Wehrner von Braun dans son bureau à la NASA
Lieu de conservation : NASA - National Aeronautics and Space Administration
site web
Date de création : 5 Mai 1964
Date représentée : 05 mai 1964
Photographie en couleurs
Domaine : Photographies
Domaine public © NASA/MSFC
Wernher von Braun et la conquête spatiale
Date de publication : mai 2019
Auteur : Alexandre SUMPF
Dr Space
Lorsque le photographe officiel l’immortalise dans son bureau du centre de vol spatial Marshall de la NASA (National Aeronautics and Space Administration), à Huntsville (Alabama), la carrière déjà riche de Wehrner von Braun (1912-1977) a déjà atteint son sommet. Après une première réussite professionnelle en Allemagne, assombrie par son adhésion au nazisme, il a su rebondir en 1945 aux États-Unis. Cela fait six ans qu’il occupe ce poste de direction et consacre ses efforts au développement des lanceurs américains, dont la fusée Saturn V, lancée en 1965, qui doit conduire les astronautes à l’objectif fixé en 1961 par Jonh F. Kennedy : la Lune. Il travaille alors au programme Gemini, étape cruciale entre les premiers vols habités orbitaux (Mercury) et la mission d’alunissage proprement dite (Apollo). Il s’agit en effet de vols habités à deux qui permettent les sorties extravéhiculaires et des manœuvres d’amarrage dans l’espace. Von Braun a théorisé depuis 1952 l’idée de station orbitale et place ses espoirs dans les séjours sur Mars. Il a aussi conquis la célébrité grâce à trois émissions télévisées spéciales produites par Disney et diffusées sur la chaîne ABC : Man in Space et Man and the Moon en 1955, Mars and Beyond en 1957. Il en est le conseiller scientifique et joue son propre rôle à l’écran : c’est une figure médiatique populaire.
Les pieds sur terre, la tête dans les étoiles
Ce portrait est le plus fameux du dirigeant scientifique du programme spatial américain. L’homme coiffé à la mode de l’époque se tient debout derrière un imposant bureau de direction. Il regarde droit dans l’objectif et arbore un sourire un peu figé, indice des poses successives demandées par le photographe. Son costume sombre, bien coupé, orné d’une pochette et d’une cravate assortie, signalent un membre respectable de l’élite sociale. Le cinquantenaire est légèrement penché en avant, les doigts écartés de la main droite posés sur le bureau, plein d’assurance. Le meuble en bois précieux qui lui sert d’espace de travail témoigne à lui seul de son statut : un plumier traditionnel rappelle les dirigeants de l’âge d’or industriel, un téléphone moderne à plusieurs lignes symbolise le rôle des télécoms dans la gestion d’importants programmes d’État, les dossiers étalés suggèrent un travail intellectuel de première main, une expertise personnelle incontestée. Mais si ce cliché est célèbre, c’est surtout pour le décor à l’arrière-plan, qui a à peine varié jusqu’au départ de von Braun en 1972. Sur l’étagère sont alignés les maquettes des lanceurs spatiaux successifs qu’il a conçus : Redstone, Jupiter-C, Mercury-Redstone et Saturn. Ils sont les témoins d’une nouvelle culture matérielle focalisée sur l’espace (timbres, insignes, modèles réduits, et bientôt figurines) qui a envahi l’U.R.S.S., les États-Unis et le reste du monde. De plus en plus hauts, de plus en plus puissants (taille des réacteurs), ces reproductions incarnent mieux que tout discours les extraordinaires progrès accomplis en quelques années à peine.
