Dernier projet de la fontaine de l'éléphant pour la place de la Bastille
Auteur : ALAVOINE Jean-Antoine
Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web
Date de création : XIXe siècle
H. : 41 cm
L. : 51,8 cm
Aquarelle, plume, encre brune et traits à la mine de plomb
Domaine : Dessins
RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michèle Bellot
INV 23524 recto - 97-018111
L’Éléphant de la Bastille
Date de publication : mai 2022
Auteur : Lucie NICCOLI
La place de la Bastille après la Révolution et la rénovation de Paris par Napoléon Ier
Après la destruction de la forteresse du XIXe siècle, symbole de l’Ancien Régime, dès juillet 1789 et l’érection d’une éphémère « fontaine de la régénération » sous la forme de la déesse Isis, en 1793, la place de la Bastille resta longtemps déserte. Napoléon Ier, dès le Consulat, entreprit de grands travaux pour moderniser Paris. Afin d’améliorer son approvisionnement en eau potable, il décida en 1802 de creuser un canal pour relier la rivière Ourcq à Paris, qui fut inauguré en 1813, ainsi qu’un bassin de partage à la Villette à partir duquel allaient s’articuler les canaux Saint-Denis et Saint-Martin, achevés respectivement en 1821 et 1825. Quinze nouvelles fontaines furent également créées à partir de 1806. Sur la place de la Bastille, il songea d’abord à ériger l’Arc de triomphe de la Grande Armée, finalement construit barrière de l’Etoile, et opta alors pour une fontaine monumentale en forme d’éléphant, alimentée par le canal Saint-Martin, qui passerait sous la place. Le projet, confirmé par un décret de février 1810, fut confié en 1812 à l’architecte Jean-Antoine Alavoine, supervisé par Dominique Vivant Denon, directeur général du Musée Napoléon et administrateur des arts. Alavoine fournit de très nombreuses études qui aboutirent, en 1814, à la réalisation par le sculpteur Pierre-Charles Bridan (1736-1836) d’une maquette en bois et plâtre de l’éléphant, présentée dans un hangar, au sud-est de la place.
Une fontaine monumentale en forme d’éléphant
Certaines de ces études sont des aquarelles très soignées représentant l’éléphant au centre de la place de la Bastille, telle qu’il était envisagé de l’aménager. La tête tournée vers la rue Saint-Antoine, il présente son flanc droit à l’ouverture d’un boulevard, indiqué par deux rangées d’arbres, le long duquel allait être creusé le canal Saint-Martin.
Il s’agit d’un éléphant d’Asie couvert d’une longue draperie et chargé d’une tour ou howdah, rappelant ceux que montaient les maharadjahs indiens jusqu’au XXe siècle pour chasser le tigre ou les éléphants de guerre qu’affronta Alexandre le Grand (1) lors de ses conquêtes orientales, au IVe siècle av. J.-C.
Ce colossal éléphant de bronze au harnachement partiellement doré trône sur un double bassin circulaire, l’eau jaillissant à la fois de sa trompe et de huit bouches percées autour du bassin supérieur. Il parait démesuré par rapport aux maisons à l’arrière-plan et surtout aux badauds – femmes et hommes élégants, officiers de l’armée à pied ou à cheval – qui se promènent autour. L’un des officiers, se distinguant des autres par son bicorne, pourrait être Napoléon lui-même.
