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La Halle aux blés. Escalier

La Halle aux blés. Escalier

Vue de la halle aux blés et de sa belle coupole

Vue de la halle aux blés et de sa belle coupole

La Halle aux blés. Escalier

La Halle aux blés. Escalier

Date de création : XVIIIe siècle

H. : 62,5 cm

L. : 49 cm

dessin à la plume et lavis

Domaine : Architecture

© Beaux-Arts de Paris, dist. RMN - Grand Palais / image Beaux-Arts de Paris

lien vers l'image

18-502288 / EBA 1821

Une halle révolutionnaire

Date de publication : Septembre 2021

Auteur : Alexandre SUMPF

Nourrir la capitale

Le geste monumental traduit par les plans de Le Camus de Mézières et le dessin anonyme antérieur à 1836 vient résoudre un problème qui se pose depuis le XIIIe siècle.

Avec une population croissante et un statut de capitale économique du pays, Paris doit faire venir quotidiennement de tout le Bassin parisien des grains, débarqués près de l’hôtel de ville, au port au Blé. La Seine est l’un des axes de transport essentiel de ce pondéreux, vital pour la survie des Parisiens et le maintien de la paix sociale en ville. Or, dans un bâti déjà très dense, où abondent les édifices officiels et royaux, rares sont les emplacements propices à l’aménagement d’un lieu destiné aux échanges, détaché de la fonction portuaire. C’est pourquoi l’hôtel de Soissons (1) est rasé en 1748, quand son dernier propriétaire, ruiné, ne peut plus pourvoir à son entretien.

Nicolas Le Camus de Mézières (1721-1789), lui-même parisien, se voit confier ce chantier alors qu’il n’a réalisé aucun des bâtiments qui orneront la capitale, le collège Louis-le-Grand et l’hôtel de la place Beauvau. Tout juste a-t-il à son actif la mairie de Créteil (1758). Il arrête sa carrière à peine douze ans plus tard pour se consacrer à la littérature. En effet, ce théoricien de l’architecture réfléchit à l’adéquation entre la forme et la fonction du bâtiment, qu’il compare dans ses écrits tantôt à une scène de théâtre, tantôt à une pièce de musique suscitant des émotions. Il se distingue surtout par son exigence vis-à-vis du principe d’unité, dont la halle construite de 1763 à 1766 est une illustration fort convaincante.

Un marché monumental

Le plan réalisé par l’architecte Nicolas Le Camus de Mézières pour la halle aux blés du centre de Paris tire son inspiration des réalisations de la Renaissance. Le détail présenté ici propose un plan en coupe d’un escalier à double révolution (2) permettant d’accéder à l’étage depuis le rez-de-chaussée. En effet, là se situent les arcades percées de fenêtres qui doivent permettre aux acteurs du marché céréalier de contrôler la qualité des produits sans être gênés par la pluie. La double hélice de l’escalier est nettement visible, et l’agréable se joint à l’utile avec un palier à mi-hauteur qui permet de jeter un œil en plongée sur l’activité trépidante des vendeurs et acheteurs de grain.

Le dessin anonyme est daté d’avant 1836, car la coupole n’a pas encore été équipée des verrières remplaçant la fonte et le cuivre de la coupole détruits par l’incendie de 1802. Ici, l’artiste n’a pas totalement respecté la perspective : elle est tordue afin de donner plus d’ampleur à cet élément central qui a enfin été couvert – à l’origine, un oculus (3) laissait passer les éléments naturels. Le haut des trois arcades en plein cintre du premier plan et la coupole du deuxième plan occupent la moitié supérieure de l’image, écrasant l’enfilade des arcades au dernier plan et les hommes s’activant au premier plan en bas. On distingue des portefaix (4) chargés de déplacer les sacs de blé, deux personnages en train de négocier le montant et le volume de l’achat, et un personnage assis près de la balance publique qui sert de contrôle et garantit la transaction. L’empilement rationnel des sacs, sans doute regroupés par tonne, ajoute à l’impression totale d’ordre et d’organisation.

Une nouvelle vision du commerce

L’escalier à double révolution est un type d’équipement intérieur qui a une fonction concrète et symbolique. Il permet une plus grande circulation sur une même emprise, signe de l’ambition des concepteurs ; il évite aussi à ses usagers de se croiser, ce qui est pratique si l’on souhaite ségréguer (5) l’espace en fonction du statut des visiteurs (marchands et portefaix, par exemple) ; enfin, il s’agit d’un signal fort en direction de ces derniers : ils se tiennent dans un monument public où se joue une scène politique, comme au château de Chambord.

Le bâtiment frappe les contemporains par sa sobriété stylistique et la solution apportée pour l’éclairage naturel ou la protection des denrées. Il les séduit également par son organisation rationnelle des espaces et des circulations. À l’heure où les idées physiocrates (6) font florès et où les Lumières prennent leur essor, la municipalité et le trône offrent au peuple parisien ce qui se fait de mieux pour les desservir. L’agitation industrieuse mise en scène est comme un spectacle d’une abondance récompensant le labeur.

Mais le dessin réalisé sous la Restauration trahit l’échec partiel de la vision de Le Camus de Mézières. En effet, la forme annulaire de la halle, faisant écho à celle des places royales, supposait une transformation radicale du tissu urbain pour une desserte optimale. Cependant, le lotissement de la parcelle pentagonale (7) obéit à des intérêts privés, et le tissu urbain ne change pas, d’où un encombrement sans précédent et permanent dans le quartier. En outre, Paris passe de 576 639 habitants en 1766 à 640 504 en 1793 ; les volumes de blé devenant trop importants pour les greniers des étages, les sacs doivent être entreposés dans les galeries, gênant le travail des marchands. L’idée d’un toit ouvert pour laisser passer la lumière se heurte aux contraintes du climat océanique : le blé entreposé directement à l’aplomb se gâte, ce qui impose la pose d’une coupole dès 1783. L’utopie rationnelle de l’architecte n’a pas résisté à la cadence effrénée de l’urbanisation.

GALLET Michel, Les architectes parisiens du XVIIIe siècle : dictionnaire biographique et critique, Paris, Mengès, 1995.

ROBERT Jean-Louis, TSIKOUNAS Myriam (dir.), Les Halles : images d’un quartier, actes de séminaire et de colloque (Paris, 2000), Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Géographie » (no 20), 2004.

1. En 1572, Catherine de Médicis demande à l’architecte Jean Bullant de lui construire un nouveau palais, qui deviendra l’hôtel de Soissons au XVIIe siècle. La colonne Médicis est l’unique vestige de ce palais, détruit en 1748.

2. Escalier à vis hélicoïdal, comprenant deux volées de marches et deux entrées, où les visiteurs montant ne croisent pas les visiteurs descendant. L’un des escaliers à double révolution les plus célèbres est celui du château de Chambord.

3. Terme d’architecture désignant une petite ouverture ronde.

4. Homme dont le métier était de porter des charges.

5. Établir une séparation entre différents groupes de la population (on parle de ségrégation raciale, de classe).

6. École de pensée économique qui s’est développée en France au XVIIIe siècle avec François Quesnay (1694-1774). La physiocratie, qui signifie « gouvernement de la nature », professe que l’État n’a pas à intervenir dans la sphère économique, puisque l’économie est gouvernée par des lois naturelles analogues aux lois physiques.

7. Forme géométrique à cinq côtés.

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c’est l’homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.

Alexandre SUMPF, « Une halle révolutionnaire », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 16/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/halle-revolutionnaire

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