La Folie.
Portrait de folle.
La Folie.
Auteur : REDON Odilon
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : 1833
Date représentée : 1883
H. : 36 cm
L. : 31 cm
Domaine : Dessins
© Photo RMN - Grand Palais - G. Blot
00-018633 / RF35822
La folie : de l'allégorie à l'évidence photographique
Date de publication : Septembre 2008
Auteur : Alain GALOIN
Sur le plan esthétique, l’approche de la folie dépasse largement la simple évidence du cliché photographique pour interpréter tout ce qui se cache derrière les apparences et suggérer l’invisible. À la fin du XIXe siècle, le courant symboliste – auquel on peut rattacher Odilon Redon – explore les tréfonds de l’âme. Ces artistes voient dans la folie une distanciation de la conscience face au matérialisme désenchanté du monde dans lequel ils évoluent et dont le réalisme n’a rien à voir avec l’univers idéal qu’ils se sont forgé. Il s’agit pour eux de peindre le secret des choses, l’expérience intime des êtres, le mysticisme transcendant. Les symbolistes ne représentent que des émotions. Leur onirisme nie la réalité sordide et simplifie les figures à l’extrême pour atteindre une merveilleuse abstraction. Ils annoncent à leur manière l’art du XXe siècle.
L’allégorie de La Folie appartient à cette série. Il s’agit du portrait d’un personnage asexué au visage émacié et coiffé d’un bonnet parsemé de clochettes. Les yeux immenses, inexpressifs, dissimulent un monde intérieur clos, douloureux, où l’étrange le dispute au fantastique. Comme dans ses diverses représentations carcérales, Odilon Redon reprend ici le vieux thème de l’âme prisonnière. À cette folie tapie au plus profond d’un personnage fictif répond l’évidence de la prise de vue instantanée effectuée par Hugh Welch Diamond (1809-1886). Pionnier de la photographie en Angleterre, surintendant du Département des femmes au County Lunatic Asylum du Surrey, Diamond a fixé sur la pellicule, de 1848 à 1858, bon nombre des malades mentales qu’il était amené à côtoyer quotidiennement. C’est l’une de ces « folles » qu’il a photographiée ici. Elle est assise sur une chaise, les mains sagement croisées sur son giron. Le visage seul révèle son altérité : sous les cheveux en désordre, le regard torve qui fixe l’objectif est singulièrement absent, inexpressif, indifférent.
Jusqu’à la Renaissance, le fou est craint et respecté en tant que tel. Au XVIIe siècle, l’émergence du rationalisme cartésien réduit au silence la grande folie baroque naguère si présente dans les œuvres de Jérôme Bosch (vers 1453-vers 1516) ou de Pieter Bruegel l’Ancien (vers 1525-1569) : raison et folie s’excluent radicalement.
À l’âge classique, la folie est synonyme de passion, d’excès, de fantaisie, de rêve, de déraison, d’atteinte aux règles et aux normes sociales, d’exaltation de l’individu au détriment du groupe, d’intrusion de la force vitale et de la dimension du sacré dans l’organisation de la vie collective. Le fou vit en marge de son groupe d’appartenance, le dérange, le conteste ou prétend le transformer de façon radicale.
Dans la société rationnelle du siècle classique, la folie n’a plus sa place, et son exclusion se réalise dans le domaine des institutions par l’enfermement : le fou doit être interné ; même comme fou du roi, il n’a plus sa place dans la société des hommes libres. Il revient au XVIIIe siècle d’avoir opéré cette grande coupure de la raison et de la déraison, dont l’internement n’est que la manifestation institutionnelle et qui subsiste, dans notre philanthropie positiviste et médicale, sous la forme de nos actuels hôpitaux psychiatriques.
Marie-Noëlle DANJOU, Raison et folie, Paris, L’Harmattan, coll. « Psychanalyse et Civilisation », 2001.Michel FOUCAULT, Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Plon, 1961.Jean GILLIBERT, Folie et création, Seyssel, Éditions du Champ Vallon, 1990.Jean THUILLIER, La Folie. Histoire et dictionnaire, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1996.
Alain GALOIN, « La folie : de l'allégorie à l'évidence photographique », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 04/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/folie-allegorie-evidence-photographique
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Approche historique de la folie
Né dans une famille de chirurgiens, le plus illustre des aliénistes français, Philippe Pinel (1745-1826), est reçu docteur de la faculté de…
Le Docteur Paul Gachet
Après un an passé au sein de l’asile psychiatrique de Saint-Rémy-de-Provence, où il avait…
Regard sur la folie
Ces deux toiles appartiennent à un ensemble de dix portraits d’aliénés (dont cinq actuellement perdus ou détruits) peints par Géricault vers 1820…
La folie : de l'allégorie à l'évidence photographique
La Représentation d’Ophélie
La culture et la sensibilité romantiques doivent beaucoup aux représentations d’Hamlet données à l’Odéon…
Anonyme || Très bon article, il me
Très bon article, il me semble toutefois que l'inventeur de la photographie est Nicéphore Niepce en 1827.
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel