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Différence entre la vraie religion chrétienne et la fausse idolâtrie de l'antéchrist

Différence entre la vraie religion chrétienne et la fausse idolâtrie de l'antéchrist

Date de création : 1546

H. : 31,5 cm

L. : 58,5 cm

Titre de l'éditeur : Distinction entre la vraie religion du Christ et la fausse doctrine idolâtre de l'Antéchrist dans les aspects les plus importants.

Titre original : Distinction entre la vraie religion du Christ et les enseignements faux et idolâtres de l'Antéchrist dans les pièces les plus sérieuses.

Graveur : Pancratius Kempff.

Gravure sur bois coloriée.

 

Domaine : Estampes-Gravures

Domaine public © CC0 Musées nationaux de Berlin, Kupferstichkabinett / Jörg P. Anders

Lien vers l'image

707-115

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Cranach et l’iconographie en faveur de la Réforme

Date de publication : Septembre 2023

Auteur : Paul BERNARD-NOURAUD

La Réforme face à la Contre-Réforme 

La fin de l’année 1545 est marquée par l’ouverture du Concile de Trente (1), dans le nord de l’Italie, convoqué afin de réfuter les thèses de la Réforme, alors qu’elles ne cessent de gagner des adeptes depuis que Martin Luther a placardé ses 95 thèses sur l’église de Wittenberg en 1517. Les luthériens se sont rapidement organisés et institutionnalisés, notamment sous l’impulsion de Philippe Melanchton, qui tente d’unifier les différents courants apparus entre-temps. C’est lui qui poursuivra l’œuvre de Luther après sa mort au début de l’année 1546. Quelques semaines plus tard, résolu à châtier les protestants qui refusent de reconnaître l’autorité du concile, Charles Quint lève une armée et finit par écraser la Ligue protestante à Mühlberg en 1547, sur les terres de Saxe où était né le protestantisme trente ans plus tôt.

Mais la bataille qui se déroule depuis plusieurs décennies déjà et pour longtemps n’est pas seulement militaire, elle est également symbolique. Le Concile de Trente stimula le développement d’une iconographie contre-réformiste dans toute l’Europe et dans les domaines artistiques les plus variés, souvent les plus prestigieux, comme l’architecture ou la peinture d’histoire. Sans doute moins ostentatoire, mais pas moins virulente, l’iconographie réformée passe notamment par des gravures, plus faciles à diffuser comme à dissimuler. Intitulé Différence entre la vraie religion chrétienne et la fausse idolâtrie de l’Antéchrist, le bois gravé et coloré que réalise en 1546 Lucas Cranach le Jeune, déjà reconnu comme peintre quoiqu’il demeure à cette date dans l’atelier de son père, s’inscrit pleinement dans ce contexte. Il entend non pas ramener les fidèles vers l’Église catholique, mais les guider vers la Réforme.

Une dichotomie assumée

La mise en page de cette gravure, où figurent un certain nombre de légendes qui en explicitent chacune des saynètes (3), est d’une simplicité qui garantit en quelque sorte son efficacité. Au centre de la composition, une colonne, symbole traditionnel du Christ « pilier de l’Église », sépare à droite (mais en réalité à gauche de la matrice originelle de la gravure) la foi catholique, désignée comme « la fausse idolâtrie de l'Antéchrist », de la foi protestante, qualifiée comme « la vraie religion chrétienne ». L’effet « miroir » des deux parties se veut implacable : dans chacune un registre supérieur où siège le divin, un registre inférieur profane, et entre les deux des prêtres en chaire en position d’intercesseurs qui se tournent le dos. Celui de gauche apparaît gras et tonsuré, comme l’immense majorité des figures du camp catholique. Les rares femmes représentées sont également des nonnes tandis que chez les protestants, elles assistent à tous les offices.

Un petit monstre à face de rat souffle à l’oreille du moine prêcheur, là où la colombe du Saint-Esprit inspire Luther lui-même (que le père de l’artiste, Lucas Cranach l’Ancien, a régulièrement portraituré). Les deux doigts de sa main droite touchent un phylactère (4) qui traverse l’agneau mystique et le corps du Christ ressuscité jusqu’à atteindre Dieu le Père (détail 1). Au contraire, l’index du prélat catholique pointe vers le bas en direction d’une figure sœur (dans la même attitude) qui désigne cette fois le bureau des indulgences qu’occupe le pape, reconnaissable à sa tiare (détail 2). Les autres tables qui s’échelonnent vers les lointains font l’objet de marchandages et de superstitions comparables et nul ne saisit la main que tend vers eux la figure de Dieu dont les flammes lèchent jusqu’à l’église autour de laquelle des processionnaires paraissent tourner en rond.

Par contraste, le ciel protestant est parsemé d’angelots (détail 1), et chaque étape de la liturgie (le baptême, la sainte Cène, l’office) est marquée par un souci de la communion et de la communauté qu’accusent les mines graves des différents protagonistes (détail 4). L’ordre terrestre, souligné par le pavement rectiligne du sol de la partie protestante opposé au désordre de la terre battue chez la partie adverse, est bien du côté réformé, et il reflète l’ordre divin.

Une caricature raffinée

L’antagonisme qui régit la gravure de Lucas Cranach le Jeune est à l’évidence manichéen, et ce manichéisme (5) devait être jugé comme le gage de son efficacité politique et théologique. La bataille des images qui s’engage alors s’inscrit ici dans le registre de la caricature. D’autres gravures réalisées par des protestants (comme les Quarante tableaux que gravent Jacques Tortorel et Jean Perrissin dans les années 1560) se veulent quant à elles résolument objectives, quoique non moins engagées. Bien qu’il recoupe l’idée chrétienne d’un combat du Bien contre le Mal, le caractère exagéré voire fantastique d’une image comme celle-ci n’échappait sans doute pas totalement à ses destinataires de l’époque.

Reste que l’autorité de son auteur, le fils de l’illustre Lucas Cranach l’Ancien qui supervisait encore à cette date l’atelier auquel concourait son fils, Lucas Cranach le Jeune, conférait certainement à ce type d’image une valeur supérieure à des compositions plus frustes. L’abondance des détails, le soin porté à la polychromie, le format même de l’estampe, suggèrent en effet qu’elle était destinée à un public choisi et qu’elle servait sans doute davantage alors d’exutoire dans un contexte de menace croissante sur le parti protestant que d’un véritable outil de conversion à l’intention des masses demeurées encore indécises.

Philip BENEDICT, Le Regard saisit l’histoire. Les Guerres, massacres et troubles de Tortorel et Perrissin [2007], Genève, Droz, 2012.

Laurent BARIDON, Martial GUEDRON, L’Art et l’histoire de la caricature. Des origines à nos jours, Paris, Citadelles & Mazenod, 2006.

Guido MESSLING (dir.), Cranach et son temps, Paris, musée du Luxembourg, Flammarion, Lausanne, Skira, 2010

1 - Contre-Réforme et Concile de Trente (1545-1563) : l’Église affronte la Réforme protestante avec la Contre-réforme au travers du Concile de Trente. Plusieurs décrets concernent l’emploi des images religieuses qui doivent affermir la foi et éduquer les fidèles les moins instruits. Les formes et les gestes doivent être simples. Les tableaux doivent comporter peu de personnages et des couleurs franches. Les thèmes du culte des saints et de la Vierge et les scènes montrant la Passion du Christ sont privilégiés.

2 - Dichotomie : division en deux parties opposées.

3 - Saynète : courte comédie espagnole.

4 - Phylactère : bande de parchemin, enroulée aux extrémités. Dans le judaïsme y est inscrit un passage des Écritures. Dans l’art chrétien, à partir du Moyen Âge, le phylactère est tenu par des anges ou des saints personnages afin d’afficher leur parole

5 - Manichéisme  : doctrine religieuse ancienne. Par extension, le manichéisme est une forme de pensée sans nuance qui divise le monde, les êtres... en deux entre le bien et le mal.

Iconographie : Ensemble des images correspondant à un même sujet. On parle de programme iconographique lorsqu’un décor en plusieurs parties regroupe de manière cohérente différents sujets autour d’un même thème.

Paul BERNARD-NOURAUD, « Cranach et l’iconographie en faveur de la Réforme », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 27/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/cranach-iconographie-faveur-reforme

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