Intérieur de la nourricerie du Familistère de Guise
Intérieur de la nourricerie du Familistère de Guise
Fête de l'enfance au Familistère de Guise en 1933
Intérieur de la nourricerie du Familistère de Guise
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musée municipal (Guise)
site web
Date de création : 1904
Date représentée : 1904
H. : 12 cm
L. : 17 cm
Madame Roger et une nourrice surveillant la promenade des enfants.
Domaine : Photographies
© Collection musée de Guise / Familistère de Guise
1976-01-055
Réaliser une utopie : la vie quotidienne au familistère Godin
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Jean-Luc PINOL
Jean-Baptiste Godin dénonce dans Solutions sociales les limites de la solution mise en place dans le cadre des cités ouvrières de Mulhouse qui sont à l’honneur lors de l’Exposition universelle de 1867 et qui ont la faveur des autorités du Second Empire. Ces cités combinent l’idéal de la petite maison, de la propriété du logement et de la moralisation de la famille ouvrière par son isolement.
Au contraire, les choix préconisés dans le cadre du familistère de Guise, construit à partir de 1859, sont de favoriser la vie collective des familles, de prendre en charge l’organisation des relations sociales, d’exalter le travail ouvrier et les vertus de l’enseignement et de la culture.
Les mères peuvent amener les nouveau-nés à la « nourricerie » et au « pouponnat » sans sortir du familistère, en échappant, grâce aux grandes verrières, aux rigueurs du climat.
Évoquant les berceaux, bien visibles sur la photo de la nourricerie dont les dimensions soulignent l’importance accordée à l’éducation, Godin précise : « Le coucher de l’enfant est toujours sec et sans odeur […] le matelas est formé de 30 à 40 litres de gros son bien bluté, mis dans le fond de cette toile [en fort coutil] et recouvert d’un petit drap […] Cette couche ne se pénètre pas d’humidité ; au lever de l’enfant, le son humide se trouve aggloméré en motte qu’on enlève facilement avec la main, ou avec une petite raquette en fil de fer ; [le son] qu’on retire pour cause d’humidité peut être donné aux animaux de la basse-cour. » Derrière le poêle, on distingue un élément du matériel éducatif, « dans l’espace compris entre les balustrades, [les poupons] s’exercent à faire leurs premiers pas, en se servant des mains courantes comme appui ».
Après l’âge de quatre ans, les enfants sont accueillis au « bambinat » puis à l’école situés de part et d’autre du théâtre du familistère, lequel vient compléter la fonction éducative et culturelle que Godin assigne à son « palais social ».
Les fêtes du familistère, celle de l’enfance (depuis 1863) et celle du travail (depuis 1867), se déroulent, au mois de mai et au mois de septembre, dans la cour intérieure du pavillon central.
Ces fêtes ritualisées ont un déroulement quasi immuable. La mise en scène de la fête de 1933 s’inspire d’une gravure de la fête du travail de 1867. Godin commente dans Solutions sociales : « C’est un spectacle grandiose que ces solennités du familistère, et bien propre à faire comprendre aux sociétaires la distance qui les sépare de l’état d’abandon où ils se trouvaient naguère dans la maison isolée. Au palais social, la population ouvrière, sans sortir de chez elle, se donne le spectacle des honneurs qui lui sont dus. La proclamation des mérites de la pratique industrielle et la proclamation des progrès de l’enfance se font en présence des parents, des amis et des nombreux curieux attirés de tous les points du canton. » Petite différence, le buste du fondateur domine désormais l’estrade où les récompenses sont remises aux enfants ou aux ouvriers méritants.
Il ne faut pas assimiler cette fête du travail, comme l’ont prétendu certains érudits locaux, avec la fête du Travail, le 1er Mai : la fête du familistère s’enracine dans une tradition de concorde sociale et non de lutte des classes.
Le familistère fonctionne comme un monde clos, mais cette fermeture entraîne une rupture avec les idéaux de Jean-Baptiste Godin. Après 1880, quand Godin aura fait des familistériens des actionnaires, les associés vont réduire leur descendance et, grâce aux facilités dont ils bénéficient pour leurs études, les enfants des premiers ouvriers vont constituer une caste privilégiée qui bénéficie d’avantages sociaux conséquents et dont les intérêts vont diverger de ceux de la masse des ouvriers qui n’habitent pas le familistère. Ces tensions aboutiront, bien plus tard, en 1968, au rachat de l’association – usine et habitat collectif – par une entreprise capitaliste classique.
Cet ensemble fonctionnel où chaque activité a son espace – l’usine et la production, le familistère et la résidence, l’économat et le commerce, les institutions enfantines et l’éducation, le théâtre, les sociétés diverses et les loisirs – peut être lu comme un monde de la surveillance de chacun par tous. Ce n’est pas ce qu’en ont retenu les derniers habitants, tout imprégnés de valeurs dont ils ont gardé la nostalgie.
Annick BRAUMAN et al/, Jean-Baptiste André Godin, 1817-1888. Le familistère de Guise ou les équivalents de la richesse, seconde édition revue et augmentée, catalogue de l’exposition Bruxelles-Paris, Archives d’architecture moderne – Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, 1980.
COLLECTIF, Le Familistère Godin à Guise, Habiter l’Utopie, Paris, Éditions de la Villette, coll. « Penser l’espace », 1982.
Henri DESROCHE, La Société festive : du fouriérisme écrit aux fouriérismes pratiqués, Paris, Seuil, 1975.
Jean-Baptiste André GODIN, Solutions sociales, présentation et notes de Jean-Luc PINOL et Jean-François REY, réflexions de René RABAUX, administrateur-gérant du familistère de 1933 à 1954, Quimperlé, Éditions La Digitale, 1871, rééd. 1979.
Jean-Luc PINOL, « Réaliser une utopie : la vie quotidienne au familistère Godin », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/realiser-utopie-vie-quotidienne-familistere-godin
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