Assignats de cent, mille et deux mille francs.
Mandats territoriaux de cinq cents, deux cent cinquante, cent et vingt-cinq francs.
Coffre contenant des assignats.
La disette du pain...
Assignats de cent, mille et deux mille francs.
Lieu de conservation : Centre historique des Archives nationales (Paris)
site web
Date de création : 1795
Date représentée : 1795
H. : 12,5 cm
L. : 18,3 cm
En filigrane, bonnet phrygien et triangle équilatéral. Timbre sec. Le papier est renforcé en bandes horizontales pour imprimer les lignes « assignat », « Cent francs », et sous le numéro de série.
Domaine : Archives
© Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie
AD/IX/541
La débâcle des assignats
Date de publication : Avril 2005
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS
La réaction thermidorienne
Après la chute de Robespierre (27 juillet 1794), l’abandon de l’économie dirigée, des contraintes économiques et des pratiques de la Terreur est inscrit dans la ligne de réaction thermidorienne. La Convention repentante libère les prix, les changes, la Bourse, les métaux. Mais elle relance l’inflation car l’État n’a plus d’autre ressource.
En avril 1795, on annonce la fabrication de 3,2 milliards d’assignats nouveaux. Le rythme des émissions passe en 1795 de 700 millions par mois à 3 milliards, puis, avec le Directoire, à 5. L’inflation monstrueuse qui s’ensuit désorganise complètement l’économie. Les conséquences sociales dramatiques – la disette et la mort par inanition – frappent la population salariée et les gens à revenus fixes. Mais, à cette époque, l’assignat reste accepté, à sa valeur nominale, pour le paiement des impôts et pour l’acquisition des domaines nationaux.
Le Directoire fixe le plafond des assignats en circulation à la somme de 30 milliards. Devant les difficultés qu’il rencontre à les faire accepter, il porte le montant à 40 milliards et annonce que les presses seront ensuite brisées ! La planche aux assignats est effectivement détruite le 30 pluviôse an IV (19 février 1796) devant une foule considérable.
Le Directoire, qui en reste cependant tributaire, tente de lancer un nom nouveau, le mandat, mais il échoue comme l’assignat. En février 1797, il ne vaut plus que 1 % de sa valeur monétaire initiale. Le Directoire procède à sa démonétisation pour revenir à la monnaie métallique. Comme on ne dispose plus alors que de 300 millions de livres en métal, la déflation est très brutale. Le citoyen qui a fait confiance au papier a ainsi perdu dans la proportion de 3 000 pour 1. Toutefois la situation monétaire est à peu près assainie.
Assignats du 18 nivôse an III (7 janvier 1795)
Sous la Terreur, le Comité des assignats et monnaies, sous l’influence du peintre David et du graveur Sergent, avait décidé de bannir de la fabrication tout ornement qui pouvait prêter à contrefaçon, mais en 1795, il renoue avec la portée politique d’une symbolique lisible. Lors de l’émission du 18 nivôse an III (7 janvier 1795), cariatides, caducée, niveau et bonnet phrygien illustrent le cadre du billet de 1 000 francs et ses filigranes, tandis que les statues de la Liberté et de l’Égalité s’imposent sur l’assignat de 2 000 francs. L’assignat de 100 francs évoque l’Agriculture et l’Imprimerie, Hercule et Vulcain fabriquant des piques.
Pour la première fois réapparaît l’appellation de franc, mais le système est toujours duodécimal, c’est celui de la livre tournois, et seul le nom de l’unité monétaire est changé. Paradoxalement, alors que l’inflation s’amplifie, la Convention poursuit patiemment un travail normatif pour redéfinir la monnaie de la République en terme d’or et d’argent, et adopter un système décimal plus rationnel. La loi du 28 thermidor an III (15 août 1795) définira le franc, divisé en dix décimes de 10 centimes chacun, comme l’unité monétaire officielle de la République, plutôt que le louis d’or qui porte le prénom du roi déchu.
Si les trois coupures portent des timbres secs, visibles par transparence, seul l’assignat de 2 000 F est pourvu d’un « timbre identique », procédé qui, par la coïncidence de deux timbres semblables, appliqués à sec ou encrés des deux côtés de la coupure, vise à mettre en échec la falsification.
Fin et brillant, le papier fiduciaire de l’assignat de 100 francs est renforcé de bandes horizontales en son centre.
Les mandats territoriaux : nouvelle monnaie, nouvel échec
Le mandat territorial diffère de l’assignat par la possibilité qu’il offre à son détenteur d’acquérir un bien national sans enchères s’il l’échange dans les trois mois à raison de 22 fois le revenu net de 1790 pour les terres ou de 18 fois ce revenu pour les propriétés bâties.
En attendant la fabrication des mandats, la loi du 26 ventôse an IV décide l’émission immédiate de promesses de mandats. Le Directoire donne cours de monnaie à ces coupures de 25 à 500 francs. De forme simplifiée et unique, elles sont déclinées dans des couleurs différentes, en fonction du montant, et portent pour tout décor un médaillon de la France déroulant la carte de ses récentes conquêtes militaires. Car celles-ci constituent le nouveau gage de la monnaie fiduciaire : grâce à elles, un afflux de métal provenant de Belgique et d’Italie s’ajoute aux biens nationaux. Les mandats, qui seront tous de 5 francs, reprendront cette présentation dépouillée.
Caisse d’assignats
La désorganisation monétaire s’étend à toute la France. À Nantes subsiste un témoignage concret de la marée d’assignats qui a inondé le pays : à la suite d’une pétition du citoyen Mouton, trésorier de la commune de Nantes qui demande à « être autorisé à déposer dans tel bureau de l’administration qui lui sera indiqué la somme de 351 476 francs et 77 centimes en assignats et 4 075 francs 22 centimes en promesses de mandats », ces valeurs rendues nulles par la loi qui a aboli le papier-monnaie (février 1797) sont déposées, puis remises au secrétariat de la mairie le 12 germinal an XI.
Gouache de Lesueur Ces petites scènes font partie d’une série de 64 gouaches révolutionnaires du musée Carnavalet. L’artiste, Jean-Baptiste Lesueur (1748-1826), les a découpées pour les poser sur leur base, en vue de constituer sans doute un petit théâtre de rue. Quelques-unes rendent compte sans détour de la vie à Paris alors que la disette sévit et que l’État multiplie les émissions d’assignats. Pendant le terrible hiver de l’an III et l’année suivante, on installe des soupes populaires pour sauver les pauvres de la famine. La marchande, à la poche pleine d’assignats dévalués, vend sa soupe au sans-culotte comme au rentier en guenilles. « Et n’en n’avait [sic] pas qui voulait », précise la légende.
Le passage du Perron à Paris, près du Palais-Royal devenu Palais-Égalité, constitue un lieu de trafic pendant toute la Révolution. Ces rentiers, ruinés par le paiement de leurs rentes en assignats sans valeur, sont désormais sans ressources et, poussés par la faim, viennent vendre l’argenterie qui leur reste.
Conséquence de la crise financière, le Directoire est réduit à passer par les exigences des financiers. Ceux-ci se font payer en biens nationaux cédés à vil prix. Une série de scandales achève de déconsidérer le régime. Démonétisé par un refus universel avant de l’être par la loi, l’assignat a provoqué la misère et clôt sa folle aventure par la déflation de 1797.
La politique de conquête du Directoire s’explique en partie par le besoin constant de remplir le Trésor public grâce aux contributions de guerre imposées aux pays vaincus.
Quand prend fin officiellement l’aventure des assignats, la Révolution aura multiplié par 20, en sept ans, le volume des moyens de paiement. Sept années de papier-monnaie ont engendré une France nouvelle. Politiquement, elles ont discrédité la République et le personnel révolutionnaire, mais la vente des biens nationaux à bas prix a créé une vaste classe de 1 200 000 citoyens farouchement hostiles au retour du roi, qui pourrait remettre en cause leur acquisition. L’État, pour sa part, a tiré parti de la dépréciation monétaire pour réduire considérablement son endettement.
Les Français du XIXe siècle conserveront de cette période dramatique une méfiance tenace à l’égard du papier-monnaie.
Philippe de CARBONNIERES, Les Gouaches révolutionnaires de Lesueur, Paris, Éditions Paris-Musées-Nicolas Chaudun, 2005.Anne FORRAY-COALIER, Au temps des Merveilleuses. La société parisienne sous le Directoire et le Consulat, Paris, Éditions Paris-Musées.Jean LAFAURIE, Les Assignats et les papiers-monnaies émis par l’État au XVIIIe siècle, Paris, Léopard d’or, 1981.René SEDILLOT, Histoire du franc, Paris, Éditions Sirey, 1979.Jeanne VEYRIN-FORRER et Alain MERCIER, « Contribution à l’étude iconographique des assignats », in Nouvelles de l’estampe, juillet-août 1989.
Luce-Marie ALBIGÈS, « La débâcle des assignats », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/debacle-assignats
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