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Le Dévouement de monseigneur de Belzunce, évêque de Marseille, durant la peste qui désola cette ville en 1720

Le Dévouement de monseigneur de Belzunce, évêque de Marseille, durant la peste qui désola cette ville en 1720

Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web

Date de création : 1818

Date représentée : 1720

H. : 130 cm

L. : 160 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Mathieu Rabeau

Lien vers l'image

INV 6774 - 02-013044

La Peste à Marseille

Date de publication : Mars 2013

Auteur : Pascal DUPUY

La peste qui s’abattit sur la ville de Marseille en 1720 est l’une des dernières manifestations d’une vague d’épidémies de la maladie qui, à partir de 1580, toucha la France moderne et l’Europe occidentale.

Avec près de 100 000 habitants, Marseille est alors la troisième cité du royaume de France, une ville portuaire au rayonnement international et à la hiérarchie sociale fortement accusée. Mais, en raison de la très forte densité de sa population, l’épidémie va trouver dans la capitale phocéenne un terrain favorable à sa diffusion et faire des dizaines de milliers de morts. Ce drame aura des répercussions immédiates sur la démographie marseillaise et durables sur la prospérité commerciale de la ville.

Les commentateurs de l’époque, puis les historiens de Marseille, ont relevé l’attitude courageuse d’Henri François-Xavier de Belsunce de Castelmoron, évêque de Marseille, abbé de Notre-Dame-des-Chambons, conseiller du roi qui, dans cette atmosphère de mort et de désolation, secourut les malades et ignora le danger. C’est ce comportement que Nicolas-André Monsiau (1754-1837) met ici en lumière. Admis à l’Académie en 1789, inspiré par l’histoire antique et l’histoire contemporaine, le peintre reprend une tradition iconographique de représentations du drame marseillais, qui a inspiré depuis 1725 un ensemble iconographique varié (toiles, gravures, ex-voto, ensemble sculpté) de plus d’une cinquantaine d’œuvres.

Avant le tableau de Monsiau, on relève entre autres les toiles de J.-F. de Troy, de Michel Serre, de François Gérard, de J.-L. David puis après lui celles du comte de Forbin (Salon de 1834) ou de J.-B. Duffaud en 1911.

En habit sacerdotal, coiffé de sa mitre, tenant de la main gauche un ciboire, l’évêque donne la communion aux pestiférés près du fort Saint-Jean. Il se penche sur une mère agonisante dont l’enfant nu a déjà succombé à la maladie. Le chemin que l’homme d’Église a emprunté afin d’arriver jusqu’aux moribonds est jonché de cadavres, mais ce spectacle macabre ne l’a pas arrêté dans l’exercice de son ministère et n’a pas entamé sa détermination : il est à sa place au milieu du troupeau de ses fidèles en souffrance, leur donne les derniers sacrements et ne craint pas la mort pourtant omniprésente autour de lui.

Des capucins et des jésuites, portant crosse, aiguière, torches et croix, presque aussi nombreux que les pestiférés, se dévouent au chevet des malades, prêts à sacrifier leur vie. Un moine pointe du doigt les cieux, indiquant ainsi aux mourants leur dernière demeure. En forme de pyramide et animée d’obliques, la composition présente les figures « repoussoirs » au premier plan, pour mieux mettre en valeur le courage et l’action des représentants de l’Église catholique. Sur le visage, dans l’attitude et dans les yeux des mourants se lisent l’affolement, la détresse et l’inquiétude qu’une lumière contrastée et un dégradé de couleurs accentuent et dramatisent. L’œuvre oppose ainsi le drame et la tragédie au courage et au dévouement.

Dans le corpus iconographique du drame marseillais, deux figures dominent : le chevalier Roze (1) à la Tourette et l’évêque de Belsunce, l’un symbolisant l’intervention de l’État, l’autre celle de l’Église catholique. Alors que la ville se délite, ils incarnent les garants de l’ordre social et moral. Exposé au Salon de 1819 et acquis cette même année par Louis XVIII, le tableau de Monsiau, sous la forme d’un « exemplum virtutis », illustre parfaitement la foi catholique célébrée sous la première Restauration : il s’agit pour la monarchie restaurée de faire refleurir le sentiment religieux et d’épurer les mœurs.

L’œuvre se rattache également au courant romantique du moment qui dans le sillage de Chateaubriand (Génie du christianisme, 1802) exprime son admiration pour la religion chrétienne, pour la morale et l’humanité. Il est également, par le choix de ses couleurs, son harmonie générale gris-mauve, sa matière picturale glacée et régulière, typique de l’œuvre de Monsiau.

Mais la toile est aussi à mettre en relation avec une « Notice sur la vie du peintre » publiée à la suite du décès de l’artiste en 1837. Monsiau, y lit-on, apprit, alors qu’il avait commencé son tableau, qu’il était atteint de la maladie de la pierre et qu’il devait être opéré de toute urgence. Le peintre décida cependant de braver le danger et ne voulut rien savoir avant d’avoir achevé sa toile, car, déclara-t-il : « Si ce retard m’expose à mourir, mon dernier ouvrage aura du moins été un hommage à la vertu. » Et son biographe de conclure : « La peste de Marseille fut achevée, en effet, et pendant que le public entourait le tableau de ses éloges, le peintre supportait avec un calme inébranlable la plus douloureuse opération de la chirurgie. »

La peste de 1720 en peinture, une vidéo du Musée d'Histoire de Marseille

De David à Delacroix. La peinture française de 1774 à 1830, catalogue de l’exposition du Grand Palais, Paris, R.M.N., 1974.

Dominique AICARDI-CHÈVE,  Le corps de la contagion. Etude anthropologique des représentations iconographiques de la peste (XVIe-XXe siècles en Europe), thèse de doctorat en anthropologie biologique, Université de la Méditerranée, 2003.

Régis BERTRAND, « L’iconographie de la peste à Marseille ou la longue mémoire d’une catastrophe » in Images de la Provence. Les représentations iconographiques de la fin du Moyen Age au milieu du XXe siècle, Aix-en-Provence, Université de Provence, 1992.

Charles CARRIÈRE et alii, Marseille ville morte. La peste de 1720, Marseille, Maurice Garçon Éditeur, 1968.

1 - Nicolas Roze dit le chevalier Roze (1675-1733) : lors de la peste de 1720, il fait débarrasser et enterrer dans des charniers par les galériens du port les centaines de cadavres qui jonchent l’esplanade de la Tourette

Pascal DUPUY, « La Peste à Marseille », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/peste-marseille

Découvrez le dossier Chroniques de La Peste 1720-1722 du musée d'Histoire de Marseille

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