Pierrefonds, le château.
Napoléon III et François-Ferdinand visitant le château de Pierrefonds.
Pierrefonds.
Pierrefonds, le château.
Auteur : VIOLLET-LE-DUC Eugène
Lieu de conservation : médiathèque du Patrimoine et de la photographie (MPP)(Charenton-le-Pont)
site web
H. : 52 cm
L. : 66 cm
Vue cavalière du château en partie restauré. Aquarelle
Domaine : Dessins
© Photo RMN - Grand Palais - D. Arnaudet
79EE1708/MSC 337
Un passé recréé : Pierrefonds
Date de publication : Mars 2008
Auteur : Nicolas COURTIN
D’une forteresse à une folie architecturale
Construit à la fin du XIVe siècle pour Louis de Valois, frère de Charles VI, Pierrefonds subit son premier siège dévastateur au début du XVIIe siècle. Sur ordre de Richelieu, ce repaire de la noblesse hostile à la politique du cardinal fut démantelé. Pendant deux siècles, il présenta une silhouette édentée, fruit de la destruction méticuleuse de son système défensif.
Au début du XIXe siècle, le romantisme y trouva le charme des ruines et le souvenir de la splendeur gothique. Napoléon III, en voisin compiégnois, s’enticha du lieu et commanda à Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) sa restauration en 1857. L’architecte des grandes restaurations nationales était alors à la fin d’une carrière glorieuse qui devait inscrire profondément son autorité dans la tradition architecturale française. Néanmoins, c’est en jeune homme qu’il aborda ce chantier où il conduisit une ultime démonstration d’architecture moderne.
Un plaisir architectural
S’il reflète un premier état qui ne fut pas conservé, le dessin du donjon restauré au cœur d’un jardin paysager ceint de murs en ruine illustre le succès de Pierrefonds au XIXe siècle et la persistance du goût pour le pittoresque né au siècle des lumières. Seulement, c’est désormais vers le Moyen Âge que l’on se tourne. Il permet aussi de mesurer l’importance des reconstructions réalisées ensuite en guise de restauration, la transformation du château en résidence officielle entraînant un programme plus vaste et la construction d’une demeure complète.
Entièrement inventé par Viollet-le-Duc, l’escalier du donjon est greffé sur des murs restaurés. Son départ en perron couvert échappe à tout modèle médiéval mais assure une entrée majestueuse aux appartements impériaux, les premiers réalisés et aujourd’hui les seuls à conserver un décor intérieur. La visite de François-Joseph indique l’orgueil que Napoléon III pouvait tirer de cet édifice et rappelle aussi l’internationalité du néogothique. Si l’aspect général de cet escalier est incontestablement médiéval, le regard avisé détaillera un foisonnant répertoire décoratif d’inspiration très originale et une liberté certaine dans le mélange des réminiscences médiévales et Renaissance.
Les façades qui donnent sur la cour sont toutes conçues comme des écrans ou des décors de théâtre dont le dessin est destiné à l’agrément du visiteur situé au centre. Elles ne reflètent en rien la disposition intérieure, à l’inverse du système médiéval. Ainsi les toitures de l’aile destinée aux invités (dont le décor intérieur n’a pas été réalisé) sont-elles dédoublées de manière à donner un pignon sur la cour et, de l’autre côté, un haut toit à double pente. La coupe sur ce bâtiment montre aussi la variété d’agencement des cloisons et des voûtements d’un étage à un autre, liberté rendue possible uniquement par l’utilisation d’une structure métallique dissimulée dans les maçonneries d’aspect traditionnel.
La chapelle a été entièrement reconstruite. Lovant son abside dans la tour Judas-Maccabée, elle n’est pas visible de l’extérieur. Sa façade sur cour rappelle les saintes chapelles du Moyen Âge (château de Vincennes). Ornée d’une figure de pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle (auquel Viollet-le-Duc a prêté ses traits), elle dissimule une architecture étonnante, bien loin des modèles anciens puisque, de façon unique et très iconoclaste, une tribune destinée aux gardes du château a été installée au-dessus du chœur. Geste purement architectural ou bien provocation politique assumée ? En alliant le néogothique et la modernité, Viollet-le-Duc a conforté la place d’honneur du style des cathédrales dans la mémoire nationale tout en affirmant le rôle moteur que l’histoire peut avoir dans la création artistique.
Modernité et historicisme
La documentation iconographique sur le château de Pierrefonds est abondante. Elle témoigne des multiples intérêts suscités par cet édifice. Ruine d’abord, il permit aux artistes, rompus à celles de Rome, de célébrer un passé national, une antiquité française. Château reconstruit, il fut une référence pour les jeunes architectes qui y virent la source de la modernité : concilier l’inspiration historique avec les moyens contemporains.
Pour Viollet-le-Duc, le néogothique utilisé à Pierrefonds n’était pas celui de la restauration des cathédrales, mais un style neuf, particulièrement propice à s’adapter au rationalisme. Le décor et l’imagerie qu’il véhicule permettent, dans un second temps, de saluer l’histoire de France et le génie des artistes du Moyen Âge. Car le néogothique est avant tout un style « révolutionnaire », un modèle choisi pour rompre avec l’empire du néoclassicisme qui n’est pas fondamentalement lié à la France.
Robert DULAU, Le Château de Pierrefonds, Paris, Éditions du Patrimoine, 1997.
Bruno FOUCART, Viollet-le-Duc, Paris, Réunion des musées nationaux, 1980.
Bruno FOUCART, « Viollet-le-Duc et la Restauration », t. 2, La Nation, in Pierre NORA (dir.), Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1988, réed., coll. « Quarto », 1997.
Nicolas COURTIN, « Un passé recréé : Pierrefonds », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 22/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/passe-recree-pierrefonds
Lien à été copié
Découvrez nos études
Versailles
La seule vision de ces bâtiments évoque l’absolutisme et le classicisme. Versailles est aujourd’hui un élément constitutif, inamovible et…
La Construction de la Tour Eiffel
Dans une France aux prises avec des difficultés politiques et économiques, et encore marquée par le souvenir de sa défaite face à l’Allemagne en…
La prison panoptique
La prison moderne est née sous la Révolution : c’est à ce moment qu’elle devient la base de la pénalité française. En 1791, Le Pelletier de Saint-…
Vue de l’Hôtel de Ville au XVIIIe siècle
Ce tableau tourné vers la place de Grève est signé et daté sous la corniche du quai situé sur la gauche de la toile «…
Un théâtre du Boulevard à la Belle Epoque
Depuis la monarchie de Juillet, les « grands boulevards » sont le centre de la vie parisienne. Cet…
L'Exposition de 1900 à travers des cartes publicitaires
L'Exposition de 1900 est la cinquième Exposition universelle organisée à Paris. Inaugurée sous la présidence d'Emile Loubet, elle a permis à la…
Les Arts appliqués allemands à Paris
À la suite du conflit franco-prussien, la France s’inquiète de ses compétences…
De la place de grève à la place de l'Hôtel de ville
La place de Grève, devenue en 1803 place de l’Hôtel de Ville, abrite le siège de la municipalité parisienne…
Panorama des Palais
L’exposition de 1878, inaugurée le 1er mai après dix-neuf mois de travaux et de préparation, s’inscrit dans…
L’abattage des arbres du parc de Versailles
Ces tableaux du peintre Hubert Robert ont pour sujet l'abattage des arbres du parc de Versailles ordonné au…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel