Carte réclame - La Fanfare
Auteur : HINGRE Léon
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
Date de création : 1906
H. : 14.7 cm
L. : 21.6 cm
Imprimerie Charles Hingren.
Lithographie en couleurs.
Domaine : Estampes-Gravures
© MuCEM, Dist. RMN-Grand Palais / image MuCEM
1975.46.235 - 22-513159
Consommer en musique
Date de publication : Mars 2022
Auteur : Alexandre SUMPF
On trouve tout "Au Bon Marché"
En 1906, déjà connu pour ses cartes postales humoristiques, notamment à thématique militaire, l’artiste Léon Hingre (1860-1926) reçoit une commande du grand magasin parisien "Au Bon Marché". Fils de sculpteur s’étant lui-même essayé à cet art, peintre, il excelle surtout dans l’illustration sur petit format et plus rarement sur affiche. Il profite de l’essor conjugué de la consommation et de la publicité, alors que le palais de Boucicaut domine la rue Velpeau depuis 1872. Hingre réalise une série de huit images à collectionner, autant d’épisodes de la vie d’un village dont les habitants sont les animaux de la ferme : Le réveil, La baignade, L’école, Au feu, Au feu !, Une affaire d’honneur, La noce, La fanfare et La fête au village. Il s’agit de chromos couleur de grand format (21x15 cm) destinés à servir de support publicitaire : ils affichent tous un verso offrant une vue réaliste du magasin depuis la rue de Sèvres, le présentant comme « l’une des plus remarquables curiosités de Paris À VISITER » d’autant que ses « interprètes dans toutes les langues » sont à la disposition du public. Le contraste entre les deux faces est frappant : la face dessinée en bleu vante les charmes touristiques de Paris, la face en couleurs exalte le charme éternel des villages de France, dont les fanfares sont l’un des emblème
Les animaux de la ferme en ordre de marche
De format horizontal, le chromo La Fanfare joue sur la richesse des couleurs et l’accumulation de personnages et de détails. Dans le décor idéalisé d’une campagne française reconnaissable au clocher d’une église, à gauche, sous un ciel bleu irénique et près d’un bois de feuillus typique, défile une troupe d’animaux musiciens. Ils sont précédés par une oie qui représente un personnage officiel avec son ruban, et ses deux gardes à bonnet en uniforme, qui sont logiquement des chiens. La fanfare proprement dite est dirigée à la baguette par un coq, l’animal qui chante, qui symbolise aussi la France. De gauche à droite jouent du clairon une brebis, du tuba un bélier, de la grosse caisse un bœuf, du tuba un âne à lunettes, du tambour major un lapin, du clairon un canard et du fifre un porc et un autre lapin. Enfin, deux dindons et trois oies font office de chœur. Tous les instrumentistes portent l’uniforme typique des harmonies municipales : veste sombre à col de velours et casquette à visière rigide portant l’insigne de l’ensemble.
Le patriotisme comme produit d’appel
L’emploi des animaux comme personnages, qui remonte aux fables de l’Antiquité, fait partie de la culture européenne imprimée qui prend son essor dans la seconde partie du XIXe siècle. Dans cette réclame pour le grand magasin parisien, le paysage typiquement français, le choix des animaux communs de la ferme et le rôle de guide joué par le coq offrent surtout au chromo une teinte patriotique de bon aloi après la crise de Tanger (qui opposa notamment la France et l’Allemagne au sujet de la colonisation du Maroc). À peu de frais, la direction d’"Au Bon Marché" séduit ainsi les goûts les plus conformes de ses clients, entre nostalgie de la vraie campagne, discipline martiale et musique populaire accessible à tous. S’il est impossible de savoir précisément ce que pouvaient jouer les amateurs des harmonies municipales, il est certain qu’ils puisaient dans le répertoire des marches militaires, dans les transcriptions pour cuivres d’airs célèbres, voire dans les partitions de cuivres de grands compositeurs comme Verdi (Aïda), Rossini (Fanfare de chasse) ou Berlioz (Les Troyens). La fanfare des animaux constitue ainsi le contrepoint visuel au Carnaval des animaux de Saint-Saëns, pastiche musical créé en 1886. Plus subtilement, elle tend un miroir au genre de la publicité criée et chantée, qui bientôt envahira les ondes.
Philippe Gumplowicz, Les travaux d’Orphée. Deux siècles de pratique musicale amateur en France (1820-2000). Harmonies, chorales, fanfares, Aubier, 2001.
Jean-Rémy Julien, Musique et publicité : du Cri de Paris...aux messages publicitaires radiophoniques et télévisés, Paris, Flammarion, 1989.
Michael B. Miller, Au Bon Marché (1869-1920). Le Consommateur apprivoisé, Paris, Armand Colin, 1987
Alexandre SUMPF, « Consommer en musique », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/consommer-musique
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Jour de fête
Au début du XXe siècle, il n’est pas rare que les photographes professionnels comme Henri Lemoine (1848-1924)…
Un retour tambour battant
Le 17 juillet 1921, c’est jour de fête à Reims : plus de trois ans après son départ pour le Panthéon à Paris (6 mai…
Consommer en musique
En 1906, déjà connu pour ses cartes postales humoristiques, notamment à thématique militaire, l’artiste Léon…
La Guerre en musique
Début juillet 1917, comme le montre un cliché pris sur le port de Saint-Nazaire, la Grande Guerre est en passe de…
Musique, Maestro !
En 1890, le café-concert des Ambassadeurs fête ses cinquante ans d’existence au milieu des jardins faisant la jonction entre…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel