La Guerre ou la Chevauchée de la discorde
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : 1894
H. : 114,5 cm
L. : 195 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© RMN - Grand Palais (musée d'Orsay) / Tony Querrec
12-555765 / RF 1946 1
La Guerre
Date de publication : mai 2016
Auteur : Benjamin BILLIET
L’armée française prête à repartir au front ?
A la fin des années 1880, près de vingt ans après la défaite de Sedan, les idées revanchardes atteignent un point culminant en France. La guerre de 1870 n’est pas digérée, et le désir de reprendre l’Alsace et la Lorraine suffisamment fort pour que les va-t-en-guerre aient l’oreille des français. Un leader charismatique émerge alors : le général Boulanger. Ministre de la guerre de 1886 à 1887, il porte la bannière de tous les mécontents. Son suicide, en 1891, met fin à l’éphémère mouvement boulangiste, mais les idées qu’il portait ne sont pas enterrées avec lui. Les figures nationalistes comme Paul Déroulède ou Maurice Barrès les reprennent à leur compte tout en les teintant plus vivement de xénophobie.
Dans ce climat tendu, le gouvernement se dirige peu à peu vers une conscription militaire universelle : en 1889, les dispenses de service pour les enseignants, les élèves des grandes écoles et du séminaire sont levées. Deux ans plus tard, le 1er mai 1891, cette armée à laquelle les fils de France sont donc appelés à participer retourne ses fusils contre le peuple. Cet événement, la fusillade de Fourmies, laisse le pays sous le choc : sous les balles de la République, des civils sont tombés.
Intitulé la Guerre et peint par le Douanier Rousseau, ce tableau est exposé au Salon des Indépendants de 1894.
La furie et son charnier
Peint dans les teintes de terre, de sang et du noir de l’abîme sans fond, ce paysage n’est que dévastation. Sur le dos d’un animal d’enfer qui tient autant du fourmilier que du cheval, une enfant hirsute le survole. De sa main droite, elle tient une épée, de l’autre une torche enflammée. Sa responsabilité dans la désolation qui l'environne semble évidente.
Sous sa monture, les morts n'ont pas d'uniforme. De cette façon, Henri Rousseau ne permet pas d'identifier une guerre en particulier : il généralise l'évocation à tous les conflits. Ces corps nus qui s’amoncellent peuvent même se comprendre comme des victimes civiles.
Le Douanier Rousseau reprend de façon assez littérale une illustration de presse parue le 6 octobre 1889 dans le journal anarchiste L’Égalité. Intitulée Le Tsar, cette image montrait une caricature d’Alexandre III à cheval survolant une pyramide de cadavres dénudés. Cette appropriation d’une image trouvée dans la presse ou dans une publication populaire s’observe fréquemment dans la peinture de cet autodidacte.
Un message pacifiste
Pour le Douanier Rousseau, grand amateur de jungles luxuriantes, cette végétation ravagée symbolise le malheur le plus total. Aux branches brisées, il fait correspondre les bras arrachés ou désarticulés. S’il prétendait avoir participé aux guerres du Second Empire, on pense désormais qu’il n’a en réalité jamais porté l’uniforme militaire. Il défend plutôt les idées pacifistes, comme en témoigne ses Représentants des puissances étrangères venant saluer la République en signe de paix de 1907.
Au Salon des Indépendants de 1894, pendant lequel La Guerre est exposée, il rédige un slogan pour présenter le tableau dans le livret : "elle passe effrayante, laissant partout le désespoir, les pleurs, la ruine". Il confirme ainsi son choix de l’allégorie, ce qui lui permet de faire passer la guerre pour un caprice infantile.
Ce message, il le porte en outre personnellement. En effet, le personnage vêtu d’un pantalon est très probablement un autoportrait de Rousseau. De son regard vitreux, il prend le spectateur à témoin des désastres de la guerre.
BELLI Gabriella, COGEVAL Guy (dir.), Le Douanier Rousseau : l’innocence archaïque, cat. exp. (Venise, Paris, Prague, 2015-2017), Paris, musée d’Orsay / Hazan, 2016.
CAHN Isabelle, Le Douanier Rousseau : naïf ou moderne ?, Garches, À propos, 2006.
GREEN Christopher, MORRIS Frances, FRÈCHES-THORY Claire, GILLE Vincent, Le Douanier Rousseau : jungles à Paris, cat. exp. (Londres, Paris, Washington, 2005-2006), Paris, Réunion des musées nationaux, 2006.
Benjamin BILLIET, « La Guerre », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/guerre
Lien à été copié
Découvrez nos études
La Révolution et l'Église en 1791
Au début de la Révolution le catholicisme apparaît comme la religion nationale ; partout des…
Allégorie de la régence d’Anne d’Autriche
Si sa date de réalisation est attestée – 1648 –, on ignore à la fois qui a commandé la toile et son emplacement…
L’Expédition d’Égypte
En 1798 la France et l’Angleterre, dont la suprématie navale s’accroît, sont en guerre. La paix de Campoformio encourage Bonaparte, général des…
1860 : Réunion de Nice et de la Savoie à la France
Alors que le roi de Sardaigne Victor-Emmanuel II de Savoie (1820-…
La défense de Paris en 1870
Dès les premiers jours du siège, dans la lignée revendiquée des aérostiers de 1793 et alors que des ballons captifs…
L'Alsace. Elle attend
La guerre de 1870 se conclut, le 10 mai 1871, par la signature du traité de Francfort. La France, vaincue, cède au…
Le Chant des partisans
Réalisée en 1944 par René Lefebvre, le dessin Le Chant de la Libération (le chant des Partisans) vient illustrer le célèbre…
Henri IV, le premier roi « médiatique » de l’histoire de France
Dans sa (re)conquête du pouvoir après l’assassinat d’Henri III le 2 août 1589 sous le couteau de Jacques Clément, Henri IV a su accompagner…
Les Barrières de Paris
Au début de la Révolution française, les sites de prélèvement de l’octroi sont pris pour cible et…
L'Émancipation à la Réunion
La première moitié du XIXe siècle voit l’émergence d’une classe dominante de colons dont la richesse…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel