Reconnoissance hydrographique des environs de Raguse
Vue de la ville de Ragusi (détail).
Reconnoissance hydrographique des environs de Raguse
Auteur : BEAUTEMPS-BEAUPRÉ Charles-François
Lieu de conservation : Centre historique des Archives nationales (Paris)
site web
Date de création : 1809
Date représentée : 1809
H. : 240 cm
L. : 240 cm
aquarelle
Domaine : Cartographie
© Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie
FV000068
L'hydrographie moderne (Deuxième étude)
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Olivier CHAPUIS
Une mission stratégique
Dès février 1806, Beautemps-Beaupré (L’hydrographie moderne première partie) reçoit l’ordre d’effectuer la reconnaissance des côtes de la partie orientale du golfe de Venise en s’intéressant en priorité aux aspects militaires : « Vous vous attacherez particulièrement à les reconnaître sous les rapports des flottes de guerre auxquelles ils pourraient servir d’asile, ou de ports de construction et d’armement », lui écrit le ministre de la Marine, Decrès, dans ses instructions secrètes. Ici comme ailleurs, l’hydrographie est pauvre et ancienne, étant essentiellement issue d’une compilation de cabinet, à l’image des instructions nautiques dues à Jacques-Nicolas Bellin (1703-1772), ancien hydrographe de la marine de Louis XV. Or, depuis les années 1780, les forêts d’Istrie et de Dalmatie sont l’objet des convoitises de la marine française, les bois de construction navale s’épuisant un peu partout en Europe.
L’Empereur choisit personnellement Beautemps-Beaupré pour cette mission et demande à Eugène de Beauharnais, vice-roi d’Italie, de l’appuyer avec tous ses moyens. Contournant, comme à l’accoutumée, la voie hiérarchique, Napoléon envoie sur place le capitaine de vaisseau Daugier (commandant le bataillon des matelots de sa garde) afin d’y rencontrer l’ingénieur hydrographe et d’y prendre des nouvelles de ses travaux.
Une technique nouvelle et précise, un rendu de qualité artistique
Cet immense plan carré de 2,40 m de côté, dessiné par Portier, représente une partie seulement des environs de Raguse (aujourd’hui Dubrovnik en Croatie), où Napoléon envisageait d’établir une base navale commandant l’entrée du golfe de Venise (aujourd’hui l’Adriatique). L’autre partie est la rade de Gravosa (L’hydrographie moderne première partie), qui constitue le véritable port de Raguse.
Les panoramas associés par Portier à la carte fournissent des informations topographiques extrêmement précises à partir de points figurés sur la carte (lettres en couleur) sous forme de trois magnifiques aquarelles, d’une qualité de finition exceptionnelle.
Devant Raguse dont les fortifications surplombent la mer croise un navire de guerre français. A droite du port, au ras de l’eau, le lazaret sert probablement de lieu de quarantaine pour les navires en provenance du Proche-Orient. Sur la hauteur, on devine la silhouette du fort Napoléon alors en construction.
Les minutes des cartes (c’est-à-dire leurs brouillons) révèlent un réseau géodésique très dense, sur terre comme sur mer, traduisant ainsi l’efficacité de la méthode trigonométrique et graphique développée par l’ingénieur – laquelle, particulièrement rapide, s’accommode bien des situations de conflit dans lesquelles il ne fait pas bon s’attarder. Chaque point de sonde est ainsi défini avec précision, dans les canaux, à l’abri des îles où les escadres peuvent trouver refuge (comme dans les environs de Raguse), pour disparaître quand la côte accore rend tout mouillage quasiment impossible.
En second lieu, ces documents sont aussi remarquables au regard des renseignements que recèle le Rapport sur les rades, ports et mouillages de la côte orientale du golfe de Venise rédigé par Beautemps-Beaupré en juillet 1806. Accompagnant les cartes, ces mémoires contiennent aussi tout ce qu’il est alors possible de dire sur la géographie physique, humaine et économique d’un pays[1].
Des relevés au rythme des campagnes militaires
Trois ans plus tard, la mission se clôt sur un intermède diplomatique… Le 1er août 1809, le gouverneur de Zara charge Beautemps-Beaupré « de porter au quartier général de Sa Majesté impériale et royale l’avis de la convention d’armistice conclue [avec] le commandant de la flotte autrichienne […] pour tout ce qui regarde la Dalmatie ». A peine parvenu à Schönbrunn – où Napoléon traite les bénéfices de la victoire de Wagram (6 juillet 1809) –, l’ingénieur est décoré de l’ordre de la Couronne de fer. Il doit très vite repartir pour Paris, afin de remettre ses papiers de campagne à Decrès, avant de filer vers Anvers où les Anglais ont attaqué. Il arrive dans la capitale le 5 septembre, au terme de quinze mois d’absence, soit « douze mois […] sous voiles et trois mois […] à terre ».
Quarante jours plus tard, le 14 octobre 1809, la paix de Schönbrunn (ou traité de Vienne) est signée. Elle rapporte notamment à la France les Provinces illyriennes (dont l’Istrie et la Dalmatie). Par ses campagnes de 1806, 1808 et 1809, le géographe, qui ne reviendra plus en Adriatique, y a quand même tenu une part nettement plus importante que le plénipotentiaire occasionnel !
Olivier CHAPUIS A la mer comme au ciel. Beautemps-Beaupré et la naissance de l’hydrographie moderne (1700-1850) Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1999.
1. De Venise, le 7 octobre 1806, l'hydrographe fait part à Decrès des immenses difficultés de cette tâche sur une côte aussi riche en îles qu'en montagnes et dont les habitants ne sont pas toujours très sûrs : " Quand […] Votre Excellence connaîtra ce qu'est la côte de Dalmatie, […] elle pourra juger quel nombre d'années et quels moyens il faudrait employer sur cette côte avant d'oser dire que l'on en a terminé la reconnaissance hydrographique. […] Les Dalmates sont des hommes avec qui il faudra encore longtemps se tenir sur ses gardes. " D'autant plus que l'ennemi croise dans les parages : " Le lendemain de mon arrivée dans le port de Trieste, un vaisseau russe de 74 canons vint mouiller en rade. Cette circonstance jointe à différents rapports que je reçus sur la position des Anglais, me fit prendre le parti de congédier le bâtiment qui m'avait servi pendant la campagne, de charger sur une barque du pays et sur mes canots les effets d'armement qui m'avaient été fournis par l'arsenal, pour les renvoyer à Venise et enfin à prendre avec moi, pour revenir par terre, les ingénieurs et officiers qui m'accompagnaient. "
Olivier CHAPUIS, « L'hydrographie moderne (Deuxième étude) », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/hydrographie-moderne-deuxieme-etude
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