Le Monde renversé
La Folie des hommes ou le monde à rebours
Le Monde renversé
Le Monde renversé
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
H. : 29,9 cm
L. : 39,8 cm
Dessin : Godard II d'Alençon.
Editeur : Amanf-François Hurez, Cambrai.
Bois de fil colorié au pochoir sur papier vergé.
Domaine : Estampes-Gravures
© RMN-Grand Palais (MuCEM) / Jean-Gilles Berizzi
65.75.138 C - 02CE10147
Le monde renversé
Date de publication : Septembre 2004
Auteur : Frédéric MAGUET
Le monde renversé
Le monde renversé
La technique consistant à inverser les rapports entre deux termes du monde réel (êtres humains, animaux, corps célestes...), afin de produire une représentation impossible, se rencontre dans de nombreuses civilisations. En Europe, le thème du Monde renversé apparaît dans la gravure au XVIe siècle et prend très vite la forme de petites vignettes. Il inspirera de nombreuses estampes populaires jusqu’au XIXe siècle. Jusque-là exceptionnellement stable, ce thème connaît alors une transformation profonde ; il disparaîtra complètement vers 1900.
Au début de la Restauration, l’image de Hurez reprend neuf vignettes classiques des estampes du XVIIIe siècle. Six d’entre elles mettent en scène des oppositions positionnelles entre l’homme et l’animal ; le très classique « Bœuf conduisant la charrue » (tirée par deux hommes) vient en contrepoint des « Ânes en carrosse conduit par les hommes » et du « Bœuf faisant le boucher » (d’autres estampes présentent pour le même thème « Le cuisinier à la broche, les oies la tournent »). « L’homme qui pêche les coqs » et « Les poissons volans » sont deux vignettes qui se répondent, inversant l’opposition de nature entre les oiseaux et les poissons ; quant au « Cheval bridé par la queue, courant en arrière », il s’agit d’une occurrence rare, renvoyant aux inversions cosmiques par la suggestion d’un mouvement rétrograde. Toutes ces scènes présentent des situations absurdes, dont l’impossibilité est manifeste : dans le monde réel ce ne sont pas les singes qui font sauter les hommes à travers un cerceau.
Elles sont d’un type intermédiaire entre les inversions cosmiques des toutes premières images (telles la première et la dernière scène de la taille-douce de Mondhar : « Le globe terrestre renversé » d’une part, « Les villes dans les nuées - le soleil et la lune sur la terre » d’autre part) et les inversions sociologiques qui, déjà présentes au XVIIIe siècle (« La femme a le mousquet, la quenouille l’époux, Et berce pour surcroix l’enfant sur ses genoux »), seront de plus en plus fréquentes dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Le monde à l’envers se lit en creux à partir des certitudes communes sur le monde à l’endroit, et si, vers 1850, Pellerin met en scène les rapports entre les sexes (« La femme monte la garde, et le mari fait la provision du ménage », « Les hommes font la cuisine, et les femmes boivent à leur santé ») et même les rapports sociaux (« La maîtresse apporte à déjeuner à la servante », « L’écolier met le bonnet d’ignorant à son maître et lui donne le fouet »), il ne s’agit pas d’un programme d’action subversif mais de représentations censées être aussi impossibles que « Le cochon conduisant un homme ».
Les thématiques qu’illustrent les vignettes du Monde renversé font preuve d’une étonnante stabilité ; parmi toutes les inversions imaginables, seul un corpus très restreint est régulièrement exploité. L’absence de vignettes à thème sociologique sur l’image de Hurez est un fait remarquable compte tenu de leur présence sur nombre d’images antérieures. Le régime politique instauré par Louis XVIII n’était pas enclin à tolérer des expressions trop directes de satire sociale, aussi n’est-il pas étonnant que les Mondes renversés édités durant cette période privilégient les thèmes socialement neutres – du moins en apparence, car la longue fréquentation de ces images permet de supposer que ces représentations d’un absurde naturaliste pouvaient suggérer des interprétations moins innocentes. La fin de la monarchie de Juillet, en revanche, verra se multiplier des expressions beaucoup plus audacieuses ; la maîtresse qui apporte à déjeuner à la servante étant alors de justesse exonérée du soupçon de subversion par son voisinage avec « Les poissons qui pêchent les hommes à la ligne ».
Jacques COCHIN Mondes à l’envers, mondes à l’endroit »in Arts et traditions populaires, n° 17, Paris, Maisonneuve et Larose, 1969
Jean LAFOND et Augustin REDONDO (dir.) L’Image du monde renversé et ses représentations littéraires et para-littéraires de la fin du XVIe siècle au milieu du XVIIIe Colloque international de Tours, 17-19 novembre 1977, Paris, J.Vrin, 1977
Maurice LEVER Le monde à l’envers in Le Vieux Papier, Paris, Hachette-Massin 1980
Frédéric MAGUET Le Monde à l’envers catalogue d’exposition-dossier, Paris, MNATP, 1990
Frédérick TRISTAN Le Monde à l’envers Paris, Hachette-Massin, 1980, catalogue d’exposition
Le monde renversé, morale et non-sens dans l’imagerie satirique Amsterdam-Paris-Londres-New York, Goethe-Institut, trilingue allemand, français, anglais, 1985
Imagerie populaire : Née avec les techniques d’impression mécanique qui permettent la reproduction d’une même image à l’infini et sa diffusion à moindre coût et au plus grand nombre à des fins d’information, mais également de propagande. L’un des principaux centres de fabrication de ces gravures populaires est Épinal – on parle en ce cas d’images d’Épinal.
Frédéric MAGUET, « Le monde renversé », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/monde-renverse
Lien à été copié
Découvrez nos études
Consommer en musique
En 1906, déjà connu pour ses cartes postales humoristiques, notamment à thématique militaire, l’artiste Léon…
Le monde renversé
La technique consistant à inverser les rapports entre deux termes du monde réel (êtres humains, animaux, corps célestes...), afin de produire une…
Le dessous des cartes
Au cours de l’été 1914, la mécanique des alliances croisées s’emballe et conduit en…
Olivier Courtz
Merci
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel