Ordre et marche du Boeuf gras
Ordre et marche du boeuf gras, sortant de l'abattoir du Roule
Le Boeuf Gras, Place Vendôme
L'Ordre et la marche du Boeuf gras
Ordre et marche du Boeuf gras
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
H. : 50,2 cm
L. : 42,7 cm
Éditeur : Antoine Chassaignon, Paris.
Bois de fil.
Domaine : Estampes-Gravures
© GrandPalaisRmn (MuCEM) / Gérard Blot
1956.120.18 - 04-509629
Bœuf gras et carnaval au XIXe siècle
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Charlotte DENOËL
Les origines de la fête du bœuf gras
Née à l’époque médiévale à l’initiative de la corporation des bouchers, la fête du bœuf gras se déroulait pendant le carnaval de Paris et voyait un ou plusieurs bœufs, choisis pour leur fort poids en viande, défiler sous la conduite de garçons bouchers au son de la vielle. Un vitrail de l’église Saint-Étienne de Bar-sur-Seine, offert en 1552 par la confrérie des bouchers de la ville, offre la plus ancienne représentation d’un tel cortège.
La fête du bœuf gras avait lieu durant la période dite des « jours gras », période faste qui interrompt le temps du carême et voit le carnaval renaître une dernière fois. La Révolution met fin à cette coutume très populaire : sujette à suspicion comme toutes les réjouissances du carnaval, la fête est supprimée en 1790, au nom du maintien de l’ordre public. Rétablie par Napoléon Ier en 1805, elle est encore supprimée en 1848, cette fois par la République, suppression qui sera de courte durée puisque Napoléon III l’autorise à nouveau en 1852. Cette fête, qui représente l’un des moments forts du carnaval de Paris, rencontre un succès qui ne se dément pas jusqu’à la fin du XIXe siècle, malgré quelques interruptions dues à la guerre puis à la crise que traverse la profession des bouchers.
Le cortège du bœuf gras à Paris au XIXe siècle
De ce succès témoignent journaux, gravures, tableaux, chansons et vaudevilles, tel celui, très célèbre, en deux actes de Paul de Kock en 1845. La fête est généralement annoncée dans un programme qui précise l’ordre suivi par le cortège et son parcours à travers Paris. Cette gravure parisienne sur bois de fil montre ainsi un bœuf caparaçonné et décoré de guirlandes de fleurs que conduisent des hommes costumés en sauvages et armés de lourds gourdins. Derrière eux viennent des personnages vêtus d’habits contemporains ou folkloriques et des cavaliers mamelouks.
Cette autre gravure sur papier vergé, datée de 1835, témoigne de ce mélange d’époques et de civilisations qui caractérise le carnaval. Elle représente le cortège du bœuf gras à sa sortie de l’abattoir du Roule, établissement créé par Napoléon Ier en 1810 à la périphérie de Paris. En tête marche un puissant bœuf fleuri qu’encadrent deux hommes déguisés en sauvages emplumés et une garde de cavaliers aux costumes hétéroclites. Derrière eux apparaît un char conduit par une étrange figure mythologique affublée d’ailes d’anges et tenant la faux de la Mort. Le texte imprimé sous la gravure indique le trajet que doit suivre le cortège dans les rues de la capitale le dimanche puis le mardi gras. Les précisions qu’il apporte sur la taille et le poids du bœuf sont là pour expliquer le choix et l’acquisition de cet animal lors d’un marché aux bestiaux.
La fête du bœuf gras a également eu ses photographes : un cliché d’Hippolyte Bayard (1801-1887), l’un des pionniers de la photographie et l’inventeur d’un procédé photographique de positif direct sur papier, représente le cortège place Vendôme en 1852, au moment où il venait d’être à nouveau autorisé par Napoléon III. La prise de vue en plongée met en valeur l’ampleur de cette manifestation, à laquelle une foule compacte assiste sous l’étroite surveillance de la police.
Cette page de journal, datée de 1897, témoigne de la durable popularité de la fête du bœuf gras : minuscule dans l’illustration burlesque qui habille le texte, le cortège met les badauds en liesse, et la police semble débordée. Pierrot et Esmeralda rappellent que le défilé a lieu durant le carnaval. Décrivant par le menu « l’ordre et la marche du bœuf gras », l’article abonde aussi en détails sur le nombre de bœufs, les déguisements des participants ou la composition de chacun des très nombreux chars qui suivront le cortège. Cette année-là, la fête eut un retentissement considérable, avec près de six cent mille spectateurs massés dans les rues, et fut filmée par Georges Méliès et les frères Lumière.
Une fête carnavalesque
Si la fête du bœuf gras a ses origines et son identité propres, son histoire ne s’en confond pas moins avec celle du carnaval. D’abord parce qu’elle s’inscrit comme lui au cœur des festivités des jours gras, ensuite parce qu’elle adopte les mêmes réjouissances, avec ses personnages costumés, empruntés à l’histoire, au folklore ou à la mythologie, en particulier les sauvages à demi nus qui sont les figures centrales du carnaval, et donne lieu comme lui à une fastueuse parade.
Au XIXe siècle, cette fête ne pouvait que susciter un engouement général : symbolique de bombance en plein carême, elle suscitait le même genre de joie que le carnaval. De plus, son caractère rural plaisait aux populations urbaines, et sa dimension marchande satisfaisait les valeurs promues par la bourgeoisie. Les autorités, qui redoutaient avant tout la débauche et les excès carnavalesques, appréciaient quant à elles son organisation sous la forme d’un défilé de chars : il leur était facile de contrôler un cortège au trajet fixé d’avance et de contenir la foule des spectateurs attirés par l’événement. Tombée dans l’oubli dans les années 1950, la manifestation connaît un renouveau depuis la fin du XXe siècle.
Pier Giovanni D’AYALA et Martine BOITEUX (dir.), Carnavals et mascarades, Paris, Bordas, 1988.
Julio CARO-BAROJA, Le Carnaval, Paris, Gallimard, 1979.
Daniel FABRE, Carnaval ou la Fête à l’envers, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 1992.
John GRAND-CARTERET, Le Carnaval et le bœuf gras, [s.l.], in La Lecture illustrée, 10 mars 1897.
Oleg KOCHTCHOUK, Le Carnaval, rites, fêtes et traditions, Yens-sur-Morges, Cabédita, 2001.
Basile PACHKOFF, Proposition de rétablissement de la fête de Paris, dite promenade du ou des bœuf(s) gras, Paris, Éd. de la Feuille volante, 1994.
Charlotte DENOËL, « Bœuf gras et carnaval au XIXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/boeuf-gras-carnaval-xixe-siecle
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