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Laissez-nous tranquilles !

Laissez-nous tranquilles !

Lieu de conservation : musée de l’Armée (Paris)
site web

Date de création : 1941

Date représentée : 1941

Impression

Domaine : Affiches

© Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN - Grand Palais - Photo musée de l'Armée

http://www.photo.rmn.fr

08-517424 / 999.971

Vichy et ses ennemis

Date de publication : Février 2012

Auteur : Alexandre SUMPF

L’affiche de propagande.

Très prisée pour la promotion de la Révolution Nationale, l’affiche de propagande connaît une diffusion et une utilisation importantes pendant la période du régime de Vichy (10 juillet 1940-20 août 1944). Omniprésentes, ces multiples campagnes « d’information » et les images sur lesquelles elles s’appuient jouent un rôle fondamental dans les consciences et les jugements associés au pouvoir en place. Qu’elles parviennent ou échouent à façonner comme prévu les idées et les pratiques du public, elles signent et signifient au quotidien l’institution de Vichy et son idéologie. Tout au long de la période, de nombreuses images opposent frontalement le régime de Vichy et ses représentants aux « ennemis » de la France. A cet égard, l’affiche Laissez-nous tranquilles ! réalisée et imprimée en 1941, est à la fois symbolique et exemplaire.

 

Une symbolique agressive

Exécutée par Jé (signature en bas à gauche), la composition de Laissez-nous tranquilles ! présente une opposition symbolique et iconographique très suggestive.

Sur les trois quart gauche de l’image, on aperçoit une France dessinée sans grande précision (notamment les frontières nord-est, et la côte sud). Entourée du bleu de la mer (sans que l’on aperçoive les côtes anglaises ou africaines) elle sert de support à une autre représentation, où un soleil, dardant ses rayons et portant la date (1941) de l’année qui s’annonce, se lève. En deçà de la ligne d’horizon centrale qui sépare le ciel (ocre) de la terre, (d’un jaune plus clair), deux personnages dessinés au crayon, et qui évoquent plutôt la paysannerie. Debout, l’homme qui vient de creuser un trou dans le sol est à la fois vigoureux et sévère. Déterminé à défendre la France contre les menaces extérieures, il protège aussi la jeune femme accroupie, plus douce, presque souriante et sereine, qui plante un arbuste encore frêle.

Venant de la gauche, quatre bêtes noires (trois chiens et un serpent à trois têtes) symbolisent les ennemis (indiquées par écrit : de Gaulle ; Franc-Maçonnerie ; le Mensonge ; le Juif), prêts à attaquer la terre de France et ses habitants.

Bien en évidence, le titre Laissez-nous tranquilles ! (qui pourrait être le cri de défense de l’homme) achève de délivrer un message assez limpide.

Menaces et renaissance

Laissez-nous tranquilles ! évoque la France idéalisée par le régime, en s’appuyant sur les symboliques traditionnelles de la terre (du champ) et du travail (rural). Annonçant la renaissance (le soleil, le matin, l’arbre, la jeunesse de la femme qui donne la vie) l’image signale aussi sa fragilité (l’arbre est jeune), du fait de la menace qui rôde. Une France repliée, sur la défensive, et finalement assez faible. D’autant que cette dernière est multiple (elle attaque par plusieurs points) mettant constamment au défi le courage, la vigueur mais aussi la douceur du peuple (voir ses deux représentants), garants du redressement prôné par Vichy.

Alors que le mensonge, ennemi abstrait, est représenté par un symbole presque biblique (serpent à trois têtes, rappelant peut-être les trois autres), les ennemis, plus réels (quoique diffus et tapis) font voir quelques différences entre eux. Ainsi, De Gaulle, français basé à l’étranger prend ainsi les traits d’un chien de race à peu près classique, tandis que, étrangers en France, les Franc-Maçonnerie et le Juif (surtout ce dernier) sont abâtardis (cosmopolitisme et sang impur, mixé).

Dans une posture de défense (il bande les muscles) homme est prêt à défendre la France à l’aide de sa pelle (le même instrument servant à replanter et à se battre), avec la franchise l’honnêteté et la rudesse de ses moyens limités. A l’inverse, la fourberie bestiale des ennemis de l’intérieur et de l’extérieur, qui renvoient d’ailleurs aux figures traditionnelles rejetées par l’extrême droite, est manifeste. Opposé à la lumière du soleil, le noir évoque en effet à la fois le mal mais aussi l’ombre, le caché, le dissimulé.

AZEMA, Jean-Pierre, De Munich à la Libération, 1938-1944, Paris, Éditions du Seuil, 1979.

AZEMA, Jean-Pierre et Wieviorka, Olivier, Vichy, 1940-1944, Paris, Perrin, 1997.

COINTET, Michèle, Nouvelle histoire de Vichy, Paris, Fayard, 2011.

PAXTON, Robert, La France de Vichy, 1940-44, Paris, Éditions du Seuil, 1973.

ROSSIGNOL Dominique, Histoire de la propagande en France de 1940 à 1944, Paris, PUF, 1991.

Alexandre SUMPF, « Vichy et ses ennemis », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 22/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/vichy-ses-ennemis

Anonyme (non vérifié)

On aurait pu attendre d'une étude faite par un historien sous l'égide du Ministère de l'Education nationale, du Ministère de la Culture et de la Communication, avec la Réunion des Musées nationaux, qu'elle soit accompagnée d'une mise en perspective historique évoquant le désastre humain qu'entraînait cette propagande. Cette absence totale de recul dans le descriptif de l'affiche présentée risque de faire de cette "étude" une nouvelle modalité de diffusion, officielle, celle-ci, d'une propagande criminelle.

mar 14/02/2012 - 23:50 Permalien

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