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Boris Vian

Boris Vian

Caveau de la Huchette, Paris

Caveau de la Huchette, Paris

Boris Vian

Boris Vian

Date de création : 1948

Date représentée : 1948

Photographe : Studio Harcourt.

 

Domaine : Photographies

© Ministère de la Culture - Médiathèque du patrimoine et de la photographie, Dist. GrandPalaisRmn / Studio Harcourt

Lien vers l'image

HRC 165735 VNR0L - 07-519638

  • Boris Vian

Boris Vian. Free jazz

Date de publication : Octobre 2024

Auteur : Alexandre SUMPF

L’étoile filante de Saint-Germain-des-Prés

Lorsque le studio Harcourt, fondé en 1934, réalise le portrait de Boris Vian (1920-1959), il est plus connu comme musicien que comme écrivain ou comme peintre. C’est donc sous le signe de sa trompette, pratiquée depuis la fin de l’adolescence, qu’il rejoint la galerie des célébrités parisiennes dont Harcourt se fait la spécialité. Issu d’une famille ruinée par la crise de 1929, mais où les jeux de mots et le spectacle sont des piliers de la vie quotidienne, Vian est parrainé chez Gallimard par l’écrivain Raymond Queneau (1). Il est l’une des figures majeures de Saint-Germain-des-Prés, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir étant des amis proches. On le surnomme « le roi du Tabou », du nom d’un club ouvert en avril 1947 où il se produit avec ses frères dans leur orchestre, les Grrr.

En 1957, la faune intellectuelle a depuis longtemps quitté la cave et Vian, toujours en quête du succès littéraire, est devenu l’un des principaux passeurs de musique américaine en France. Il a introduit le be-bop au Tabou, puis le rock n’roll avec Henri Salvador (2) en 1956, et se produit parfois au Caveau de la Huchette, où le photographie Willy Ronis (1910-2009). D’origine juive ukrainienne par son père, membre du parti communiste, il vient de quitter l’Agence Rapho (3) pour recouvrer son indépendance artistique. Par rapport à ses illustres collègues Brassaï et Cartier-Bresson (4), il pratique plus volontiers le reportage et cherche à capter le mouvement de la foule.

L’écume des nuits

Le portrait de 1948 résulte d’un photomontage associant deux images. La première est un portrait typique du style Harcourt, dont le sigle inimitable orne le coin inférieur droit. Depuis 1934, les photographes employés par le studio ont pour mission de jouer au maximum des contrastes de lumière. Le visage de Vian se trouve ici éclairé à droite et de derrière, ce qui plonge dans l’ombre la partie gauche de son visage, à l’exception de son œil bleu. Les traits réguliers, les cheveux plaqués en arrière, les boutons de manchette signalent le dandy. On lui a fait prendre une pause rêveuse, peut-être pour suggérer son identité de poète. Dans cette version, toutefois, le clair-obscur se voit relevé d’une silhouette de trompette en surimpression verticale. Le montage met l’instrument à l’échelle de la tête du musicien, et joue des pistons pour donner l’impression d’une fusion entre homme et métal.

Le cliché réalisé en 1957 par Willy Ronis ne cherche pas du tout à produire la même impression. Il privilégie le plan large au gros plan, refuse les contrastes faciles et artificiels au profit d’une gamme sombre connotant la nuit, et tire au mieux parti de son Rolleiflex pour saisir d’un coup les musiciens à l’œuvre et le public qu’ils font danser. La focale étant placée sur l’estrade au deuxième plan, le premier est flou – d’autant que le rock est une danse rapide et que la vitesse de l’obturateur est nécessairement plus lente étant donné le peu de lumière. Il s’agit donc d’un tableau de groupe, d’une scène d’ambiance, et non d’un portrait du musicien en gloire - il faut savoir que c’est Boris Vian pour le reconnaître.

L’homme-orchestre

Boris Vian a écumé Saint-Germain-des-Prés côté littérature et côté musique pendant une grosse décennie. Il décède le 23 juin 1959 après avoir fait un arrêt cardiaque au début de la projection d’un film adapté de J’irai cracher sur vos tombes, qu’il ne cautionne pas. Il était de santé fragile et se surmenait, incapable de choisir entre la composition et l’interprétation, avide de reconnaissance pour ses romans, ses poèmes et ses pièces de théâtre, meurtri de ses nombreux échecs commerciaux. Ce n’est qu’après sa mort que sa littérature connaît le succès, et plus récemment encore que ses chansons sont jugées comme un jalon important de l’histoire musicale. Le style Harcourt et la méthode Ronis, totalement opposés, éclairent les deux facettes du personnage : toujours en quête de lumière, mais au fond plus à sa place au fond d’une cave où il donne tout au public.

Philippe Boggio, Boris Vian, Paris, Flammarion, 1993 (2e éd. 2007).

Gérard Bonal, Saint-Germain-des-Prés, Paris, Éditions du Seuil, 2008.

Jean-Claude Gautrand, Willy Ronis, Taschen, 2006. Boris Vian, Manuel de Saint-Germain-des-Prés, Paris, Éditions du Chêne, 1974 (1ère édition 1951).

1 - Raymond Queneau (1903-1976) : écrivain français proche des surréalistes, les œuvres de Queneau jouent avec le langage, sont drôles et fantaisistes. Il est cofondateur de l'Oulipo et l'auteur de Zazie dans le métro, des Exercices de style. Il a dirigé l'Encyclopédie de la Pléiade chez Gallimard.

2 - Henri Salvador (1917-2008) : né à la Guyane, Henri Salvador est un auteur-compositeur de chansons. Il découvre le jazz et devient guitariste. Dans les années 50, il interprète des chansons composées par Boris Vian. Il a chanté Une chanson douce, Zorro est arrivéLe travail c’est la santéJuanita Banana.

3 - Agence Rapho  : agence photographique française, l'Agence Rapho est fondée en 1933, reprise par en 1945 par Raymond Grosset. Agence de presse photographique, on y retrouve Willy Ronis, Robert Doisneau, Edouard Boubat, Sabine Weiss. Elle est désormais connue sous le nom Gamma-Rapho.

4 - Henri Cartier-Bresson (1908-2004) : photographe français, Cartier-Bresson photographie l'instant décisif avec son Leica. Il a parcouru le siècle et le monde avec son appareil photographique. Il crée avec Robert Capa l'agence Magnum en 1947. Il laisse des reportages sur la guerre d'Espagne, la Libération de Paris, des portraits de Gandhi, Mauriac...Il a été l'assistant de Jean Renoir sur trois films La vie est à nousUne partie de campagne et La Règle du Jeu.

Photomontage : Collage et/ou assemblage de plusieurs ou de parties choisies de photographies afin de créer une nouvelle image.

Alexandre SUMPF, « Boris Vian. Free jazz », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/boris-vian-free-jazz

En savoir plus sur Boris Vian : l'exposition virtuelle de la BNF.

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