La conquête de l’espace, à tout prix
En mai 1964, les États-Unis sont loin d’avoir gagné la course à l’espace, mais ils ont rattrapé leur retard sur l’U.R.S.S.. Il s’en est fallu de peu, déjà, que les Américains coiffent leurs adversaires pour le premier vol habité en 1961. Les missions soviétiques Vostok, Voskhod et surtout Luna ont beau assurer des atterrissages en douceur sur la Lune ou Mars, envoyer des données automatisées, inaugurer une station orbitale, la NASA développe efficacement son réseau de satellites de communication, envoie des sondes plus loin (survol de Vénus en 1962) et risque ses hommes sur la Lune – ce que ne feront jamais les Soviétiques, finalement. Les deux nations investissent des millions de dollars dans l’aventure, surtout du côté américain car en l’U.R.S.S., les autorités politiques hésitent à dépenser autant vu l’état de l’économie et le niveau de vie moyen. Pour propulser ces vaisseaux et leurs astronautes hors de l’atmosphère, les Soviétiques s’appuient sur le génie de Sergueï Korolev. Comme von Braun, c’est au départ un spécialiste des missiles balistiques. Mais l’Allemand naturalisé américain en 1955, plus jeune de cinq ans, a une longueur d’avance.
Il est en effet l’inventeur des missiles V-2 (1942) et ses successeurs V-3 et V-4 utilisés à la fin de la guerre par les nazis. Scientifique reconnu très tôt par le régime hitlérien, il a adhéré au N.S.D.A.P. en 1937 et a été promu pour ses mérites jusqu’au grade paramilitaire de commandant (Sturmbannführer). Il a subi brièvement la répression de la Gestapo en 1944 car il avait osé mettre en doute la victoire finale du IIIe Reich, tout en ignorant sciemment la mortalité très élevée de la main d’œuvre juive forcée de travailler dans ses usines-tunnels. En 1944, Soviétiques et Américains (qui disposaient déjà de la bombe atomique) ont tout fait pour être les premiers à mettre la main sur l’homme et son équipe. Von Braun, anticommuniste, a choisi de se rendre aux États-Unis (opération Paperclip), l'’U.R.S.S. ayant quand même pu saisir une copie de ses dossiers, des modèles et les chaînes de montage. Von Braun est donc directement à l’origine des succès spatiaux des deux puissances, qui auraient été bien plus lents sans ses travaux visionnaires. Si sa seconde carrière a connu des débuts difficiles, il a pu blanchir facilement son passé avec la complicité de ses nouveaux employeurs. C’est le prix qu’a payé la science américaine pour l’emporter dans cette nouvelle confrontation.
Wernher von Braun, le nazi passé à la Nasa, inventeur du missile balistique, une vidéo de France Culture, Culture Prime
1 - Opération Paperclip : à la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors que les armées alliées avancent dans les territoires occupés par les Allemands, la Joint Intelligence Objectives Agency (J.I.O.A.), organe dirigé par le Pentagone des États-Unis organise le recrutement de techniciens et scientifiques allemands ayant travaillé pour le IIIe Reich : c'est l'opération Paperclip. Entre 1945 et 1952, près de 642 scientifiques ont rejoints les U.S.A.. Dans le même temps, l'U.R.S.S. organisait le même recrutement sous le nom d'opération Osoaviakhim. La Guerre froide est déjà en cours.
Guerre froide : Période historique mondiale qui s'étend de 1945 à 1990. À l'issue de la seconde guerre mondiale, le monde est divisé entre le bloc de l'Ouest dominé par les États-Unis et le bloc de l'Est dominé par l'Union soviétique : on parle alors d'un mode bipolaire. Il s'agit d'une guerre idéologique (états communistes ou états libéraux) et stratégique, les affrontements se font sur des terrains non-occidentaux (comme la guerre du Vietnam, Cuba, Afghanistan). La guerre froide se termine avec la chute du mur de Berlin et la désintégration du bloc de l'Est.
Alexandre SUMPF, « Wernher von Braun et la conquête spatiale », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/wernher-von-braun-conquete-spatiale
Lien à été copié
Découvrez nos études
Wernher von Braun et la conquête spatiale
Lorsque le photographe officiel l’immortalise dans son bureau du centre de vol spatial Marshall de la NASA (National…
L’Alunissage le 20 juillet 1969
Le 20 juillet 1969, en direct en Mondovision, un homme pose le pied sur la Lune. Puis, 19 minutes après sa…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel