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Jean-Baptiste Belley, député de Saint-Domingue

Jean-Baptiste Belley, député de Saint-Domingue

Déclaration d'âge et de mariage des représentants de Saint-Domingue à la Convention nationale.

Déclaration d'âge et de mariage des représentants de Saint-Domingue à la Convention nationale.

Situation de fortune de Jean-Baptiste Belley, représentant de Saint-Domingue à la Convention nationale.

Situation de fortune de Jean-Baptiste Belley, représentant de Saint-Domingue à la Convention nationale.

Instructions secrètes données par Bonaparte pour l'expédition Leclerc à Saint-Domingue.

Instructions secrètes données par Bonaparte pour l'expédition Leclerc à Saint-Domingue.

Jean-Baptiste Belley, député de Saint-Domingue

Jean-Baptiste Belley, député de Saint-Domingue

Date de création : 1797

Date représentée : 1793

H. : 159,5 cm

L. : 112,8 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© GrandPalaisRmn (Château de Versailles) / Gérard Blot

Lien vers l'image

MV 4616 - 11-538693

Jean-Baptiste Belley, député de Saint-Domingue à la Convention

Date de publication : Octobre 2006

Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS

Jean-Baptiste Belley, député de Saint-Domingue à la Convention

Jean-Baptiste Belley, député de Saint-Domingue à la Convention

Un porte-parole efficace des hommes de couleur

A l’aube de la Révolution, Belley, ancien esclave à Saint-Domingue, affranchi grâce à son service dans l’armée pendant la guerre d’indépendance américaine, fait partie de la nouvelle classe des « libres de couleur », en développement dans les villes coloniales. Capitaine d'infanterie au moment des journées de juin 1793 au Cap-français, il combat du côté des commissaires civils contre les colons blancs et reçoit six blessures. Les élections organisées dans l’île, le 24 septembre 1793, l’envoient à Paris. L’arrivée à la Convention de ce premier député noir, accompagné de deux autres, Mills, un mulâtre et Dufaÿ, un blanc, fait sensation et incite l’Assemblée à décréter la première abolition de l’esclavage (16 pluviôse an II/ février 1794).

L’abolition officielle de l’esclavage n’a cependant pas désarmé les partisans des colons à Paris. Bien que reconnu citoyen à part entière de la République, le député noir doit lutter contre les insinuations racistes qui remettent sans cesse en cause son élection comme la loi d’abolition. Il se révèle un porte-parole actif des hommes de couleur, à la Convention puis au Conseil des Cinq-Cents, jusqu’en 1797.

Quand Gouly, député de l’Ile de France (Ile Maurice), réclame, après Thermidor, des lois particulières pour les colonies, Belley dénonce à l’assemblée le groupe de pression des colons, discours publié sous un titre à la saveur créole : « Le Bout d’oreille des colons ou le système de l’Hôtel Massiac mis à jour par Gouly ». Il réussit à faire maintenir le principe républicain d’égalité entre habitants des colonies et de la métropole, quelle que soit leur couleur. En revanche le décret d’abolition n’est pas envoyé à l’Ile de France. Après Belley, cette élite venue d’outre-mer qui avait su un temps défendre les droits des non-blancs sera laminée.

L’étrangeté du Noir

Le portrait de Jean-Baptiste Belley, en pied, sur fond de ciel bleu nuageux, devant le paysage de sa circonscription de Saint-Domingue, n’innove pas seulement par son esthétique somptueuse. Anne-Louis Girodet peint, en représentant officiel de la République, ce Noir en costume d’apparat dont le mandat vient de s’achever, alors même que les colons profitent de la réaction royaliste pour évincer tous les députés de couleur des assemblées du Directoire. A 50 ans, le visage sérieux, Belley est accoudé avec aisance au socle du buste de l’abbé Guillaume Raynal, sculpté par Espercieux. L’artiste fait de lui le vivant symbole de l’émancipation des Noirs annoncée par le philosophe.

La figure de ce Noir, exposée à Paris, en 1797 et en 1798, suscite une véritable fascination dans le public. L’artiste a placé de trois-quarts la tête, objet de la curiosité générale, à cette époque où l’on compare les caractéristiques morphologiques des blancs, des noirs et des singes. Rejetant en arrière des cheveux crépus déjà grisonnants, le visage osseux, au nez aplati, est éclairé par des yeux très vifs ; la mâchoire puissante ne présente aucun prognathisme.

Le contraste entre le costume, si extraordinairement raffiné qu’il évoque à lui seul la culture européenne, et le faciès sombre du modèle fait ressortir l’étrange différence de cet homme noir. Ce costume de député à la Convention, rappelle aussi que Belley a connu son heure de gloire lors de la première abolition de l’esclavage, en 1794. Les trois couleurs républicaines, qui ceignent la taille et le chapeau sont fondues dans des dégradés pastel et laissent tout le contraste chromatique au rapport entre le noir et le blanc. Les tonalités subtilement dégradées du visage noir de Belley ressortent contre le marbre blanc de la sculpture, comme sa longue main brune sur la culotte claire.

Déclarations de Belley à la Convention

L’adoption de la Constitution de l’An III suscite la déclaration par chaque député, de sa situation personnelle. De sa propre main, Belley révèle qu’il était né à l’île de Gorée au Sénégal, sans doute en 1747. Il a vécu 46 ans au Cap français et a donc été déporté à deux ans. Cette partie de Saint-Domingue est « territoire français » car la Constitution de l’An III divise les colonies en départements.
Belley déclare que sa fortune à Saint-Domingue consistait en « propriété pensante » ; l’expression qui désignait les esclaves que possédaient aussi bien les libres de couleur que les blancs est révélatrice des mentalités de l’époque.
Ses biens qui se réduisent, écrit-il, « à la garniture de ma chambre » ne lui permettaient pas de commander un portrait de cette ampleur, l’initiative de cette peinture revient donc probablement à Girodet.
Son mandat terminé, Belley obtient un grade de chef de brigade. Affecté à la gendarmerie de Saint-Domingue, il y retourne pour plusieurs missions à partir de 1798. En France, il exerce encore une présence influente à la Société des Amis des Noirs.

Les instructions secrètes de Bonaparte

Partisan de la fermeté face aux menées indépendantistes de Toussaint-Louverture à Saint-Domingue, Belley conseille l’intervention militaire à Bonaparte. Le Consulat le charge d’y réorganiser la gendarmerie nationale. Il prend part à l’expédition Leclerc de 1802 et débarque au Cap, le 11 février. Mais victime d’une arrestation arbitraire, dès le 12 avril 1802, il est déporté en Bretagne, à Belle-Ile-en-mer.
Son sort n’est pas ébruité ; il était scellé avant son embarquement par ces instructions secrètes élaborées sous les ordres directs du Premier Consul, dès le 31 octobre 1801, et remises au chef de l’expédition, le général Leclerc, beau-frère de Bonaparte. L’une d’elle concerne directement Belley sans le nommer : « On réorganisera la gendarmerie. Ne pas souffrir qu'aucun Noir ayant eu le grade au-dessus de capitaine reste dans l'île ». Le document, précis en matière militaire, se révèle très ambigu sur le statut des Noirs. En contradiction avec le maintien solennel de la liberté au début du chapitre, un pragmatisme indifférent aux principes doit succéder à la reconquête de l’île: » Quelque chose qu’il arrive, on croit que dans la troisième époque on doit désarmer tous les Nègres, de quelque parti qu’ils soient et les remettre à la culture ». Le rétablissement de l’esclavage se profile.

Girodet livre de Belley une image magistrale et symbolique, à une époque où l’homme noir fascine par son étrangeté et suscite des inquiétudes politiques et économiques pour l’avenir. Mais la personnalité de Belley garde son mystère.

Les instructions données par Bonaparte entraînent la fin dans le secret, à la forteresse de Belle-Ile, le 6 août 1805, de ce militaire, fervent républicain, trahi par l’arbitraire d’un autre soldat, à l’étoile montante.

Sylvain BELLENGER (dir.)Girodet, 1767-1824Paris, Musée du Louvre Editions/ Gallimard, 2005.

Thierry LENTZLa politique consulaire aux Antilles, dans Napoléon Bonaparte, Correspondance générale, T. 3 Pacifications 1800-1802. Paris, Fayard, 2006, pp. 1223-1236.

Erick NOEL Être noir en France au XVIIIe siècleParis, Tallandier, 2006.

Au Vice-amiral Decrès, ministre de la Marine et des colonies. Malmaison, 9 brumaire an X/31 octobre 1801.

Les instructions à donner au général en chef capitaine général Leclerc. dans Napoléon Bonaparte, Correspondance générale. T. 3 Pacifications 1800-1802Paris, Fayard, 2006, pp. 837-843.

Guide des sources de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions Direction des Archives de France, La documentation française, Paris, 2007.

Luce-Marie ALBIGÈS, « Jean-Baptiste Belley, député de Saint-Domingue à la Convention », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/jean-baptiste-belley-depute-saint-domingue-convention

Anonyme (non vérifié)

Hommage à Jean Baptiste Belley pour son role de l'époque et aussi à tous ceux de la convention qui ont permis au monde de s'ouvrir et d'évoluer pour la liberté et l'égalité des droits pour tous les hommes de toutes conditions confondues !

ven 27/05/2011 - 12:34 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Le combat de cette homme pour l'ouverture d'esprit est honorable même si il n'est plus là aujourd'hui pour voir que son combat n'était pas vain ... ce site est très bien fait et le tableau est une œuvre magnifique.

jeu 09/05/2013 - 11:36 Permalien

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