La bande à Bonnot : le guet-apens dans la forêt de Sénart
La bande à Bonnot : l'attaque de la succursale de la Société Générale
La bande à Bonnot : le guet-apens dans la forêt de Sénart
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
Date représentée : 25 mars 1912
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© Photo RMN - Grand Palais - T. Le Mage
06-524618 / 983.39.12
Les « bandits en automobile »
Date de publication : Juillet 2008
Auteur : François BOULOC
Des voleurs vivant avec leur temps
La France de la Belle Epoque est un pays qui voit s’amplifier l’urbanisation, drainant avec elle les signes de la modernité industrielle. La République, péniblement installée quatre décennies auparavant, voit coexister un monde traditionnel, rural, replié sur lui même, qui va à cheval, et des centres urbains où l’éclairage, l’automobile, les mass media se font de plus en plus présents.
La « bande à Bonnot », terme journalistique qui traduit mal l’absence de structuration de ce collectif d’anarchistes illégalistes, vogue son bref et intense périple (décembre 1911-mai 1912) entre ces deux rives. Modernes, car utilisant à plein les potentialités des véhicules à moteur et jouant avec la presse, ils renvoient aussi, inversement, aux exploits des bandits de grands chemin d’antan.
Leur notoriété subite est issue du braquage dit de la rue Ordener, quatre jours avant la Noël 1911. Les bandits s’attaquent à un commis de la Société Générale chargé d’espèces et de titre au porteur, sur qui ils font feu avant de le laisser pour mort et de s’enfuir en voiture, filant sous le nez d’agents de police dépassés par des méthodes aussi expéditives. Dès lors, les actes criminels s’enchaînent : double meurtre d’un rentier et de sa bonne à Thiais (2 janvier), vols de voiture avec violences… Cette cascade de méfaits, perpétrés sans que les forces de l’ordre ne semblent en mesure de s’y opposer, passionne et affole les populations.
25 mars 1912 : une embuscade, un braquage, trois morts
Ces deux images sont des huiles sur toile anonymes, réalisées dans un style très figuratif et académique. Datant de l’entre-deux-guerres, elles font immédiatement penser aux illustrations du Petit Journal ou du Petit Parisien tels qu’ils étaient configurés à l’époque de Bonnot. Il est possible que cette série ait été réalisée pour rappeler l’événement quinze ou vingt ans plus tard, ce qui expliquerait la similitude stylistique avec l’iconographie de la grande presse des années 1910. La première toile retrace une embuscade menée par six acolytes de la bande dans le froid matinal de l’épaisse forêt de Sénart. L’opération vise à s’emparer d’une luxueuse limousine De Dion-Bouton, achetée par le marquis de Rougé et convoyée ce jour-là depuis Paris vers le Cap-Ferrat. Le lieu a été choisi en raison de la présence d’une cabane de cantonnier derrière laquelle, en bas à gauche de l’image, deux complices se dissimulent tandis que deux autres, dont Soudy – dit Pas-de-chance, l’homme à la carabine – sont aux aguets. Un des tireurs est Garnier, et c’est à bout portant que les mécaniciens sont éliminés. L’un des deux survivra néanmoins à ses blessures, étant à même de donner l’alerte un peu plus tard. Désormais nanti d’un puissant moyen de locomotion, le petit groupe prend la route : Jules Bonnot s’installe au volant. Après avoir contourné Paris par l’est, ils s’arrêtent à Chantilly vers 10 h 30, à proximité d’une succursale de la Société Générale. Soudy fait le guet dehors, tandis que Bonnot reste au volant. Les choses se passent ensuite très vite, ainsi que le laisse penser le réalisme de la deuxième toile. Quatre malfaiteurs pénètrent dans l’établissement, deux seulement étant figurés sur l’image : le tireur est certainement Monier, tandis que l’homme à la porte est le « rouquin » Valet. Deux employés sont tués, un autre grièvement blessé. L’expression d’hébétude du caissier moustachu est une manière d’exprimer le saisissement du public lorsqu’il a connaissance des actes de la bande à Bonnot. Le flegme dont font preuve les deux braqueurs ajoute une impression de facilité dans la transgression, avivant encore le ressenti d’impuissance du public, et les trépignements de la police. Car l’affaire est rondement menée et quelques minutes à peine après la scène retracée ici, les braqueurs s’enfuient en faisant feu pour terroriser les passants. Le butin est appréciable, près de 45.000 francs, et les malfrats se séparent pour vivre dans une précaire clandestinité, mettant à profit l’esprit d’entraide qui est un des fondements de la camaraderie anarchiste.