Symbole de la puissance de l’Empire et incarnation d’un Orient rêvé
Plus grand que nature afin que l’on puisse entrer à l’intérieur, l’éléphant et sa tour auraient dû culminer à vingt-quatre mètres de haut – la moitié de la hauteur de l’Arc de Triomphe – sur un bassin de trente mètres de diamètre. Il aurait fallu 177 tonnes de bronze, issu des canons pris à l’ennemi, pour le fabriquer. Napoléon tenait particulièrement à ce projet, qui ne faisait pourtant pas l’unanimité : l’architecte Fontaine, notamment, le jugeait monstrueux et inapproprié. Le motif de l’éléphant, qu’il avait hésité à choisir comme symbole de l’Empire, lui préférant finalement l’aigle, évoquait les gloires militaires d’Alexandre (1) et Hannibal (2), mais aussi les Indes, qu’il avait rêvé de conquérir à la suite de la campagne d’Égypte. Alavoine avait d’ailleurs imaginé placer sur l’éléphant d’autres motifs exotiques – un guerrier grec armé de sa lance ou un dignitaire oriental offrant un sabre, notamment – ou encore remplacer la tour par le trône de Napoléon. Dans l’ultime version, dont une vue fut exposée au Salon de 1814, le harnachement est plus riche et la tour a une découpe plus orientale. A la chute de l’Empire, en 1815, seul le bassin circulaire avait été construit. Le projet de fontaine étant progressivement abandonné, il servit finalement de base à la colonne de Juillet, érigée à partir de 1831 en hommage aux victimes des journées révolutionnaires de juillet 1830. La maquette, très délabrée, fut détruite en 1846. Victor Hugo l’immortalisa en en faisant le refuge, dans les années 1830, de Gavroche, l’un des héros des Misérables (1862) (3).
Paul Hartmann, L'Éléphant de la Bastille , dans Le Magasin pittoresque, série III, tome 5, Paris, 1904, p. 282-284
Collectif, Sous les pavés, la Bastille. Archéologie d'un mythe révolutionnaire, catalogue de l'exposition présentée à l'Hôtel de Sully du 12 octobre 1989 au 7 janvier 1990, Caisse nationale des monuments historiques et des sites, Paris, 1989
Matthieu Beauhaire, Mathilde Béjanin, Hubert Naudeix, L'Éléphant de Napoléon, Honoré Clair, Paris, 2014
Thierry Sarmant, Florian Meunier, Charlotte Duvette et Philippe de Carbonnières, Napoléon et Paris, rêves d’une capitale, catalogue de l’exposition présentée au musée Carnavalet-Histoire de Paris du 8 avril au 30 août 2015, Paris musées, 2015.
1 - Alexandre Le Grand (356 - 323 av. J.-C.) : roi de Macédoine, Alexandre unifie la Grèce et part à la conquête l'empire perse en battant en 334 av. J.-C. l'armée de Darius. Les armées perses utilisent les éléphants comme transport des troupes comme on le voit dans La Bataille d'Arbelle (333 av. J.-C). Il se confronte aux éléphants de guerre lors de la bataille de l'Hydaspe (326 av. J.-C.) contre l'armée du roi indien Poros qui aligne 200 éléphants. Alexandre Le Grand crée un empire de l'Indus à l'Égypte où il fonde la ville d'Alexandrie.
2 - Hannibal (Annibal) (247-183 av. J.-C.) : général de l'armée de Carthage, ennemie de Rome, il mena la Seconde guerre punique (218-201 av. J.-C) contre les armées romaines menées par Scipion. D'Espagne, il rallia Rome et Capoue par les Alpes faisant passer 37 éléphants par les cols alpins. Bloqué à Capoue sans renforts de Carthage, Hannibal retourne en Afrique et est vaincu lors de la bataille de Zama (202 av. J.-C) par Scipion. Carthage doit capituler devant Rome.
3 - Les Misérables et Gavroche : Les Misérables est roman de Victor Hugo publié en 1862. Gavroche est le fils des Thénardier qui ont recueilli Cosette. Installés à Paris, les Thénardier se désintéressent de Gavroche qui s'enfuit. Il vit comme un gamin de Paris, gouilleur et drôle. Son domicile sera la ventre de la maquette en ruine de l'éléphant de Paris, place de la Bastille. Il meurt sur une barricade de l'insurrection de Paris en 1832.
Lucie NICCOLI, « L’Éléphant de la Bastille », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/elephant-bastille
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