux bruns sont emprisonnés dans un turban noir. Un collier de pièces d’or orne son cou. Elle fume une cigarette. Un tambourin posé sur la banquette, à sa droite, introduit une note musicale.
Le tableau d’Alexandre Lauwich représente une jeune femme mollement allongée sur un divan, dans un intérieur mauresque. Elle tient d’une main le tuyau d’un narghilé et, de l’autre, verse du café d’Arabie dans une tasse posée sur un petit guéridon en marqueterie incrustée de nacre. Ses babouches sont négligemment abandonnées sur un riche tapis de Smyrne. Dans le geste suspendu de la main, dans le regard absent, faut-il voir « la nonchalance heureuse et la tranquille rêverie » évoquées par Pierre Loti, ou la solitude, l’attente et la mélancolie d’une recluse désenchantée ?
Mélancolie et solitude semblent également habiter la jeune Orientale peinte à l’aquarelle par Alexandre Decamps. Assise sur un divan, les jambes repliées dans les sinuosités soyeuses de sa robe, elle fume une longue pipe dont le fourneau repose sur le brocart rebondi d’un pouf. À l’arrière-plan, le grillage d’un moucharabieh marque la limite lumineuse de l’univers clos du harem.
Au XIXe siècle, c’est à la grande bourgeoisie industrielle et financière qu’appartient l’immense majorité des acheteurs d’œuvres d’art. Prisonnière de son mode de vie sédentaire, elle ne dédaigne pas de laisser vagabonder son imagination sans quitter le confort douillet de ses salons feutrés ornés d’œuvres de prix qui invitent à la rêverie. Les peintres orientalistes lui offrent l’évasion dont elle a besoin, la possibilité de rêver devant des images de minarets, de casbahs blanches, de souks colorés, de déserts, d’oasis, mais aussi de sultanes recluses avec leurs esclaves dans l’intimité raffinée et luxueuse des harems. Pour la grande bourgeoisie, l’orientalisme, c’est la sensualité, l’excitant mystère des nudités suggérées par des soieries légères et diaphanes, l’apparente liberté de mœurs de ces femmes cloîtrées dont les attitudes et les comportements contrastent fortement avec la pruderie occidentale. Le spectacle de ces images de harems lui donne la sensation quelque peu perverse de pénétrer par effraction dans un univers interdit où se mêlent intimement exotisme et érotisme.
Patrick et Viviane BERKO, Peinture orientaliste, Bruxelles, Éditions Laconti, 1982.
Pierre LOTI, Aziyadé, Paris, Flammarion, 1879 (rééd.1993).
ynne THORNTON, La Femme dans la peinture orientaliste, Paris, A.C.R. Éditions, 1996.
Lynne THORNTON, Les Orientalistes / Peintres voyageurs, Paris, A.C.R. Éditions, 1983 (rééd.2001).
Alain GALOIN, « La femme orientale dans la peinture du XIXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/femme-orientale-peinture-xixe-siecle
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camila213
Bonjour,Grace à votre site très instructive je retrouve les réponses à mes questions.J'avoue que je pars souvent au musé de bardo à Alger dans la chambre de la favorite qui est exactement la même chambre dans le tableau Delacroix"les femmes d'Alger dans leurs appartement".Milles merci. Melle H.M
Grace
N B K || Correctif
Le sarouel n'est pas originaire d'Afrique du Nord, mais y fut importé par les Turcs Ottomans. Ce pantalon est possiblement persan originellement nommé charwel.
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