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Le Monde renversé

Le Monde renversé

La Folie des hommes ou le monde à rebours

La Folie des hommes ou le monde à rebours

Le Monde renversé

Le Monde renversé

Le Monde renversé

Le Monde renversé

Date de création : 1817-1818

Date représentée :

H. : 29,9 cm

L. : 39,8 cm

Dessin : Godard II d'Alençon.

Editeur : Amanf-François Hurez, Cambrai.

Bois de fil colorié au pochoir sur papier vergé.

Domaine : Estampes-Gravures

© RMN-Grand Palais (MuCEM) / Jean-Gilles Berizzi

Lien vers l'image

65.75.138 C - 02CE10147

Le monde renversé

Date de publication : Septembre 2004

Auteur : Frédéric MAGUET

Le monde renversé

Le monde renversé

La technique consistant à inverser les rapports entre deux termes du monde réel (êtres humains, animaux, corps célestes...), afin de produire une représentation impossible, se rencontre dans de nombreuses civilisations. En Europe, le thème du Monde renversé apparaît dans la gravure au XVIe siècle et prend très vite la forme de petites vignettes. Il inspirera de nombreuses estampes populaires jusqu’au XIXe siècle. Jusque-là exceptionnellement stable, ce thème connaît alors une transformation profonde ; il disparaîtra complètement vers 1900.

Au début de la Restauration, l’image de Hurez reprend neuf vignettes classiques des estampes du XVIIIe siècle. Six d’entre elles mettent en scène des oppositions positionnelles entre l’homme et l’animal ; le très classique « Bœuf conduisant la charrue » (tirée par deux hommes) vient en contrepoint des « Ânes en carrosse conduit par les hommes » et du « Bœuf faisant le boucher » (d’autres estampes présentent pour le même thème « Le cuisinier à la broche, les oies la tournent »). « L’homme qui pêche les coqs » et « Les poissons volans » sont deux vignettes qui se répondent, inversant l’opposition de nature entre les oiseaux et les poissons ; quant au « Cheval bridé par la queue, courant en arrière », il s’agit d’une occurrence rare, renvoyant aux inversions cosmiques par la suggestion d’un mouvement rétrograde. Toutes ces scènes présentent des situations absurdes, dont l’impossibilité est manifeste : dans le monde réel ce ne sont pas les singes qui font sauter les hommes à travers un cerceau.

Elles sont d’un type intermédiaire entre les inversions cosmiques des toutes premières images (telles la première et la dernière scène de la taille-douce de Mondhar : « Le globe terrestre renversé » d’une part, « Les villes dans les nuées - le soleil et la lune sur la terre » d’autre part) et les inversions sociologiques qui, déjà présentes au XVIIIe siècle (« La femme a le mousquet, la quenouille l’époux, Et berce pour surcroix l’enfant sur ses genoux »), seront de plus en plus fréquentes dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Le monde à l’envers se lit en creux à partir des certitudes communes sur le monde à l’endroit, et si, vers 1850, Pellerin met en scène les rapports entre les sexes (« La femme monte la garde, et le mari fait la provision du ménage », « Les hommes font la cuisine, et les femmes boivent à leur santé ») et même les rapports sociaux (« La maîtresse apporte à déjeuner à la servante », « L’écolier met le bonnet d’ignorant à son maître et lui donne le fouet »), il ne s’agit pas d’un programme d’action subversif mais de représentations censées être aussi impossibles que « Le cochon conduisant un homme ».

Les thématiques qu’illustrent les vignettes du Monde renversé font preuve d’une étonnante stabilité ; parmi toutes les inversions imaginables, seul un corpus très restreint est régulièrement exploité. L’absence de vignettes à thème sociologique sur l’image de Hurez est un fait remarquable compte tenu de leur présence sur nombre d’images antérieures. Le régime politique instauré par Louis XVIII n’était pas enclin à tolérer des expressions trop directes de satire sociale, aussi n’est-il pas étonnant que les Mondes renversés édités durant cette période privilégient les thèmes socialement neutres – du moins en apparence, car la longue fréquentation de ces images permet de supposer que ces représentations d’un absurde naturaliste pouvaient suggérer des interprétations moins innocentes. La fin de la monarchie de Juillet, en revanche, verra se multiplier des expressions beaucoup plus audacieuses ; la maîtresse qui apporte à déjeuner à la servante étant alors de justesse exonérée du soupçon de subversion par son voisinage avec « Les poissons qui pêchent les hommes à la ligne ».

Jacques COCHIN  Mondes à l’envers, mondes à l’endroit »in Arts et traditions populaires, n° 17, Paris, Maisonneuve et Larose, 1969

Jean LAFOND et Augustin REDONDO (dir.) L’Image du monde renversé et ses représentations littéraires et para-littéraires de la fin du XVIe siècle au milieu du XVIIIe Colloque international de Tours, 17-19 novembre 1977, Paris, J.Vrin, 1977

Maurice LEVER Le monde à l’envers in Le Vieux Papier, Paris, Hachette-Massin 1980

Frédéric MAGUET Le Monde à l’envers catalogue d’exposition-dossier, Paris, MNATP, 1990

Frédérick TRISTAN Le Monde à l’envers Paris, Hachette-Massin, 1980, catalogue d’exposition

Le monde renversé, morale et non-sens dans l’imagerie satirique Amsterdam-Paris-Londres-New York, Goethe-Institut, trilingue allemand, français, anglais, 1985

Imagerie populaire : Née avec les techniques d’impression mécanique qui permettent la reproduction d’une même image à l’infini et sa diffusion à moindre coût et au plus grand nombre à des fins d’information, mais également de propagande. L’un des principaux centres de fabrication de ces gravures populaires est Épinal – on parle en ce cas d’images d’Épinal.

Frédéric MAGUET, « Le monde renversé », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/monde-renverse

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