Bivouac après le combat du Bourget, 21 décembre 1870.
Le rêve.
Bivouac après le combat du Bourget, 21 décembre 1870.
Auteur : NEUVILLE Alphonse
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1872
Date représentée : 21 décembre 1870
H. : 115 cm
L. : 165,5 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© RMN - Grand Palais (Château de Versailles) / Franck Raux
MV 8327 - 15-538643
1870 : de la défaite au désir de revanche
Date de publication : Octobre 2006
Auteur : Bertrand TILLIER
1870 : de la défaite au désir de revanche
1870 : de la défaite au désir de revanche
Les défaites françaises de 1870
La France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Durant les semaines suivantes, l’armée française essuie des échecs et des revers. Le 7 août, le département de la Seine est mis en état de siège. Les armées allemandes continuent leur progression rapide vers Paris. Le 2 septembre, Napoléon III capitule à Sedan. La déchéance de l’Empire est proclamée, suivie de la proclamation de la République le 4 septembre. Le 19 septembre commence le siège de Paris, tandis que les villes de l’Est capitulent les unes après les autres : Toul, Strasbourg, Metz, Thionville, Mézières, Longwy…
En dépit des efforts de Gambetta, soucieux d’organiser une résistance en province, les troupes françaises connaissent une débâcle sans précédent à travers le pays où les fronts se sont multipliés. La défaite est sans appel, comme le confirment les tentatives de sortie de la capitale au Bourget – c’est le cadre du tableau de Neuville –, à Champigny ou Buzenval, qui se soldent par de lourdes pertes humaines.
Images de la guerre
Conçu d’après un souvenir personnel, le tableau d’Alphonse de Neuville (1835-1885) est la première œuvre exposée par le peintre après la guerre, à l’occasion du Salon de 1872 – le « Salon de la défaite ».
Neuville montre les troupes françaises bivouaquant dans une plaine désolée, hérissée de maisons détruites. Le ciel chargé de nuages écrase cette scène où grouillent des soldats affairés à improviser un camp de fortune. L’agitation tourne à la confusion : des hommes sont allongés, blessés ou dormant à même le sol ; le matériel et les paquetages sont entassés sans ordre ; les uniformes alternent avec les couvertures dans lesquelles les soldats se sont enveloppés ; des arbres ont été abattus pour faire du feu.
Cette œuvre, où la débandade et la débâcle sont sous-jacentes, relève d’une peinture militaire honnie par certains critiques : « Les innombrables épisodes de combat qui chaque année depuis nos défaites encombrent le Salon me causent une répulsion. […] Assez de Français blessés, surpris et fuyant, assez de cadavres au premier plan, de plaies béantes et de vêtements déchirés ! » (Revue des Deux Mondes, 15 juin 1875.)
Dans l’œuvre plus tardive d’Édouard Detaille (1848-1912), la scène est similaire quoique le dispositif soit différent. La troupe bivouaque en campagne et rêve collectivement des victoires de la Grande Armée de Napoléon surgissant dans une nuée. Les soldats dorment sur un futur champ de bataille, à l’ombre du drapeau posé sur les fusils impeccablement rangés en faisceaux.
Par son lyrisme céleste et rassurant, cette œuvre largement popularisée par la gravure de presse, les chromos, les calendriers, les chansons illustrées ou la photographie opère une transfiguration de la défaite à laquelle Neuville ne souscrit pas dans son tableau, plus soucieux de compassion que de célébration et d’héroïsme.
Métamorphoses de la défaite
Du tableau d’Alphonse de Neuville à celui de Detaille, une conversion de la défaite s’opère, visant à exalter le sentiment patriotique, à appeler à la revanche et à fonder le nationalisme.
L’idéologie de la défaite repose sur un abattement moral que contrebalance un idéalisme exaspéré. Ce processus n’est possible que par une série de glissements de l’historique vers l’anecdotique – les sujets ne sont plus nécessairement localisés dans le temps et dans l’espace –, du fait à la scène – ils renvoient de moins en moins à un événement historique précis pour privilégier la scène dramatisée – ou du collectif à l’individuel – les actes d’héroïsme favorisant des attitudes et des expressions stéréotypées l’emportent sur l’élan collectif.
L’exorcisme de la défaite sera d’ailleurs l’une des préoccupations de la République dans les décennies 1870 à 1900.
François ROTH, La Guerre de 70, Paris, Fayard, 1990.
Bertrand TILLIER, « 1870 : de la défaite au désir de revanche », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/1870-defaite-desir-revanche
Lien à été copié
Découvrez nos études
Reconstituer la guerre de 1914
Compte tenu des handicaps techniques liés à la prise de vue photographique en 1914-1918, et surtout de l’immense danger du champ de bataille, nous…
L'armée de l'Est internée en Suisse
Dernière armée à lutter contre l’envahisseur prussien, l’armée de l’Est, commandée par le…
La Conquête de l’Algérie
En juin 1830, la prise d'Alger décidée par Charles X est une opération de prestige conduite à des fins de politique…
Le « D Day »
Le débarquement des troupes alliées en Normandie débute le 6 juin 1944. Durant la nuit, plus de 200 000…
La guerre russo-turque
Prenant le relais des anciennes illustrations, les…
L’entrée de Louis XIV et de la reine Marie-Thérèse à Arras
« Le roi s’amuse à prendre la Flandre » (Mme de Sévigné). Après la mort de Philippe IV d’Espagne, le 17 septembre 1665, Louis XIV…
La conscription au XIXe siècle
La conscription est institutionnalisée en France en 1798 à l'initiative du général Jourdan. De 1804 à 1903, les appelés sont convoqués pour…
Le prince de Condé
Le 19 mai 1643, le jeune Louis II de Bourbon, duc d’Enghien, fils aîné du prince de Condé et cousin du roi de France,…
Une armée en mal d’idéaux
Cubisme et camouflage
La guerre de 1914-1918 ne fut pas la guerre éclair tant attendue. Elle s’enlisa rapidement et, avec la mise en place des…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel