L'Hercule français
Allégorie du 18 Brumaire.
Allégorie du Concordat.
L'Hercule français
Auteur : HENNEQUIN Philippe Auguste
Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web
H. : 356 cm
L. : 515 cm
Plafond du musée du Louvre : compartiment octogonal de la salle des Sévères (autrefois salle des Antonins )
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot / Christian Jean
INV 20097 - 88-001761-02
L'allégorie sous le Consulat
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Jérémie BENOÎT
Après le coup d’Etat des 18 et 19 brumaire an VIII (9-10 novembre 1799), qui transformait la République française, jusqu’alors gouvernement collégial démocratique, en un Etat autoritaire marqué par la personnalité d’un seul homme, les artistes entreprirent de commémorer soit l’acte fondateur du nouveau régime, soit les grands événements du Consulat (1799-1804), comme le Concordat et la paix d’Amiens (1802).
Le tableau d’Hennequin, artiste jacobin élève de David et qui avait été proche des milieux babouvistes, fut réalisé en 1800 pour achever le décor du Muséum central des arts, installé au Louvre. Il représente Hercule (figurant le Peuple), accompagné de Minerve (l’Assemblée), terrassant la Discorde et la Guerre. La figure d’Hercule, très calme, se trouve dans la partie supérieure de la composition, qui comporte deux registres.
Exposée au Salon de 1800, l’esquisse du tableau de Callet, ancien peintre officiel de Louis XVI, fut réalisée en grand sans doute à la demande des consuls. L’œuvre, agrandie et transformée en plafond bien qu’elle ne soit absolument pas destinée à cet usage, se divise en deux registres qui montrent parfaitement l’évolution du régime républicain sous Bonaparte. Elle représente selon le livret du Salon « le vaisseau de l’Etat [qui] surgit du port ». En haut, la France victorieuse (nous sommes après Marengo) tient une branche de laurier. Elle est élevée sur un pavois que soutiennent les quinze armées de la République. Mais une figure égyptienne qui symbolise l’armée de Bonaparte l’accompagne. En bas, Hercule, qui représente le gouvernement, écrase les ennemis de l’ordre et de la paix.
Le tableau de François s’inscrit quant à lui dans le contexte d’un concours organisé le 26 germinal an X (16 avril 1802) pour célébrer la paix d’Amiens et le Concordat. Son tableau ne fut pas récompensé alors qu’il présente une composition assez semblable à celle du tableau de Callet. Elle comporte également deux parties matérialisées par un socle. Au-dessus d’un autel d’où part un rayon lumineux, apparaît la Religion. Sur le socle de cet autel se tiennent à gauche le pape Pie VII et à droite la figure nue de Bonaparte héroïsé à l’antique. Sur sa tête brûle le feu des héros. Une Victoire le couronne. A leurs pieds se massent les fidèles tandis qu’un évêque encourage les athées à regarder la Vérité religieuse. A droite, Mars chasse la Discorde.
La Révolution avait imaginé de nouvelles figures allégoriques pour matérialiser le pouvoir souverain du Peuple conquis en 1789, tel Hercule. Minerve quant à elle représentait l’Assemblée nationale, pouvoir délégué de la nation. Durant la Convention et le Directoire, Hercule se trouvait toujours dans la partie supérieure des tableaux. Avec le Consulat, Bonaparte ayant pris le pouvoir en son nom propre, Hercule fut relégué dans la partie inférieure des compositions comme c’est le cas chez Callet, le Premier consul ayant pris sa place en haut. Devenu dans le discours allégorique un héros antique, il fut très souvent représenté nu, se substituant ainsi à Hercule / le Peuple. Les Jacobins acceptèrent très difficilement cette évolution de la République vers un pouvoir personnalisé, comme on le voit chez Hennequin : pour lui, c’est toujours le Peuple / Hercule qui règne sur la France dans le haut de la composition.
Cette différence de conception picturale tenait au fait que le gouvernement consulaire était en lui-même ambigu : le Consulat était la République, mais le Peuple n’avait plus son mot à dire, Bonaparte décidant en son nom sans recourir à lui. L’évolution vers l’Empire se fit aussi en grande partie pour résoudre cette difficulté : il fallait que la France fût un régime démocratique ou monarchique.
La peinture allégorique ne plaisait pas à Bonaparte. Désireux avant tout d’imposer son régime et son image, de se présenter comme le sauveur de la France, il estmait que le langage obscur de l’allégorie ne pouvait pas dans ce contexte être immédiatement compris par tous. D’autre part, l’allégorie permettait aux artistes opposants comme Hennequin de la manipuler à leur convenance et de tirer profit des ambiguïtés du pouvoir. Ce fut l’une des grandes raisons de son échec au concours de 1802. En outre, le Premier consul trouvait « chose ridicule et bizarre » de vêtir ses contemporains à l’antique, quand ils n’étaient pas nus. C’est pourquoi dès qu’il fut devenu empereur, Bonaparte s’attacha à imposer par l’intermédiaire de Denon, directeur du Louvre et véritable dictateur des arts, l’imagerie des grands événements de son règne, évidemment plus facile à décrypter pour le grand public.
Jérémie BENOIT Philippe-Auguste Hennequin (1762-1833) Paris, Arthéna, 1994.
Marc SANDOZ Antoine-François Callet. 1741-1823 Paris, Editart, 1985.
Jérémie BENOIT, « La peinture allégorique sous le Consulat : structure et politique », in Gazette des Beaux-Arts février 1993, p. 77-92.
Jérémie BENOÎT, « L'allégorie sous le Consulat », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/allegorie-consulat
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