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Rencontre entre Emile Guimet et un moine boudhiste.

Rencontre entre Emile Guimet et un moine boudhiste.

Jeune fille de la halte à thé devant la mer, île d'Enoshema

Jeune fille de la halte à thé devant la mer, île d'Enoshema

Page de titre du roman

Page de titre du roman "Okoma"

Rencontre entre Emile Guimet et un moine boudhiste.

Rencontre entre Emile Guimet et un moine boudhiste.

Date représentée : 1876

H. : 180 cm

L. : 134 cm

Huile sur toile

Domaine : Peintures

© Photo RMN - Grand Palais (musée Guimet, Paris) / Droits réservés

http://www.photo.rmn.fr

09-508879 / EG2531

Les débuts du japonisme en France

Date de publication : Avril 2012

Auteur : Christophe CORBIER

La mission Guimet au Japon

À partir de 1868, début de l’ère Meiji, le Japon s’ouvre au monde extérieur et accueille un nombre croissant d’Européens fascinés par sa culture et ses traditions : jusqu’à cette date, l’entrée et la circulation des étrangers dans l’archipel nippon étaient sévèrement contrôlées. Après 1868, les voyages se multiplient, permettant aux visiteurs et au public occidental de mieux connaître les réalités japonaises tandis qu’en Europe, on invente au même moment un terme pour désigner cet engouement : le « japonisme ».

C’est dans ce contexte que s’inscrit le voyage d’Émile Guimet (1836-1918) et de Félix Régamey (1844-1907). Le premier est un industriel lyonnais attiré depuis l’adolescence par l’archéologie et l’Orient, ainsi que par l’étude des religions ; le second est un peintre et dessinateur formé à l’École spéciale de dessin à Paris qui vivait à Londres et aux États-Unis après 1870. Ces deux amoureux du Japon se rencontrent à Philadelphie en 1876, à l’occasion de la Centennial Exhibition, où de nombreux vases japonais étaient exposés. Quelques mois plus tard débute la mission de Guimet au Japon (août 1876-mars 1877), dont l’objectif est d’étudier les religions de l’archipel : bouddhisme et shintoïsme. Mais Guimet et Régamey sont séduits par tous les aspects de la vie japonaise : le peintre, qui connaissait bien les estampes d’Hokusai et d’Hiroshige, a rapporté du Japon ou exécuté après son voyage plusieurs dizaines de dessins, de tableaux, d’estampes, d’affiches, témoignant de son goût pour l’estampe.

Régamey et le japonisme dans les arts et la littérature


Le premier tableau représente une rencontre entre Émile Guimet et les moines d’un sanctuaire bouddhiste. Dans cette scène de genre, Régamey évoque le caractère posé et respectueux de l’échange que le Français et le bonze ont pu avoir grâce à l’interprète debout entre eux. Il rappelle ainsi que l’accueil de Guimet dans les monastères avait été excellent et avait permis au Français de mieux comprendre la religion bouddhique, malgré sa vision chrétienne des cultes de l’Extrême-Orient. Régamey est aussi très attentif aux éléments pittoresques de cette scène : sensible aux traditions japonaises, il représente avec précision les costumes des trois Japonais, leurs gestes et leurs positions, la cérémonie du thé qui se prépare à l’arrière-plan. De plus, l’intérieur des demeures japonaises avait intéressé le peintre, qui écrivait : « Comme fond de tableau, on aperçoit toujours une cour plantée d’arbres, un gracieux jardin pittoresquement disposé et habilement éclairé. […] Rien n’est laissé au hasard, l’art préside à tout, et un art plein de finesse, de sobriété et de bon goût. » C’est ce qu’il a cherché à exprimer dans ce tableau : il n’enjolive pas l’intérieur de cette demeure, mais insiste plutôt sur son extrême simplicité. Comme dans les estampes d’Hiroshige, il propose aussi des perspectives originales : la porte coulissante ouverte offre une échappée vers le jardin, tandis que l’intérieur de la salle se caractérise par l’importance des lignes verticales, qui trouvent un écho dans les arbres à l’extérieur et atténuent l’impression de profondeur.

Plus originale encore est la composition de la lithographie Jeune fille de la halte à thé devant la mer, île d’Enoshema, où l’influence des estampes japonaises est évidente. Comme Utamaro, Régamey choisit de peindre une jeune fille, dont la fonction est suggérée par la coupelle posée sur le banc derrière elle, ainsi que par la théière et le plateau qu’elle tient dans ses mains. Le choix de ce sujet rappelle que le peintre est attentif aux coutumes et aux traditions, dont il déplore la disparition sous l’effet de l’occidentalisation rapide du Japon. De plus, il adapte librement les procédés de l’estampe : simplification des formes, contours rehaussés d’un trait noir, personnage coupé par le cadre, asymétrie.

Guimet et Régamey, dès leur retour en France, ont diffusé leurs découvertes et s’en sont fait les promoteurs. Guimet a également conçu le musée d’art asiatique, situé à Paris, qui porte aujourd’hui son nom et qui a ouvert ses portes en 1889. Quant à Régamey, il a illustré les Promenades japonaises de Guimet et a publié d’autres ouvrages sur des sujets japonais à la fin du siècle. Mais il a également illustré un « roman japonais », Okoma, adapté du récit Histoire étrange de Hachijô (1813) de l’écrivain Takizawa Bakîn (1767-1848). Paru en 1883 et précédé d’une préface de Guimet, ce roman est illustré de trente-cinq compositions en couleur réalisées par Régamey d’après des estampes japonaises. La mise en page en est inhabituelle : le texte est disposé sur une étroite colonne à gauche, tandis que l’illustration occupe les quatre cinquièmes de la page ; des caractères japonais ont été reproduits près des personnages, tandis que leur nom est transcrit en français sous le cadre qui enserre la scène. Avec ce livre, Régamey a tenté de transposer en France, sous le nom familier de « roman », les procédés artistiques japonais.

Deux promoteurs du japonisme en France


Ces trois images témoignent de la vogue du japonisme, que Guimet et Régamey ont largement contribué à nourrir en France : outre les objets rituels, les estampes et les récits qu’ils rapportent du Japon en 1877, les deux hommes se sont aussi attachés à faire connaître le théâtre japonais, dont ils avaient eu la révélation à Yokohama en 1876. Ils sont donc représentatifs de cette fascination pour le Japon qui s’empare des Européens dans les années 1880 et qui a été parfois comparée à une véritable renaissance artistique : ce que montrent bien les tableaux de Régamey, si fortement influencés par les estampes d’Hokusai, Hiroshige et Utamaro. Avec l’art japonais, Régamey et ses contemporains les plus célèbres, Degas, Whistler, Van Gogh, Monet, Bonnard, découvrent des principes esthétiques dont ils s’inspireront pour renouveler le langage pictural et ouvrir la voie à la modernité.

OMOTO Keiko et MACOUIN Francis, Quand le Japon s’ouvrit au monde.Emile Guimet et les arts d’Asie, Gallimard-Découvertes, 1990.LAMBOURNE Lionel, Japonisme.Echanges culturels entre le Japon et l’Occident, Phaidon, 2006.

Christophe CORBIER, « Les débuts du japonisme en France », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/debuts-japonisme-france

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