Aller au contenu principal
La Rose impériale.

La Rose impériale.

Souvenir du 15 novembre

Souvenir du 15 novembre

La ménagerie impériale, portrait-chargen n°2 d'Eugénie,

La ménagerie impériale, portrait-chargen n°2 d'Eugénie, "la grue".

La Rose impériale.

La Rose impériale.

Date représentée :

Supplément au journal "La Charge".

Domaine : Estampes-Gravures

© Photo RMN - Grand Palais - D. Arnaudet

http://www.photo.rmn.fr

96-023035 / C.59.696/4

L'impératrice Eugénie vue par les caricaturistes

Date de publication : mai 2006

Auteur : Alain GALOIN

Sous le Second Empire, malgré l’assouplissement du régime de la presse dans la phase libérale du règne, aucune caricature ne vient défrayer la chronique des journaux. Des charges très violentes pouvaient être publiées à l’étranger, notamment en Belgique, mais en France, ce n’est qu’après la déchéance de Napoléon III, prononcée le 4 septembre 1870, et la proclamation de la République que les dessinateurs peuvent impunément donner libre cours à une verve satirique qui s’exerce d’abord aux dépens du couple impérial. Napoléon III, vaincu et prisonnier en Allemagne, est de toute évidence un sujet de prédilection pour les humoristes, qui le représentent traditionnellement sous les traits d’un vautour se repaissant du cadavre exsangue de la France. L’impératrice elle-même n’est pas épargnée. Les caricaturistes exploitent ses origines étrangères, son goût du faste et de la représentation, son entourage de courtisans serviles et intéressés. On la soupçonne d’avoir souhaité le conflit armé avec la Prusse pour consolider un régime impérial affaibli. En fait, ces caricatures contribuent à faire de l’impératrice – qui a assumé la régence pendant que Napoléon III combattait les armées prussiennes – la victime expiatoire d’une culpabilité collective.

Alfred Le Petit (1841-1909), caricaturiste républicain, fait de l’impératrice Eugénie une « rose impériale » : la tête allongée et couronnée de la souveraine surmonte une tige hérissée d’épines ; elle est coiffée d’une mantille de dentelle qui rappelle son origine espagnole ; le nez est excessivement proéminent, et le regard sournois. Dix abeilles viennent butiner la rose impériale. Sur leur corps d’insecte, le dessinateur a greffé le visage de familiers de la cour : le duc de Gramont, Émile Ollivier, Clément Duvernois, le général de Failly, Julien-Henri Chevreau, le comte de Nieuwerkerke, Pierre Magne, Paul de Cassagnac, le général Le Bœuf, le baron Haussmann.

Flambart, caricaturiste actif vers 1870, recourt lui aussi à une métaphore florale. L’impératrice est représentée en buste au sommet d’un rosier-tige planté dans une caisse. Elle est entourée de violettes et d’une couronne de roses dont les fleurs ont été remplacées par des têtes de courtisans : le général Fleury, Joachim Pietri, Émile Ollivier, Paul de Cassagnac et le comte de Nieuwerkerke. L’empereur, en aigle piteux, s’approche de la caisse, tenant dans l’une de ses serres une unique violette qui tient lieu de bouquet. La mention « Que c’est comme un bouquet de fleurs… » fait allusion au titre et au refrain d’une chanson créée en 1864 par Félix Baumaire et Charles Blondelet. Souvenir du 15 novembre fait référence à la fête de l’impératrice. Le jour de la Sainte-Eugénie, au château de Compiègne, les invités du couple impérial offraient des bouquets de fleurs à la souveraine.

Dans La Ménagerie impériale, recueil de caricatures de Paul Hadol (1835-1875), l’impératrice Eugénie est figurée sous les traits d’une grue. Elle serre un tambourin dans sa patte gauche, allusion à son pays d’origine. Symbolisé par les ruines d’un temple, une pyramide et quelques palmiers, le paysage égyptien, à l’arrière-plan, rappelle le voyage qu’a effectué l’impératrice pour assister à l’inauguration du canal de Suez le 17 novembre 1869. Cruellement, Paul Hadol joue sur les deux sens du terme « grue » en associant au volatile deux défauts qu’il attribue à la souveraine : la pose et la bêtise. Il va d’ailleurs beaucoup plus loin dans les sous-entendus puisqu’une grue est non seulement une personne niaise, mais aussi une femme de mœurs légères.

Si l’impératrice fut si souvent prise pour cible par les caricaturistes, c’est qu’elle était étroitement associée aux affaires de l’État. Catholique fervente, elle s’opposa à la réduction du pouvoir temporel du pape et à une unité italienne qui aurait absorbé les États pontificaux. En 1859, l’intervention française en Italie l’amena à exercer une première fois la régence en l’absence de Napoléon III, et, dès lors, son influence s’accrut. Son attitude profondément conservatrice n’était pas incompatible avec des conceptions sociales progressistes : elle puisait sans compter dans sa cassette pour venir en aide aux plus démunis. Féministe avant la lettre, elle appuya le programme de Victor Duruy pour l’éducation des filles et finança personnellement les études de Julie Daubier, première Française à avoir obtenu le baccalauréat. Cependant, dans les dernières années du régime, la popularité de l’impératrice tomba au plus bas dans l’opinion ; la navrante équipée du Mexique, l’échec de Sadowa, les difficultés économiques, tout était la faute de « l’Espagnole ». Que l’impératrice Eugénie ait souhaité ou non la guerre avec la Prusse, le désastre de Sedan sonna le glas du Second Empire et contraignit la famille impériale à l’exil.

Hélène DUCCINI, « La caricature, deux siècles de dérision salutaire », in Historia n° 651, Paris, mars 2001.Annie DUPRAT, Histoire de France par la caricature, Paris, Larousse, 1999.Jacques LETHÈRE, La Caricature et la presse sous la IIIe République, Paris, Armand Colin, coll. « Kiosque », 1961.Christophe PINCEMAILLE, L’Impératrice Eugénie.De Suez à Sedan, Paris, Payot, 2000.Philippe RÉGNER, La Caricature entre République et censure.1830-1880, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996.William SMITH, Eugénie, Impératrice des Français, Paris, Bartillat, 1998.Jean TULARD (dir.), Dictionnaire du Second Empire, Paris, Fayard, 1995.

Alain GALOIN, « L'impératrice Eugénie vue par les caricaturistes », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/imperatrice-eugenie-vue-caricaturistes

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Talleyrand au Congrès de Vienne et la déclaration du 13 mars 1815

Talleyrand au Congrès de Vienne et la déclaration du 13 mars 1815

La déclaration du 13 mars 1815

Issu d’une famille de la haute noblesse, Charles Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838) est évêque d’Autun…

La France vaincue

La France vaincue

La victoire de la Prusse à Sedan le 2 septembre 1870 entraîne l’effondrement du Second Empire. Deux jours plus tard, la déchéance de la famille…

La France vaincue
La France vaincue
La France vaincue
Propagande, nous voilà !

Propagande, nous voilà !

Vie et dessin

L’omniprésence de la propagande à Vichy entre 1940 et 1944 a frappé Jean-Jacques Charles Pennès, dit Sennep (1894-1982), l’un des…

Armes du peuple, armes du juste milieu

Armes du peuple, armes du juste milieu

La Caricature contre la monarchie de Juillet

« Nous cherchons à nous tenir dans le juste milieu, également éloigné des excès du pouvoir populaire…

Daumier  et les critiques d’art

Daumier et les critiques d’art

Le Salon et la puissance de la critique

Au début du XIXe siècle, le Salon annuel de peinture et de sculpture a acquis une importance…

Daumier  et les critiques d’art
Daumier  et les critiques d’art
L'Exécution du duc d'Enghien

L'Exécution du duc d'Enghien

La légende « noire » napoléonienne

De son vivant déjà, Napoléon Ier faisait l’objet d’un mythe que sa chute en 1814 puis sa mort sept…

L'Exécution du duc d'Enghien
L'Exécution du duc d'Enghien
L'Exécution du duc d'Enghien
Un pamphlet contre l'aristocratie

Un pamphlet contre l'aristocratie

La hantise du complot aristocratique

En 1789, un mécontentement général contre la réaction seigneuriale s’ajoute à la vive effervescence…

Un pamphlet contre l'aristocratie
Un pamphlet contre l'aristocratie
Ravachol

Ravachol

La « propagande par le fait » dans les années 1890

Dans les années 1880, l’anarchisme incarne l’opposition la plus radicale à la IIIe

Ravachol
Ravachol
La séparation des Églises et de l'État

La séparation des Églises et de l'État

L’imminence de la Séparation

À l’orée du siècle, les relations de la France avec le Saint-Siège s’enveniment du fait de la politique…

Le Cartel des gauches de 1924

Le Cartel des gauches de 1924

L’apogée du parti radical-socialiste : le Cartel des gauches de 1924

En 1919, les Français, traumatisés par quatre années de guerre totale,…

Le Cartel des gauches de 1924
Le Cartel des gauches de 1924
Le Cartel des gauches de 1924