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Catherine de Médicis

Catherine de Médicis

Triptyque de deuil de Catherine de Médicis

Triptyque de deuil de Catherine de Médicis

Catherine de Médicis

Catherine de Médicis

H. : 20,3 cm

L. : 15,7 cm

Huile sur bois

Domaine : Peintures

© RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly) / René-Gabriel Ojeda

Lien vers l'image

PE 276 - 06-510680

  • Catherine de Médicis

Catherine de Médicis

Date de publication : Septembre 2023

Auteur : Paul BERNARD-NOURAUD

Catherine de Médicis, l’histoire et sa légende

Catherine de Médicis occupe dans l’histoire de France une place à la fois singulière et stéréotypée. En tant que femme menacée de répudiation dès les premières années de son mariage avec le futur Henri II parce qu’elle ne lui donne pas d’héritier (elle aura finalement de lui dix enfants), en tant qu’étrangère héritière des Médicis, et comme régente qui entendait exercer son pouvoir et asseoir celui de la monarchie, elle fit face aux multiples oppositions de la noblesse de France, y compris la plus récemment rattachée au royaume, comme les Guise de Lorraine. Après la Saint-Barthélemy en août 1572, elle devient honnie des protestants qui voient en elle l’instigatrice des massacres.

Cette légende noire véhiculée par les pamphlets de l’époque puis dans la littérature postérieure (dont La Reine Margot d’Alexandre Dumas, paru en 1845) résiste cependant mal à l’examen historique qui, ces dernières décennies, a permis d’esquisser d’elle un portrait plus nuancé. Devenue reine de France en 1549, elle doit en effet faire face aussi bien aux dissensions internes qu’aux attaques externes qui toutes menacent sérieusement sa souveraineté. Dans ce contexte de péril permanent, elle se révèle une négociatrice habile et infatigable, obsédée par le souci de la sauvegarde de l’État, suivant en cela la leçon de Nicolas Machiavel qui avait dédié Le Prince au père de celle-ci, Laurent II de Médicis.

Mais c’est un souvenir plus direct qui marque durablement la souveraine : la mort accidentelle, lors d’un tournoi organisé à Paris au début de l’été 1559, d’Henri II son époux, touché à la tête par la lance de son adversaire du jour. Témoin de l’événement avec l’amante du roi, Diane de Poitiers, elle assiste également à son agonie et aux efforts déployés en vain pour sauver son mari par les médecins accourus à son chevet, parmi lesquels Ambroise Paré et André Vésale. À la suite de ce drame, elle fait modifier son emblème. Une lance brisée remplace l’arc-en-ciel que lui avait suggéré son beau-père, François Ier, lors de son mariage en 1533. Elle prend alors simultanément l’habit de deuil et la tête des affaires du royaume, pour ne plus quitter ni l’un ni l’autre.

Le petit triptyque de deuil en bois recouvert de cuir et parsemé d’émaux que conserve le musée national de la Renaissance d’Écouen répond à cet événement tout en s’inscrivant dans un contexte plus large qui a vu se multiplier, dès les années 1400, les objets de dévotion privée. La représentation des scènes de la Passion sur les panneaux latéraux encadre ainsi un portrait de sa commanditaire : Catherine de Médicis. Ce portrait en situation s’inspire de celui en buste peint après 1559, sans doute d’après un dessin de François Clouet, portraitiste attitré de la cour, qui hérite de son père Jean le style sobre de ses représentations et le rendu fidèle des visages.

Une souveraine en deuil perpétuel

La souveraine y apparaît coiffée d’une voilette noire tombant en pointe sur son front, Catherine de Médicis y apparaît vêtue de la même robe noire à pourpoint, le visage seulement rehaussé d’une fraise blanche dont les godrons forment des boucles analogues à celles de sa coiffure sur ses tempes. Plus finement détaillés que dans le triptyque, ses traits sont aisément reconnaissables : un léger double-menton, des lèvres épaisses, le nez aquilin, les yeux saillants et mi-clos. L’ensemble oscille entre le réalisme introduit par les peintres flamands au siècle précédent et le caractère strict de l’habillement tel qu’il s’impose dans les cours européennes sous l’influence des Habsbourg et de l’étiquette espagnole.

Catherine de Médicis s’est faite représentée en prière devant un autel orné d’une crucifixion et surmonté d’un retable figurant l’Annonciation. Entre les images, ses chiffres rappellent combien son destin est lié à celui du défunt (deux C croisés d’un H surmontés d’une couronne), et des larmes disent sa douleur, suivant en cela la devise qu’adopte Catherine de Médicis après la mort d’Henri : Lacrimae hinc, hinc dolor (De là viennent mes larmes, de là ma douleur). Par une singulière mise en abyme, le panneau central montre la reine veuve là même où elle se recueillait devant le triptyque, c’est-à-dire dans son oratoire, agenouillée sur un prie-Dieu, sous un dais noir comme son habit, rehaussant la blancheur de son visage, de ses mains et du chien fidèle couché sous la fenêtre.

Une représentation privée et publique

S’il est évident que le triptyque de deuil revêt une dimension éminemment privée, ses caractéristiques formelles disent aussi quelque chose des fonctions publiques qu’occupe sa commanditaire. Il s’agit en effet d’un d’autel portatif, qui prenait place parmi les innombrables effets voyageant continuellement avec Catherine de Médicis et sa suite au gré de ses voyages diplomatiques et des déplacements de la cour. Bien qu’il ne fût sans doute pas montré en public, son caractère luxueux traduit le goût fastueux de sa propriétaire dont témoigne son train de vie, ainsi que ses inclinaisons personnelles : elle possédait en effet une riche collection d’émaux peints du Limousin (Léonard Limosin pourrait d’ailleurs être l’auteur anonyme des émaux du triptyque).

De même, elle commanda à François Clouet un très grand nombre de dessins des membres de la cour dès le début des années 1550 (le musée Condé de Chantilly en conserve aujourd’hui plusieurs centaines), y compris à des fins diplomatiques. Le « crayon » de sa fille Marguerite (la future reine Margot) est par exemple envoyé en 1561 à la reine du Portugal en vue d’un éventuel mariage avec l’héritier Sébastien (qui n’a alors que sept ans, et Marguerite huit). Les deux œuvres manifestent par conséquent aussi l’alliance que Catherine de Médicis sut concevoir entre les arts et la politique, la sphère privée et la sphère publique. L’ironie de l’histoire veut aussi qu’en fixant l’image de la reine-mère en veuve noire (alors même que les reines de France portaient habituellement le deuil en blanc), Clouet et son atelier aient contribué à forger sa légende noire, y compris dans les arts plastiques. Dans le célèbre tableau de François Dubois dépeignant le massacre de la Saint-Barthélemy (1572-1584, musée cantonal des beaux-arts de Lausanne), chacun peut ainsi distinguer Catherine de Médicis des autres femmes victimes de la tuerie, penchée qu’elle au-dessus d’un tas de cadavres dénudés.

Denis CROUSET, Le Haut cœur de Catherine de Médicis, Paris, Albin Michel, 2005.

Étienne JOLLET, Jean et François Clouet, Paris, Lagune, 1997.

Janine GARRISSON, Catherine de Médicis. L’impossible harmonie, Paris, Payot, 2002.

Alexandra ZVEREVA (dir.), Le Cabinet des Clouet au château de Chantilly, Chantilly, Domaine de Chantilly, Paris, Nicolas Chaudun, 2011

Médicis : Famille florentine de banquiers collectionneurs et protecteurs des arts. Ses membres s’emparent progressivement du pouvoir à Florence au XVe siècle. Deux grands papes de la Renaissance en sont issus : Léon X (1475-1521) et Clément VII (1478-1534). Anoblie au XVIe siècle, la famille Médicis s’allie deux fois à la France en lui donnant deux reines et régentes : Catherine (1519-1589), épouse d’Henri II, et Marie (1575-1642), épouse d’Henri IV.

Triptyque : Œuvre constituée de trois volets reliés par une charnière. Par extension, le terme s’applique à trois œuvres formant un ensemble.

Paul BERNARD-NOURAUD, « Catherine de Médicis », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/catherine-medicis

La Reine Margot : la Saint-Barthélémy selon Dumas, une vidéo de France Culture.

Le Cabinet des Clouet, une vidéo du Musée Condé de Chantilly

chercheur en c… (non vérifié)

Dommage de ne pas citer sa relation avec son gendre, Henri de Navarre devenu Henry IV par sa conversion au clergé romain !
Cette page de l'Histoire de France me passionne et j'en écris les pages tumultueuses. Le bon roi Henri a laissé de lui de bonnes impressions, lui qui avec Sully voulait déjà une Europe à 15 avant 1610 !
Gérard

sam 09/09/2023 - 17:53 Permalien

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