L’audace sanguinaire d’anarchistes promis à la mort
Ces méthodes émeuvent les contemporains, elles les bluffent aussi. Les forces de l’ordre notamment, se désespèrent des moyens à leur disposition dans cette traque. La gendarmerie de Luzerches, à proximité de Chantilly, n’est ainsi pas reliée au téléphone, ce qui a bien sûr facilité la fuite des voleurs… Dans le même ordre d’idées, la Sûreté Générale dispose à ce moment en tout et pour tout de quatre automobiles. La disproportion entre les moyens des malfrats et ceux de la force publique mettent en effet cette dernière à cran, d’autant que la bande à Bonnot a, un mois avant Chantilly, tué de sang-froid un gardien de la paix à Saint-Lazare. Néanmoins, les bandits sont, et se savent, sur une voie sans issue. La nasse commence en effet dès lors à se refermer, l’ordre social ainsi assailli ne pouvant rester sans réponse. Des crédits dotant la police de moyens et prérogatives supplémentaires sont rapidement votés, les brigades mobiles de police judiciaire, opérationnelles depuis 1908 notablement renforcées (dotations en véhicules notamment) dans la foulée de l’événement. Paradoxe, alors, cette attaque frontale de la société qui consolide en définitive ce qu’elle se proposait d’abattre ? Certainement, et les milieux révolutionnaires ne manqueront pas de faire grief à Bonnot d’avoir singulièrement compliqué leur existence en les exposant à une surveillance encore accrue par une police rendue plus performante. Mais au vrai les « bandits en auto » ne sont pas de simples militants extrémistes, leur folle chevauchée relevant au fond moins de la continuité des luttes sociales que d’une forme explosive et ultime d’individualisme.
François BOULOC, « Les « bandits en automobile » », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/bandits-automobile
Lien à été copié
Découvrez nos études
Grandjouan, militant radical
La IIIe République ancre les pratiques démocratiques en France mais est loin de satisfaire les…
Kupka et L’Assiette au beurre : Religions
Lancée en 1901, L’Assiette au beurre acquiert rapidement une certaine renommée qui dépasse largement les seuls…
Kupka et L’Assiette au beurre : La Paix
Peintre et illustrateur tchèque émigré à Paris en 1896, Frantisek Kupka (1871-1957) collabore avec L’Assiette au beurre…
Sadi Carnot assassiné par un anarchiste
Le 24 juin 1894, le président de la République Sadi Carnot est assassiné…
Les Attentats politiques au XIXe siècle
Sous l’Ancien Régime, les attentats dirigés contre les personnalités politiques existaient déjà, ainsi…
La « bataille » de Nogent, 14 mai 1912
A la fin du mois d’avril 1912, Jules Bonnot est définitivement mis hors d’état de nuire à Choisy-le-Roi. A ce stade, la…
Ravachol
Dans les années 1880, l’anarchisme incarne l’opposition la plus radicale à la IIIe…
Kupka et l’Assiette au beurre : L’Argent
Après la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, les interdictions qui frappent les journalistes, dessinateurs…
28 avril 1912 : Bonnot tué par la police à Choisy-le-Roi
L’homme cerné de toutes parts qui meurt à Choisy-le-Roi le 28 avril 1912 se trouve là suite à un enchaînement de…
Les Meurtrissures de la Grande Guerre
Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923) est âgé de cinquante-cinq ans quand la Première Guerre…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel