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Madagascar. Mahalsinjo.

Madagascar. Mahalsinjo.

Date de création : 1925

Date représentée : 21-juin-25

H. : 13,5 cm

L. : 8 cm

Domaine : Photographies

© Photo RMN - Grand Palais - J.-G. Berizzi

http://www.photo.rmn.fr

96-014554 FondsHaardt/Croisièrenoire4°GMH120n°1258

Madagascar. 1925. Travail d'écriture en plein air

Date de publication : Février 2009

Auteur : Alban SUMPF

Madagascar dans les années 1920 : l'intérêt croissant pour cette terre de missions, d'explorations et d'aventures

Depuis la loi de 1896, Madagascar est officiellement une « colonie française », placée sous l’autorité d’un gouverneur général. L’intérêt pour cette terre lointaine et ses habitants se développe en métropole dans les années 1920, du fait de la présence de soldats malgaches en 1914-1918 et de la parution des nombreux ouvrages qu’Alfred Grandidier (1836-1921), savant, explorateur, ethnologue et naturaliste, consacre à l’île. Il contribue ainsi à attirer l’attention du gouvernement français sur Madagascar. L’île devient donc plus familière, mais elle reste une terre d’exploration pour les aventuriers. En 1924-1925, débute la Croisière noire (Alger-Le Cap-Madagascar), première expédition automobile transafricaine, défi lancé par André Citroën à ses concurrents de l’époque. Chargée de missions par deux sociétés savantes, la Société de géographie et le Muséum d’histoire naturelle de Paris, la Croisière noire peut revendiquer le titre de mission économique, humanitaire, scientifique et culturelle, qui contribue aussi à mieux faire connaître l’île de Madagascar. La photographie Madagascar. Mahalsinjo, prise le 21 juin 1925, immortalise cette « mission Citroën » qui a aussi pour objectif de promouvoir les écoles laïques sur l’île. Depuis le XIXe siècle, les écoles sont en effet souvent celles des missions religieuses : protestantes en grande majorité (anglaises notamment) et catholiques (françaises). Après 1896, les gouverneurs généraux tentent de développer des écoles publiques pour les indigènes, où l’enseignement se fait en malgache et en français. Mais les résultats restent mesurés, et le pouvoir continue de se reposer sur des initiatives privées.

 

Leçon d'écriture en plein air

Le cliché anonyme Madagascar. Mahalsinjo montre une leçon d’écriture en plein air, sous le soleil de Madagascar, qui dispense lumières et ombres dans un jeu de contrastes assez esthétique. La photographie représente une jeune fille vêtue d’une robe malgache et d’un châle blanc, les pieds nus. Même debout, elle semble menue par rapport au tableau dressé sur un massif trépied de bois, sur lequel elle tente, presque en extension, de reproduire le texte déjà inscrit : la mission Citroën. Debout près d’elle, un homme malgache, vêtu strictement (sa veste blanche est boutonnée jusqu’en haut) d’un costume colonial impeccable, surveille son travail. Il doit s’agir de l’instituteur, et sans doute a-t-il tracé le modèle à suivre. À sa gauche se tiennent deux autres élèves qui, ardoise à la main, ont elles aussi les yeux fixés sur leur camarade. Habillées comme elle, pieds nus, elles semblent avoir le même âge. À gauche apparaît ce qui pourrait être le costume d’un autre enfant, mais le cadrage est volontairement centré sur un espace restreint, polarisé sur le tableau et l’écriture (faite ou en train de se faire), qui attire et capte toute l’attention des divers personnages. Cette concentration de lumière, de corps et de regards donne une certaine intensité à la scène. Au second plan, les toits en fibres végétales de deux maisons de pierre indiquent que la scène se déroule en plein air, au milieu d’un petit village, sur une place ou sur une route de terre.

L'aventure de la scolarisation

Plusieurs types de contrastes sont sensibles sur cette photographie. Celui de la lumière éblouissante renvoyée par le tableau et les tissus blancs avec les ombres projetées ou le teint mat des personnages, qui donne une atmosphère exotique à la scène. Celui constitué par le costume du maître avec ceux simples des élèves. Enfin, contraste entre ce qui est représenté, une leçon d’école à l’occidentale, et le lieu, où elle s’inscrit : un petit groupe de maisons perdues au milieu de la forêt malgache, baignée de soleil. Le caractère rudimentaire des équipements (un simple tableau dressé là), les pieds nus, rappellent le manque de moyens : nous sommes loin des classes de 1925 en métropole. Il suggère aussi une classe improvisée, montée là pour l’occasion et la photographie, ou du moins toute récente. L’inscription « la mission Citroën » tracée sur le tableau permet de penser que cette classe est possible grâce à la volonté et aux fonds privés de la firme automobile. La Croisière noire comportait aussi un programme humanitaire et culturel élaboré avec l’accord des autorités, incapables d’assurer à elles seules la scolarisation de tous les indigènes. La « mission Citroën » prévoyait notamment la création d’écoles dans les villages les plus reculés. Bonne publicité pour la marque, qui montrait les performances de ses voitures, les associait aux rêves d’aventures et participait à l’effort républicain (qui rencontrait un écho favorable auprès du public français et donc des potentiels clients de Citroën) de développer, partout où cela serait possible, la présence française et sa mission « civilisatrice ». Comme le révèle cette photographie, l’expédition participe ainsi à la construction d’une représentation positive conforme à que la République française souhaite alors donner.

Ariane AUDOIN-DUBREUIL, Les croisières Citroën.La croisière noire 1924-1925, Glénat, paris, 2007.Pierre GUILLAUME, Le monde colonial XIXéme-XXéme siècle, 2e édition, Armand Colin, 1994.Francis KOERNER, Histoire de l'enseignement privé et officiel à Madagascar 1820-1995, L'Harmattan, Paris, 1999.Antoine LEON, Colonisation, Enseignement, et Education, étude historique et comparative, éd.L'Harmattan, Paris, 1991.

Alban SUMPF, « Madagascar. 1925. Travail d'écriture en plein air », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/madagascar-1925-travail-ecriture-plein-air

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