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Cavalier arabe

Cavalier arabe

Homme nu sautant à la perche

Homme nu sautant à la perche

Saut d'obstacle (

Saut d'obstacle ( "Animal locomotion").

Cavalier arabe

Cavalier arabe

Lieu de conservation : musée Marey (Beaune)
site web

Date de création : 1887

Date représentée : 1887

Chronophotographie sur plaque fixe

Domaine : Photographies

© Musée Marey - Beaune / J.Cl. Couval

La décomposition du mouvement

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Ivan JABLONKA

La technique de la photographie offre aux scientifiques des possibilités nouvelles. A partir des années 1870, le Français Etienne-Jules Marey (1830-1904) et dans son sillage l’Américain Eadweard Muybridge (1830-1904) se servent d’instantanés photographiques pour décomposer le mouvement des êtres vivants. En dissociant, en figeant, en analysant les poses successives de leurs modèles, les deux hommes peuvent capturer le détail des activités sportives ou des gestes de la vie courante. Par le biais de ces séquences rapprochées, ils obtiennent avec précision les images de ce qu’on ne peut percevoir à l’œil nu. En arrêtant le temps et le mouvement, ils réussissent à voir l’invisible.

Marey, passionné par la locomotion humaine et animale, est l’inventeur en 1882 du fusil photographique et de la « chronophotographie », qui permettent de linéariser sur une même plaque le déplacement d’un sujet muni, pour les besoins de l’expérience, de plusieurs points réfléchissants sur les bras et les jambes. Comme ses films où se meuvent au ralenti chiens, chats, moutons et chevaux, les clichés d’un cavalier arabe, donnant par leur qualité une impression de fluidité, d’énergie et de vitesse, permettent de comprendre le fonctionnement de la « machine animale ». Dans Animal Locomotion (1872-1885), Muybridge, qui travaille d’abord sur la côte ouest des Etats-Unis, présente près de 800 vues et images prises au millième de seconde. L’inventeur du « zoopraxiscope » utilise douze (puis vingt-quatre) appareils à déclenchement successif placés en ligne à une quinzaine de centimètres les uns des autres. Les sujets, en l’occurrence un athlète sautant à la perche et un cavalier franchissant un obstacle avec sa monture, déclenchent les appareils en passant devant. Le résultat est fascinant : ces photos, à la fois témoins fidèles et artifices pleins d’étrangeté (puisque offrant une vue totalement inhabituelle sur un geste ordinaire), établissent un pont entre la science et l’art. Réunissant discontinuité et illusion de mouvement, exactitude et rêverie poétique, utilité scientifique et esthétique, elles offrent une vision paradoxale et totalement nouvelle.

Les travaux révolutionnaires de Marey et Muybridge ont eu immédiatement des applications. D’abord, ils ont eu une profonde influence sur des artistes comme Rodin, Bouguereau, Whistler, Eakins et Degas, lequel s’inspira de Marey pour peindre des danseuses dans diverses positions. On raconte que Meissonier, impressionné par la démonstration de Muybridge selon laquelle un cheval au galop n’a par moments aucun appui au sol, modifia certaines de ses scènes historiques. Au XXe siècle, les cubistes et les futuristes se plairont à décomposer le mouvement plus ou moins schématiquement. En outre, Marey et Muybridge ont fortement contribué à l’invention du cinéma. Dans les années 1880, l’Américain organisa les premières projections cinématographiques en Europe, tandis que le Français, inventeur en 1892 du premier projecteur d’images animées, réussissait à filmer à grande vitesse, faisant défiler cent images par seconde. Plus généralement, les efforts des scientifiques visant à disséquer photographiquement le vivant ressortissent à ce « nouveau paradigme épistémologique » qui se met en place à la fin du XIXe siècle et auquel appartient aussi l’anthropométrie d’Alphonse Bertillon, fondée sur le fichage des individus, les mesures du corps humain et les typologies physiologiques. Au tournant du siècle, à l’heure où les expériences d’un Marey et d’un Muybridge débouchent sur la création d’un art nouveau, le cinéma, s’imposent également des techniques modernes pour analyser, mesurer, identifier les personnes et maîtriser les corps. Aujourd’hui, on peut déceler dans le documentaire scientifique, dans le sport filmé et dans l’enregistrement en images des performances physiques une lointaine influence du chronophotographe et autres zoopraxiscopes.

Christophe Studeny L’Invention de la vitesse, France, XVIIIe-XXe siècle Paris, Gallimard, 1995.

Jean-Marc Berlière Le Monde des polices en France Bruxelles, Ed. Complexe, 1996.

La Passion du mouvement au XIXe siècle : Hommage à Etienne-Jules Marey Beaune, Musée Marey, 1991.

Marey, pionnier de la synthèse du mouvement RMN et Musée Marey, Beaune, 1995.

G.Noiriel Le Creuset français .Histoire de l’immigration, XIXe -XXe siècles Seuil, 1988, p.97-98.

Isabelle POUTRIN (dir.) Le XIXe siècle : science, politique et tradition Nancy, Berger-Levrault, 1995.

N.Rosenblum (dir.) Une histoire mondiale de la photographie Ed. Abbeville, 1992.

Chronophotographie : Analyse du mouvement, décomposé à l’aide de plusieurs photographies. C’est l’Américain Eadweard Muybridge qui invente ce procédé, repris et développé par le Français Jules Marey.

Ivan JABLONKA, « La décomposition du mouvement », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/decomposition-mouvement

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