Le roi de Grande-Bretagne Georges VI visite les fortifications de la ligne Maginot.
André Maginot en uniforme de sergent du 44e régiment d'infanterie territoriale, vers 1919.
Le roi de Grande-Bretagne Georges VI visite les fortifications de la ligne Maginot.
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz (BPK, Berlin)
site web
Date de création : 1939
Date représentée : novembre 1939
Georges VI accompagné du général français Gamelin, commandant en chef des forces franco-britanniques sur le front ouest.
© BPK, Berlin, Dist RMN - Grand Palais - Photographe inconnu
04-505556
La ligne Maginot
Date de publication : Février 2009
Auteur : Alban SUMPF
L’alliance franco-britannique au début de la guerre.
Le 3 septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne déclarent conjointement la guerre à l’Allemagne, en vertu des accords qui les lient à la Pologne, envahie par les armées nazies. Le général Maurice Gamelin (1872-1958) est désigné commandant en chef des forces franco-britanniques sur le front ouest en septembre, et l’Angleterre envoie un corps expéditionnaire (B.E.F.) composé de 394 000 hommes dans le nord de la France. Gamelin est confiant dans la stratégie défensive centrée autour de la ligne Maginot, gigantesque système de fortifications qui s’étire des Alpes aux Ardennes et qui doit son nom à André Maginot (1877-1932), ministre de la Guerre de 1929 à 1932, photographié ici en 1919.
Construite principalement de 1929 à 1936, elle consiste en un ensemble élaboré de galeries et de casemates souterraines équipées d’artillerie lourde (obus, canons, mortier notamment). De septembre 1939 à juin 1940, les forces alliées attendent l’attaque ennemie, sans que beaucoup de combats soient livrés. C’est la « drôle de guerre ». Le 9 décembre 1939, jour où a été prise la photographie, le roi Georges VI (1895-1952), monté sur le trône après l’abdication d’Édouard VII en 1936 et chef des armées des pays du Commonwealth, visite l’ouvrage du Hackenberg, le fort le plus important de la ligne, situé à Veckring (secteur fortifié de Boulay), en Moselle.
Visite officielle au Hackenberg.
Le cliché, anonyme, a été pris à la fin de la visite, lorsque le roi, reconnaissable à son uniforme britannique plus clair que ceux des Français, sort par l’entrée des munitions, entrée de plain-pied, à ravitaillement par voie ferrée (il existe ailleurs une entrée des hommes, plus massive). Son jeune visage est sérieux et concentré. Il est entouré, entre autres, du général Gamelin (à sa gauche, au premier rang) et du chef d’escadron Henri Ébrard, commandant de l’ouvrage fortifié (l’homme au béret au second rang à sa gauche). D’autres hommes sortent à leur suite, donnant l’impression d’une petite ruche. Au premier plan à gauche de l’image, un petit détachement du 164e régiment d’infanterie de ligne, lui rend les honneurs. Au sol apparaissent les rails qui permettent aux trains d’accéder aux galeries de l’ouvrage, creusées à trente mètres de profondeur et longues de dix kilomètres. Un rectangle noir se détache nettement : l’entrée d’un monde souterrain, éclairé par des lampes (un petit rond lumineux permet d’en distinguer une). De chaque côté de cette entrée, quatre drapeaux (deux français et deux britanniques) ainsi que les armes de l’armée de terre. La structure de béton de cette partie du Hackenberg est imposante (même partiellement coupée), et les hommes qui en sortent semblent presque petits. Leur mouvement, même figé par la photographie, contraste avec l’immobile ouvrage.
La seconde photographie est un portrait d’André Maginot, au regard un peu mélancolique, en uniforme de sergent du 44e régiment d’infanterie territoriale (numéro sur le col). Elle date de 1919 et a été réalisée par Manuel Henri (1874-1947), photographe officiel du gouvernement français de 1914 à 1944. Sur la veste, les médailles récompensant la conduite de Maginot : sous-secrétaire d’État à la Guerre en 1913, il s’engage sur le front où il est blessé en 1914.
La stratégie défensive, un héritage de 14-18
Le cliché est « officiel », c’est-à-dire prévu et autorisé, tant pour immortaliser la visite du roi au Hackenberg que pour délivrer un message politique. Il figure aussi bien dans les archives du fort que dans de nombreux journaux du lendemain. Il évoque l’alliance franco-britannique : les drapeaux mêlés, comme le fait que le roi soit entouré des officiers français, rappellent que le destin des deux armées est désormais lié dans un combat commun. La solennité des visages graves et déterminés, l’ordre militaire (les uniformes, la rangée de soldats qui saluent), donnent l’impression que tout est parfaitement en ordre. La France et la Grande-Bretagne sont prêtes et résolues à livrer bataille. C’est autour de la ligne Maginot que celle-ci devra s’organiser. Le caractère imposant de l’ouvrage doit donner une impression de sécurité : la position est imprenable. Le roi et le général Gamelin peuvent donc y venir sans risques, s’assurer que tout fonctionne bien, et rassurer ainsi les opinions et les états-majors de leurs pays. L’organisation de la ligne est moderne (la voie ferrée assure un transport rapide des troupes et des hommes) et aussi bien réglée que le déroulement de la visite et le comportement de ses acteurs. Le noir des galeries cache au regard des spectateurs ce qui doit rester le secret militaire du dispositif précis de la défense Maginot. Mais loin d’inquiéter, cela ne fait que renforcer l’idée sécurisante d’une forteresse ultraperformante, où les soldats entraînés utilisent les moyens les plus modernes pour combattre.
La construction de la ligne fut influencée par la participation de Maginot au conflit de 1914-1918 : il s’agissait, dans une volonté pacifiste, d’assurer durablement la paix. L’air mélancolique est peut-être dû au souvenir des atrocités de la guerre, qu’il s’agit de ne pas répéter. Maginot, par ailleurs, put imposer ses vues du fait de son passé de soldat : l’uniforme qu’il porte ici, ainsi que ses décorations, contribuèrent à asseoir son autorité et sa légitimité. De même, Gamelin restait marqué par le conflit précédent et il envisageait une guerre de position plutôt qu’une guerre de mouvement. La stratégie défensive qu’il préconisait relève d’une certaine incapacité de l’état-major à se défaire du passé (glorieux) pour se tourner vers la modernité militaire.
Martin S. ALEXANDER, The Republic in Danger: General Maurice Gamelin and the Politics of French Defence, 1933-1940 Cambridge University Press1992.Marc BLOCH, L’étrange défaite. Témoignage écrit en 1940, Paris, Société des Éditions Franc-Tireur, 1946.Yves DURAND, La France dans la 2e guerre mondiale, 1939-1945, A. Colin, 1993.Jean-Bernard WAHL, Il était une fois la Ligne Maginot, Jérôme Do Betzinger Éditeur, 1999.
Alban SUMPF, « La ligne Maginot », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/ligne-maginot-0
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