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Déplacement animal

Déplacement animal

Décomposition du vol d'un goëland

Décomposition du vol d'un goëland

Synthèse plastique des mouvements d'une femme

Synthèse plastique des mouvements d'une femme

Formes uniques de la continuité dans l'espace

Formes uniques de la continuité dans l'espace

Déplacement animal

Déplacement animal

Date de création : Vers 1880

Electro-Photographie des phases consécutives d'un animal en mouvement, in Volume I, Les hommes, vers 1880, planche 287.

Photogravure.

Domaine : Photographies

Domaine Public © CC0 The Metropolitan Museum of Art

Lien vers l'image

1991.1135.1

Quand la science inspire l'art : futurisme et chronophotographie

Date de publication : Avril 2009

Auteur : Claire LE THOMAS

Le dynamisme de la vie moderne

Pour les avant-gardes du début du XXe siècle, l’art se doit de représenter la société contemporaine. Afin de s’accorder au présent et de dépeindre la modernité, les artistes tentent alors d’inventer de nouveaux moyens artistiques qui transposent dans le langage plastique les caractéristiques de la civilisation industrielle.

Les futuristes cherchent en particulier à exprimer le dynamisme de la vie moderne : ils considèrent le mouvement et la vitesse comme les phénomènes les plus significatifs du XXe siècle naissant. Le vélo, l’automobile, le train, ces inventions récentes, sont des moyens de locomotion rapides qui réduisent les distances ; les objets, les hommes, sont soumis à une accélération générale des rythmes (de travail, d’usure, de production, d’innovation…) ; le développement du sport met en valeur le corps en mouvement.

La chronophotographie, nouvelle technique scientifique inventée par Étienne Jules Marey et Eadweard Muybridge pour étudier la locomotion animale et humaine, est une source importante d’inspiration pour eux : elle leur fournit une solution graphique pour exprimer les phases d’un mouvement dans leurs œuvres.

Représenter le mouvement

Marey et Muybridge ont l’idée d’utiliser la photographie pour analyser le mouvement dans les années 1870 : elle permet, grâce à la multiplication des prises de vue et à leur mise en série, de saisir la façon dont se déplace un humain ou un animal. Les clichés qui illustrent les publications des deux scientifiques frappent les futuristes par leur dynamisme. Ces artistes reproduisent alors dans leurs œuvres la décomposition du mouvement visible dans les chronophotographies.

Dans la planche tirée de l’ouvrage de Muybridge, un homme en train de ramasser quelque chose à terre est photographié à plusieurs reprises de manière à produire une suite d’images qui détaille chaque composante du geste. Les différents clichés sont ensuite juxtaposés pour le restituer dans son intégralité. Le moulage de plâtre réalisé d’après les chronophotographies de Marey décompose également les mouvements d’un être vivant – l’envol d’un goéland –, mais les photographies prises successivement ont cette fois été rassemblées en une représentation unique. Ayant pris ces clichés sur un même film celluloïd, Marey les a ensuite superposés avec un léger décalage pour en donner une image synthétique.

Les futuristes exploitent l’effet engendré par ces photographies pour donner la sensation du mouvement dans leurs œuvres. Luigi Russolo, dans Synthèse plastique des mouvements d’une femme, multiplie les représentations de la figure de telle sorte que celle-ci semble envahir l’espace du tableau : la tête et les pieds peints plusieurs fois côte à côte forment deux arcs de cercle opposés en haut et en bas du tableau tandis que le corps, progressivement réduit à un ensemble de lignes courbes, paraît se dilater horizontalement à l’infini. Il cherche ainsi à transcrire les gestes de son modèle, la manière dont la femme qu’il peint bouge et, plus généralement, à faire ressentir le dynamisme humain, l’immobilité n’étant pas naturelle à l’homme. Dans Formes uniques de la continuité dans l’espace, Umberto Boccioni fond encore davantage les différentes étapes du mouvement de son personnage, qui semble alors étiré vers l’avant et l’arrière. Le titre de l’œuvre est à prendre littéralement : l’artiste fusionne en une seule forme les gestes successifs d’un individu qui marche. Dans les deux œuvres, des formes abstraites courbes amplifient la sensation dynamique en engendrant une sorte d’écho figuratif de l’action, une onde de choc qui reproduit de plus en plus faiblement et abstraitement le mouvement de la figure.

Un art moderne

Dans ces deux œuvres, Russolo et Boccioni ont réinterprété la formule esthétique des chronophotographies, mais certains tableaux futuristes, tel Dynamisme d’un chien en laisse de Giacomo Balla (1912, Knox Art Gallery, Buffalo), reproduisent exactement le procédé de Muybridge et Marey en peignant successivement les différentes étapes d’une action sur la même toile. En quelque sorte, les futuristes se sont inspirés du travail de ces deux scientifiques parce qu’ils avaient un but comparable : comme Muybridge et Marey, ils cherchent à donner à voir un corps se mouvant dans l’espace. Cependant, tandis que les premiers décomposent le mouvement pour mieux comprendre les mécanismes de la locomotion animale et humaine, il s’agit pour les seconds de rendre plastiquement la sensation du mouvement afin que le spectateur ressente le dynamisme du sujet représenté.

Une telle transposition des recherches récentes de la science revêt également une signification particulière pour ces artistes. Imiter les effets de la chronophotographie est une façon d’inscrire la contemporanéité dans leurs œuvres : les futuristes montrent ainsi qu’ils ne sont pas coupés du présent et que leur art accompagne les progrès scientifiques et techniques. Ils tissent alors des liens avec la science, discipline emblématique de la modernité puisqu’elle est à l’origine de la majorité des bouleversements qui affectent l’époque.

François DAGOGNET, Etienne-Jules Marey. La passion de la trace, Paris, Hazan, 1987.

Gérard-Georges LEMAIRE, Futurisme, Paris, Éditions du Regard, 1995.

Giovanni LISTA, Le futurisme, Paris, Terrail, 2001.

Franck POPPER, L’art cinétique. L’image du mouvement dans les arts plastiques depuis 1860, Paris, Gauthier-Villars Éditeur, 1970.

Kirk VARNEDOE, Au mépris des règles. En quoi l’art moderne est-il moderne ?, Paris, Adam Biro, 1990.

Chronophotographie : Analyse du mouvement, décomposé à l’aide de plusieurs photographies. C’est l’Américain Eadweard Muybridge qui invente ce procédé, repris et développé par le Français Jules Marey.

Claire LE THOMAS, « Quand la science inspire l'art : futurisme et chronophotographie », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/quand-science-inspire-art-futurisme-chronophotographie

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