Aller au contenu principal
Théroigne de Méricourt.

Théroigne de Méricourt.

Date représentée :

H. : 7,1 cm

L. : 7,1 cm

Miniature sur ivoire.

Domaine : Objets

© Photo RMN - Grand Palais - G. Blot

http://www.photo.rmn.fr

88-004753-02 / RF41627

Théroigne de Méricourt

Date de publication : Décembre 2008

Auteur : Charlotte DENOËL

L’engagement politique des femmes au début de la Révolution

Dès le début de la Révolution française, les femmes ont joué un rôle significatif, voire moteur, dans les événements : de la marche de milliers de femmes sur Versailles les 5 et 6 octobre 1789, pour réclamer du pain et reconduire le roi Louis XVI à Paris, à l’insurrection de prairial an III en passant par l’engagement des « tricoteuses de Robespierre » à la Convention contre les Girondins en 1793, les femmes furent présentes à chaque étape clé de la Révolution. Volontiers radicales dans leurs opinions politiques, on les retrouve lors de la fusillade du Champ-de-Mars le 17 juillet 1791, parmi les signataires de la pétition en faveur de l’abolition de la royauté ou dans le mouvement parisien des sans-culottes lors de la Terreur. Cette volonté de participer pleinement à la vie politique se manifeste également dans l’apparition des clubs de femmes à Paris et en province dès les années 1790-1791, dont le plus célèbre est celui des Citoyennes républicaines révolutionnaires, fondé le 10 mai 1793 à Paris. Affichant souvent des objectifs philanthropiques, ces clubs féminins ne tardèrent pas à se radicaliser sous la pression des événements et à intensifier leur action militante, tandis que de plus en plus de femmes se pressaient dans les tribunes publiques des sociétés et assemblées.

Théroigne de Méricourt, une révolutionnaire radicale

Le parcours politique de Théroigne de Méricourt, dont le miniaturiste français François Hippolyte Desbuissons a laissé un portrait, illustre bien cette influence grandissante des femmes dans la vie publique sous la Révolution. Représentée en buste dans un médaillon sur ivoire de petit format, une technique artistique très prisée aux XVIIIe et XIXe siècles pour les portraits avant l’apparition de la photographie, Théroigne apparaît coiffée d’un bonnet girondin et vêtue d’une robe largement décolletée à la mode de l’époque.

Née en 1762 près de Liège, de parents laboureurs, Anne Josèphe Terwagne dite Théroigne de Méricourt, mène une vie de mondaine qui la conduit d’Angleterre en Italie. Arrivée à Paris en juin 1789, elle est rapidement gagnée aux idéaux de la Révolution et s’installe à Versailles dès le mois d’août pour suivre les travaux de l’Assemblée, où elle fait son instruction politique et tient le soir un salon, réservé aux hommes politiques. Vêtue en amazone pour se donner une allure masculine, la « Belle Liégeoise », ainsi qu’on la surnomme, devient une figure très populaire des tribunes publiques, qu’elle fréquente assidûment et où elle n’hésite pas à proclamer ses opinions radicales.

Revenue à Paris lorsque l’Assemblée y déménage, elle fonde en janvier 1790 avec Gilbert Romme le club des Amis de la Loi, devançant le mouvement des sociétés populaires qui devait s’épanouir quelques mois plus tard à Paris. Mais, trop élitiste, ce club, qui avait pour objectif de tenir le peuple informé des travaux de l’Assemblée, n’eut qu’une existence éphémère, et Théroigne tentera sans succès d’en fonder un autre, celui des Droits de l’homme.

Pendant ce temps, les journaux royalistes mènent une campagne de dénigrement contre elle, l’accusant à tort d’avoir participé aux journées d’octobre. Un mandat d’arrêt est délivré contre elle en août 1790, alors qu’elle est rentrée en Belgique. Là, elle est soupçonnée de vouloir soulever la population contre l’empereur autrichien. Le 15 février 1791, des émigrés français l’enlèvent et l’emmènent en Autriche où Théroigne est emprisonnée au château de Kufstein. Libérée après neuf mois de détention, elle revient à Paris en janvier 1792 et y reçoit un accueil triomphal.

A son retour, elle s’engage fortement en faveur de la guerre, réclame la chute de la royauté et prend une part active aux manifestations révolutionnaires, en particulier lors de l’assaut des Tuileries le 10 août 1792 qui consacre la déchéance du roi. En 1793, tout en déplorant le conflit qui oppose la Gironde et la Montagne, elle prend parti pour les Girondins aux côtés de Brissot. En tant que partisane, elle est publiquement dénudée et fouettée le 15 mai par des « citoyennes républicaines révolutionnaires » jacobines et sauvée in extremis par Marat. Mais sa santé mentale ne survivra pas à cette nouvelle humiliation, et elle sera internée dans un asile en 1795. Elle mourra à la Salpêtrière en 1817 sans avoir retrouvé la raison.

Un combat pour la liberté des femmes

Par sa participation politique à la Révolution et son engagement de militante, Théroigne de Méricourt passe pour l’une des figures féminines les plus radicales de l’époque. Elle réclamait notamment pour les femmes le droit de voter dans les sociétés, clubs et assemblées, et celui de s’organiser en corps armé. Au-delà de ces revendications pratiques, l’enjeu était de permettre aux femmes de s’affirmer comme citoyennes à part entière et de sortir de la condition dans laquelle « l’ignorance, l’orgueil et l’injustice des hommes les tiennent asservies », paroles qu’elle a elle-même prononcées le 25 mars 1792 devant la Société fraternelle des Minimes. Cependant, ce féminisme affiché, qui remettait en cause la suprématie masculine et contestait le rôle traditionnellement dévolu à la femme, celui de mère au foyer et d’épouse, rendit Théroigne de Méricourt suspecte aux yeux des révolutionnaires, et, outre sa folie, la légende retiendra d’elle l’image d’une tueuse sanguinaire. Théroigne ne fut pas la seule à pâtir de cet ostracisme à l’encontre de son sexe, et, dès l’automne 1793, toute activité politique féminine fut officiellement interdite, avec la fermeture des clubs de femmes. Ce revirement de l’opinion à l’égard des femmes, traitées de monstres lorsqu’elles prenaient part à la vie politique, reflète la conception que les révolutionnaires, influencés par Rousseau, avaient alors de la société, dans laquelle l’espace politique était réservé aux hommes, tandis que les femmes devaient s’occuper de leur foyer.

Marie-Paule DUHET, Les Femmes et la Révolution, 1789-1794, Paris, Gallimard, coll. « Archives », 1979.Dominique GODINEAU, Citoyennes tricoteuses.Les femmes du peuple à Paris pendant la Révolution française, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, 2e éd., Paris, Perrin, 2003.Élisabeth ROUDINESCO, Théroigne de Méricourt, une femme mélancolique sous la Révolution, Paris, Le Seuil, 1989.Jean-René SURATTEAU et François GENDRON, Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, P.U.F., 1989.Jean TULARD, Jean-François FAYARD et Alfred FIERRO, Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Paris, Laffont, 1987.

Charlotte DENOËL, « Théroigne de Méricourt », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/theroigne-mericourt

Anonyme (non vérifié)

Ce site est très interessant on y apprend plein de chose, j'avais une biographie a faire sur Méricourt et toutes les biographie que je trouvais étaient longues et compliquées. Je vous remercie infiniement pour ce site génial.
Je le recommande à tout le monde! =)

dim 03/02/2013 - 15:08 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

L'évolution de la mode féminine 1880-1920

L'évolution de la mode féminine 1880-1920

Au seuil du XXe siècle, la silhouette de la femme change radicalement. L’effet de cette transformation apparaît non seulement dans les…

L'évolution de la mode féminine 1880-1920
L'évolution de la mode féminine 1880-1920
L'évolution de la mode féminine 1880-1920
L'évolution de la mode féminine 1880-1920
Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène

Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène

La « fée électricité » de la Belle Époque

Le mythe de Paris « Ville lumière » est indissociable de la « fée électricité » Loïe Fuller, artiste…

Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
Louise Michel et sa légende

Louise Michel et sa légende

La répression des communards : le cas de Louise Michel

Institutrice républicaine, cantinière pendant le siège de Paris, oratrice au club de la…

Louise Michel et sa légende
Louise Michel et sa légende
Les tricoteuses pendant la Révolution française

Les tricoteuses pendant la Révolution française

La situation des femmes au début de la Révolution française

Les premières années de la Révolution française ont vu naître un courant en faveur d’…

Le Premier vote des femmes en France

Le Premier vote des femmes en France

La femme française peut voter

À l’approche de la Libération, la question du vote des femmes n’apparaît pas comme une priorité absolue. Ainsi,…

Le Premier vote des femmes en France
Le Premier vote des femmes en France
Le Premier vote des femmes en France
Théroigne de Méricourt

Théroigne de Méricourt

L’engagement politique des femmes au début de la Révolution

Dès le début de la Révolution française, les femmes ont joué un rôle significatif,…

Le vote des femmes en France : le « référendum » du 26 avril 1914

Le vote des femmes en France : le « référendum » du 26 avril 1914

Le mouvement « suffragiste » français en pleine effervescence

Si plusieurs associations françaises avaient milité pour le droit de vote des…

Les suffragettes

Les suffragettes

Les Françaises veulent voter

L’Union française pour le suffrage des femmes, créée en 1909 par Jeanne Schmahl avec l’appui du journal La Française…

1937 : les « actions » féministes

1937 : les « actions » féministes

Militantismes

La victoire du Front populaire aux élections législatives d’avril-mai 1936 fait souffler un vent de liberté et de progrès social sur…

La marche du 5 juillet 1914 pour le droit de vote des femmes

La marche du 5 juillet 1914 pour le droit de vote des femmes

A Copenhague, en 1910, lors de la conférence internationale des femmes socialistes, créée par Clara Zetkin, directrice de la revue Die Gleichheit…