Aller au contenu principal
Arrestation après une rafle effectuée par les miliciens du régime de Vichy

Arrestation après une rafle effectuée par les miliciens du régime de Vichy

Date de création : vers 1943

Date représentée : vers 1943

photographie

Domaine : Photographies

© BPK, Berlin, dist. RMN - Grand Palais / image BPK

lien vers l'image

16-537366 / 30030974

La milice française

Date de publication : Janvier 2017

Auteur : Alexandre SUMPF

La milice française et le régime de Vichy.

La Milice française est créée par le régime de Vichy le 20 janvier 1943. Constituée d’environ 30 000 membres (dont 15 000 actifs), cette organisation paramilitaire a pour mission principale de lutter contre les mouvements « terroristes » de la Résistance. « La Milice » constitue en fait rapidement la police politique de Vichy et en vient à jouer un rôle supplétif auprès de la Gestapo ou des autres forces nazies présentes sur le territoire.

Ouvertement fasciste, anticommuniste, antisémite et antirépublicaine, la Milice est officiellement placée sous le commandement du Premier Ministre Pierre Laval. Dans les faits, elle est dirigée par son secrétaire général Joseph Darnand fondateur du SOL (Service d’Ordre Légionnaire, 1940-1943) qui en est l’ancêtre.

Sur ordre des Allemands ou encore de leur propre initiative, les Miliciens participent à la traque des juifs, des résistants, des maquisards des réfractaires au STO ou de tous ceux que le régime juge dangereux. Dans tout le pays, les miliciens effectuent de véritables rafles, multipliant les actes de torture, les exécutions sommaires, les répressions sanglantes mais aussi des exactions « de droit commun » (vols, viols, etc.) contre les populations civiles. De telles « opérations » deviennent relativement fréquentes au cours de l’année 1943, ancrant ainsi dans les consciences et les représentations le symbole durable du bras armé de la « collaboration française » sous son jour le plus sombre, le plus violent et le plus extrémiste.

Ainsi, la photographie Arrestation après une rafle effectuée par les miliciens du régime de Vichy qui montre l’une de ces « opérations » permet-elle de s’interroger sur la nature et le rôle de telles images.

La milice à l’œuvre : une « opération » parmi d’autres

L’attribution de cette photographie reste incertaine, mais il pourrait s’agir d’un photographe allemand. En tout état de cause, l’auteur du cliché n’ayant pu l’effectuer qu’avec l’autorisation de la Milice, on peut considérer qu’il est proche ou même membre de celle-ci.

En ce jour de 1943, les miliciens convoient des hommes soupçonnés d’appartenir à la Résistance et arrêtés après une rafle. La scène se déroule dans ce qui pourrait être la cour d’un bâtiment (visible en arrière plan), ou plus simplement sur la place qui lui fait face. Nulle autre indication ne nous est donnée sur le lieu (région et nature de ce bâtiment).

Sous la surveillance de deux jeunes miliciens armés (fusil et mitraillette), une file de prisonniers avance, qui s’étire vers la droite du cadre jusqu’à en sortir. Les miliciens sont reconnaissables à leurs uniformes caractéristiques : pantalons et vestes noirs, bérets tout aussi noirs portés sur la droite. On devine, plus que l’on aperçoit, l’insigne de la Milice (un gamma stylisé) sur le revers de la veste d’un des « soldats ». Tous deux adoptent une attitude assez martiale - le buste droit et le regard sévère - qui ne dément pourtant pas leurs visages presque juvéniles.

D’autres miliciens sont présents plus loin (second plan), ainsi que le camion qui a pu servir à transporter leurs prisonniers. Ces derniers sont vêtus en civil, simplement et même pauvrement. Il y a là seulement de jeunes hommes (voire très jeunes, comme le deuxième et quatrième en partant du début de la file) qui avancent les mains sur la tête, contraints, les mines fermés, parfois hirsutes.

Une démonstration de force

On peut naturellement s’interroger sur l’utilisation et la diffusion de cette image. Au-delà de sa fonction documentaire et historique (rendre compte puis « archiver » l’opération et son déroulement), on peut noter que le régime de Vichy, la Milice elle-même ou encore les nazis n’hésitaient pas à diffuser des images comme celles-ci auprès de la population.

Il s’agissait alors tout à la fois de montrer que le régime faisait régner l’ordre en mettant les Résistants hors d’état de nuire ; de glorifier les miliciens à travers une esthétique fasciste (le noir) de l’efficacité, de la force et de la violence ; de faire peur au plus grand nombre pour dissuader ceux qui seraient tentés de désobéir ; et enfin de suggérer que les français qui le voudraient bien ne seraient pas tant dominés et humiliés par l’occupant nazi que les collaborateurs volontaires et zélés de celui-ci.

Véritable démonstration de force, cette image joue sur le contraste entre les miliciens (propres, droits et bien habillés) et leurs prisonniers plus dépenaillés, plus misérables, soumis. Le rapport de domination manifeste entre les uns et les autres prouverait, ainsi, que les premiers ont raison (la force fait droit), et qu’ils conquièrent une dignité retrouvée à être du côté des vainqueurs (les allemands).

La photographie illustre aussi la jeunesse des miliciens, qui entretient d’ailleurs un troublant effet de miroir avec celle des prisonniers. Si l’on estime que les miliciens étaient en majorité des employés, des artisans ou commerçants, tous les profils sociologiques s’y engageaient, finalement aussi divers que ceux de leurs ennemis.

AZÉMA Jean-Pierre, « La milice », Vingtième siècle : revue d’histoire, no 28 [Vichy : propagande et répression], 1990, p. 83-105.

AZÉMA Jean-Pierre, Nouvelle histoire de la France contemporaine. XIV : De Munich à la Libération (1938-1944), Paris, Le Seuil, coll. « Points : histoire » (no 114), 1979.

AZÉMA Jean-Pierre, WIEVIORKA Olivier, Vichy (1940-1944), Paris, Perrin, 1997.

COINTET Michèle, Nouvelle histoire de Vichy, Paris, Fayard, 2011.

COINTET Michèle, La milice française, Paris, Fayard, 2013.

MALLE Louis, Lacombe Lucien, film, 1974.

PAXTON Robert O., La France de Vichy (1940-1944), Paris, Le Seuil, coll. « L’univers historique » (no 2), 1973.

Alexandre SUMPF, « La milice française », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/milice-francaise

Anonyme (non vérifié)

bonjour-concernant le lieu ou a été prise la photo,il se pourrait bien qu'elle est été prise a l’hôpital psy de saint meen a rennes ,ou dicostanzo s'était installé en 44.plus précisément dans les arrières cours de l'actuel secteur g06(glycines-anne de bretagne-mucchelli-pierre janet-).du chsp de rennes.en ile et vilaine ,entrée boulevard de Strasbourg...si je me souviens bien.bien a vous .madame tillou.

mar 30/05/2017 - 14:54 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Sur la gauche de l'image, le milicien tient un pistolet-mitrailleur britannique parachuté en France, un sten.
Quelle est l'origine de l'adoption par la Milice française de la lettre grecque "gamma" ?

jeu 04/02/2021 - 22:22 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Le défilé de la victoire sur les Champs-Élysées en 1944

Le défilé de la victoire sur les Champs-Élysées en 1944

Montrer le « Paris Libéré ».

À mesure qu’ils libèrent le territoire métropolitain, les Alliés reconquièrent aussi la possibilité de produire les…

La milice française

La milice française

La milice française et le régime de Vichy.

La Milice française est créée par le régime de Vichy le 20 janvier 1943. Constituée d’environ 30 000…

Pierre Laval, le collaborateur en chef

Pierre Laval, le collaborateur en chef

Une réunion assez exceptionnelle

Le 19 décembre 1942, Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, rencontre Hitler dans son Wolfsschanze («…

Le débarquement de Provence

Le débarquement de Provence

La guerre sous tous les angles

Ces trois photographies ont été prises lors du débarquement en Provence, en août 1944. Du ciel, du sol ou de la mer…

Le débarquement de Provence
Le débarquement de Provence
Le débarquement de Provence
La "Rafle du billet vert" 1/2

La "Rafle du billet vert" 1/2

En reportage avec la Gestapo

Parmi la centaine de clichés documentant la « rafle du billet vert » récemment réapparus, nombreux sont ceux qui…

La
La
La libération de Paris

La libération de Paris

La libération de Paris en images

La libération de Paris se déroule du 19 au 24 août 1944. Alors que les troupes alliées débarquées en Normandie…

Rouen en ruines

Rouen en ruines

Rouen sous les bombes

Hormis quelques pilonnages allemands en 1940, la ville de Rouen a essentiellement été la cible de l’aviation alliée. Déjà…

Les Forces françaises de l'intérieur (F.F.I.)

Les Forces françaises de l'intérieur (F.F.I.)

L’Union fait la force

La guerre est presque gagnée, la France est libérée en grande partie, l’ennemi nazi est à terre, son empire parti en…

Le Sabordage de la flotte française à Toulon

Le Sabordage de la flotte française à Toulon

Drôle de guerre

En cette fin d’année 1942, la Zone Sud (ou libre, ou non occupée) est une fiction qui a pris fin. Lorsqu’un photographe capte les…

Le Sabordage de la flotte française à Toulon
Le Sabordage de la flotte française à Toulon
La propagande allemande

La propagande allemande

La première affiche de la propagande allemande diffusée en France

L’armistice du 22 juin 1940 rend officielle la défaite de la France face aux…