Réjouissances données par la Ville de Paris aux Halles
Auteur : DEBUCOURT Philibert Louis
Lieu de conservation : musée Carnavalet – Histoire de Paris (Paris)
site web
Date de création : 1782
Date représentée : 21 janvier 1782
H. : 89,5 cm
L. : 116,5 cm
Domaine : Peintures
RMN - Grand Palais / Agence Bulloz
02-005942 / CARP1930
Célébration de la naissance du dauphin
Date de publication : Septembre 2017
Auteur : Stéphane BLOND
La naissance de l'héritier de la Couronne
Né en 1755, Philibert-Louis Debucourt est l'élève du peintre académique Joseph-Marie Vien (1716-1809) qui le forme dans plusieurs domaines artistiques, en particulier la peinture et la gravure. Le 28 juillet 1781, il est agréé par l'Académie royale de peinture et de sculpture et quelques mois plus tard, il produit ce tableau dont le sujet revêt un caractère officiel. L'artiste peint une scène de rue saisie sur le vif lors de festivités parisiennes organisées pour célébrer la naissance de Louis-Joseph de France le 22 octobre 1781. Second enfant et premier fils du couple royal formé par Louis XVI et Marie-Antoinette, il hérite du titre de dauphin qui le désigne comme l'héritier du royaume, selon la tradition introduite par le traité de Romans du 30 mars 1349.
Cet heureux événement s'accompagne d'une importante campagne iconographique composée de gravures, sculptures, médailles ou peintures, comme ce tableau présenté pour la première fois au Salon de 1783, avant son achat par la ville de Paris en 1954 auprès du marchand d'art Leegenhoek. Les grands épisodes de la vie de la famille royale sont aussi suivis de festivités à travers le royaume, avec une atmosphère de liesse bien restituée sur l'œuvre. À partir du 21 janvier 1782 et durant trois jours, des cérémonies marquent la venue du couple royal dans la capitale : Te-Deum, banquets, bals et feux d'artifice se succèdent, en particulier dans le populaire quartier des halles.
Fêtes et spectacles de rue
Debucourt excelle dans la peinture de genre, avec des scènes champêtres ou du quotidien de la vie urbaine. Le point fort de sa toile tient à son dynamisme, avec une multitude de saynètes (1) qui rappellent l'École flamande et les personnages joyeux des peintures des Brueghel Pieter l'Ancien (1525-1569) et Pieter le Jeune (1564-1636). L'artiste ajoute une observation méticuleuse de son Paris natal, à l'instar de ses contemporains qui font de la capitale un sujet de prédilection : Nicolas Raguenet (1715-1793), Pierre-Antoine Demachy (1723-1807), Hubert Robert (1733-1808), ou Alexandre-Jean Noël (1752-1834).
L'artiste restitue à merveille la vie animée de la Place des Halles prise depuis la rue Réale, le tout dans une ambiance crépusculaire. La mise en scène est en partie fantaisiste, comme le suggère la présence discrète et hautement improbable de la famille royale en bas à gauche de la toile, avec le roi, la reine, leur première fille Madame Royale (1778-1851) et Madame Élisabeth (1764-1794), sœur de Louis XVI. Debucourt décrit une atmosphère de jeux, de danses, d'ivresse, et de violence, avec des bagarres ou des vols. La fontaine édifiée au début du XVIIe siècle est placée au cœur de la composition, derrière un groupe de danseurs. Sur la gauche, le cadre métallique en forme d'échelle correspond au carcan utilisé pour l'exposition publique des condamnés. Sur la droite, la silhouette du pilori et son toit pointu surmonte une estrade où une distribution de vin engendre un mouvement de foule. Au dernier plan, on aperçoit les étals des marchands qui accueillent leur clientèle habituelle, avec sur la droite les bâtiments de la halle à la Marée et sur la gauche le marché aux poirées.
Les grandes heures du royaume
Dans l'histoire de la famille royale, la naissance du premier garçon constitue un événement majeur, car il lève l'incertitude de la succession, selon la règle de dévolution de la Couronne au premier garçon en ligne directe. L'accouchement intervient onze ans après le mariage royal, ce qui explique l'ampleur des réjouissances, en dépit de quelques textes satyriques qui rappellent les progrès de l'opinion publique. Le dauphin Louis-Joseph est baptisé le jour de sa naissance, avec pour prestigieux parrain l'empereur Joseph II d'Autriche et pour marraine la princesse de Piémont. Dans ses Mémoires, Henriette Campan (1752-1822), femme de chambre de la reine décrit le climat enthousiaste à l'annonce de l'accouchement : « La naissance d'un dauphin sembla mettre le comble à tous les vœux ; la joie fut universelle ; le peuple, les grands, tout parut à cet égard ne faire qu'une même famille ; on s'arrêtait dans les rues, on se parlait sans se connaître, on embrassait tous les gens que l'on connaissait. »
Dans les jours qui suivent l'heureux événement, différents présents sont adressés au couple royal par les hautes instances de l'État et les corps représentatifs. Dans le même temps, l'administration de la maison du Dauphin se met en place. De santé fragile et régulièrement malade, le jeune prince meurt au château de Meudon le 4 juin 1789, un mois après la procession inaugurale des députés des États généraux du royaume. Le chagrin du couple royal décrit par les témoins révèle l'attachement à leurs enfants, sur le modèle d'éducation affective du philosophe Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) dans l'Émile ou De l'éducation publié en 1762. Son frère Louis-Charles de France, duc de Normandie né le 27 mars 1785, lui succède dans la lignée dynastique, mais il meurt dix ans plus tard sans avoir régné, lors de son emprisonnement au Temple.
Elizabeth BOURGUINAT, Les rues de Paris au XVIIIe siècle : le regard de Louis-Sébastien Mercier, Paris, Paris-Musées, 1999.
Henriette CAMPAN, Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, Paris, Librairie de Firmin Didot Frères, 1849.
Arlette FARGE, Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1992, « Folio histoire n°43 ».
Robert MUCHEMBLED, L'invention de l'homme moderne : Sensibilités, mœurs et comportements collectifs sous l'Ancien Régime, Paris, Fayard, 1988.
Jean-Christian PETITFILS, Louis XVI, Paris, Perrin, 2005.
Hervé PINOTEAU, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècle, PSR éditions, 2004.
1 - Saynète : petite comédie espagnole, souvent jouée lors d'un intermède.
Stéphane BLOND, « Célébration de la naissance du dauphin », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/celebration-naissance-dauphin
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