Dompteur Ali Amar à Bordeaux.
Dompteur Cheriff Amar à Bordeaux.
Dompteur Mustapha Amar, à Bordeaux, dépouille du lion Sultan.
Le dompteur Amar aîné.
Dompteur Ali Amar à Bordeaux.
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
Date de création : 1923
Date représentée : 1923
Réalisation : Panajou, Frères Rémy et Fernand Actif 1890 à 1931.
Domaine : Photographies
© MuCEM, Dist. RMN - Grand Palais / Droits réservés
09-537245 / Sou.11.85.2
Les frères Amar
Date de publication : Novembre 2010
Auteur : Alexandre SUMPF
Le cirque Amar dans les années 1920 : un modèle de choix
Originaire de Kabylie, Ahmed Ben Amar el-Gaid (1860-1913) est l’une des figures marquantes du cirque européen. Mêlant danseuses du ventre, saltimbanques et dompteurs, ses spectacles connaissent d’abord le succès dans sa région natale, avant de conquérir la métropole à partir des années 1890. À la tête d’un chapiteau itinérant, il se spécialise peu à peu exclusivement dans les numéros de dressage de fauves. Marié à une Française « d’origine », il devient père de six fils, qu’il fait assez rapidement participer à ses spectacles en tant que « plus jeunes dompteurs du monde ». La ménagerie Amar est née, qui s’illustre dans diverses foires dans la première décennie du XXe siècle. Après la mort d’Ahmed en 1913 et à partir de la fin de la Première Guerre mondiale, la notoriété du cirque Amar s’accroît en France, puis à l’étranger. C’est justement de cette époque de gloire naissante de l’entreprise familiale que datent les clichés étudiés ici.
Prises en mars 1923 à l’occasion d’une représentation à Bordeaux et en 1926, les photographies ont été réunies par Gustave Soury (1880-1966), peintre animalier et affichiste passionné par le cirque. En plein essor dans les années 1920, le monde forain devient un thème iconographique à part entière et assez en vogue, où se mêlent diverses approches esthétiques, des fantasmes exotiques et une sorte de fascination pour cette « confrérie » au style de vie et à l’identité marqués ainsi que pour ses « héros » de plus en plus célèbres. Un thème que s’approprie de plus en plus exclusivement la photographie, qui prend peu à peu le relais des expériences qu’une certaine peinture de la fin du XIXe siècle avait consacrées au sujet. Jeunes figures modernes et incontournables de cet univers à part, les frères Amar constituent ainsi un modèle de choix.
La ménagerie des frères Amar
Perpétuant la tradition familiale, chacun des quatre frères photographiés ici exécute des numéros pour la « ménagerie Amar » et a sa spécialité : les éléphants pour Ahmed, les lions pour Mustapha, les ours pour Ali et les fauves pour Cheriff.
Dompteur Cheriff Amar, Dompteur Mustapha Amar, dépouille du lion Sultan et Dompteur Ali Amar appartiennent à une série réalisée lors du séjour du cirque Amar à Bordeaux en 1923. Comme l’indique l’inscription au bas des images, ces trois photographies ont été prises dans le célèbre studio que les frères Panajou y tenaient depuis 1865. Chacun des fils Amar a posé debout devant le même fond (lambris et tapisserie), vraisemblablement le même jour de mars 1923.
Dompteur Ali Amar montre Ali les mains dans les poches, les yeux au loin et la mine résolue. Avec son costume clair, sa chemise, sa cravate, son gilet et sa pochette de couleur blanche, il passerait presque pour un dandy et pourrait sembler habillé « en civil », n’était le pantalon qu’une série de boutons serre à partir du genou afin de s’adapter à des bottes de dompteur (que le cadrage du cliché rend ici invisibles).
Dompteur Cheriff Amar montre le jeune homme en tenue « de travail », fouet dans la main droite. Avec ses parements noirs et ses manches brodées, sa veste est typique des dresseurs de fauves de l’époque. Il l’a ornée d’un croc retenu par une chaînette. Les yeux fixés sur l’appareil du photographe, il semble ému et a l’air un peu emprunté.
La composition de Dompteur Mustapha Amar, dépouille du lion Sultan est différente : Mustapha est représenté en pied et pose un peu de trois quarts dans une mise en scène digne de ce grand dompteur de lions, l’un des plus célèbres d’Europe. Vêtu d’un élégant costume, il tient son fouet d’une main et fume de l’autre, le regard au loin. Debout sur la dépouille de Sultan, il s’appuie fermement du pied gauche sur la tête du fauve à la gueule grande ouverte.
Pris en 1926, le cliché Dompteur Amar aîné représente Ahmed en buste et de face, dans un costume d’inspiration orientale. À la veste et à la ceinture richement ornées de fausses pierres s’ajoute un turban paré d’un plumet blanc et de quatre boucles d’or, qui déguisent littéralement le modèle. Cette tenue très exotique renvoie à sa spécialité, les éléphants d’Afrique.
La famille Amar, entre tradition et modernité
Les Huline, les Franconi, les Rancy, les Houcke, les Medrano ou encore les Gruss : en France comme en Europe, le cirque est souvent une aventure qui concerne des dynasties, une entreprise et une tradition qui se transmettent de père en fils et un métier qui se pratique entre frères. Les Amar ne dérogent pas à la règle, et les visages que présentent ces quatre clichés ont un certain air de famille.
Ces familles viennent souvent de l’étranger. Aux Anglais, par qui le cirque arriva en France dans la seconde moitié du XIXe siècle et qui y restent très actifs dans les années 1920, sont venus s’ajouter des Italiens, des Belges, des Belges d’origine italienne. Issus d’une mère blanche et d’un père kabyle, les frères Amar sont des Français d’Algérie. Avec ces « métis » au beau visage, c’est d’une touche d’exotisme maghrébin que l’univers forain s’enrichit.
Un exotisme que Dompteur Amar aîné cultive d’ailleurs sans nuance, exploitant simultanément celui, général, du cirque, où le dresseur d’éléphants porte souvent un costume très baroque, et celui, particulier, lié à ses origines maghrébines. Plus mesuré, le photographe de Dompteur Cheriff Amar, Dompteur Mustapha Amar, dépouille du lion Sultan et Dompteur Ali Amar a savamment su mêler l’exotisme, la tradition et la modernité attachés à la ménagerie des frères Amar. En effet, ces derniers sont à la fois les héritiers d’une tradition foraine initiée par leur père, des fils des colonies, des artistes et des hommes d’affaires rationnels et avisés, qui développent alors justement leur entreprise avec un certain succès.
Dompteur Ali Amar présente ainsi un jeune homme de type maghrébin très élégamment vêtu à l’occidentale, une sorte de dandy moderne dont la profession si spécifique apparaît à peine. À l’inverse, Dompteur Cheriff Amar insiste plus sur le métier de dresseur, avec tous ses codes. Cette différence d’approche se retrouve dans Dompteur Mustapha Amar, dépouille du lion Sultan, photographie qui, si elle réfère au dressage de fauves féroces et dangereux, présente aussi Mustapha comme quelqu’un qui a réussi (il est déjà le plus célèbre des frères en 1923) et qui mène la vie « normale » et accomplie d’un bel homme.
Pascal JACOB, La Grande Parade du cirque, Paris, Gallimard, 2001.Dominique JANDO, Histoire mondiale du cirque, Paris, Éditions universitaires Jean-Pierre Delarge, 1977.
François MIRALLES, Histoire de cirques in T.A.M., n° 220, 1946.Afrique du Nord illustrée, n° 488, septembre 1930.
Alexandre SUMPF, « Les frères Amar », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/freres-amar
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