Bamiyan : le grand Buddha.
La Croisière jaune.
Bamiyan : le grand Buddha.
Lieu de conservation : musée national des Arts asiatiques – Guimet (Paris)
site web
Date de création : 1931
Date représentée : 1931
Domaine : Photographies
© Photo RMN - Grand Palais (musée Guimet, Paris) / Droits réservés
03-008753
La Croisière jaune entre science et marketing
Date de publication : Décembre 2010
Auteur : Alexandre SUMPF
À la découverte de l’Asie centrale
La France de l’entre-deux-guerres se passionne pour son empire, dont hommes et ressources ont contribué à sa victoire dans la guerre de 1914-1918. La Croisière Jaune, ou Expédition Citroën Centre-Asie, est la troisième du genre lancée par la firme automobile. Le succès technique de la traversée du Sahara en 1923, doublé du retentissement international de la Croisière noire ou Centre-Afrique (1924-1925), pousse Georges-Marie Haardt à préparer dès 1928 une nouvelle aventure qui, cette fois, confrontera le constructeur français à la mythique route de la Soie. L’expédition compte deux groupes, dont l’un, dit Pamir, s’élance le 14 avril 1931 de Beyrouth pour rejoindre la Chine non par l’U.R.S.S., qui a finalement refusé le droit de passage, mais par l’Inde et l’Afghanistan, soit quelque 13 000 kilomètres à parcourir. Dirigé par Haardt et Louis Audouin-Dubreuil, Pamir compte quarante-deux membres parmi lesquels le paléontologue et théologien Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), l’écrivain et photographe Maynard Owen Williams (1888-1963) et le peintre Alexandre Iacovleff (1887-1938), déjà présent lors du raid africain.
En août 1931, l’archéologue Joseph Hackin (1886-1941), conservateur au musée national des Arts asiatiques-Guimet et alors détaché à la Maison franco-japonaise de Tokyo, rejoint le groupe Pamir sur le lieu de ses recherches en Afghanistan : dans la vallée de Bamiyan, à environ 250 kilomètres au nord-ouest de Kaboul. Bordée de hautes falaises, elle abrite trois bouddhas sculptés dans la roche même, probablement du IIIe au VIIe siècle de notre ère. Quant au journaliste et grand reporter Georges Le Fèvre (1892-1968) qui accompagne le groupe depuis son départ de Paris, il se fera le premier chantre de l’épopée dans un ouvrage plusieurs fois réimprimé depuis.
Une expédition scientifique et artistique
Le cliché rend parfaitement le contraste de taille entre la statue sculptée (53 mètres) et les six hommes debout à l’entrée de ce haut lieu du bouddhisme. Il montre que le visage de ce gigantesque bouddha avait déjà été effacé par les musulmans, toute représentation de Dieu leur étant interdite. Des moines bouddhistes occupaient les cellules creusées dans la falaise de grès ; les trous percés dans la statue même servaient de points d’ancrage aux enduits de paille et de bois sur lesquels étaient peints les détails du visage et du vêtement. Avec cette imposante photographie, l’expédition remplit pleinement l’une des missions qui lui ont été fixées : faire découvrir aux Européens les richesses monumentales du monde asiatique.
Dans sa première édition, l’ouvrage de Georges Le Fèvre portait en couverture un dessin différent (voir La Croisière jaune, une conquête de l’Orient pour conquérir l’Occident). Destinée à faire la promotion du livre, cette « affiche d’intérieur » présente une composition en deux parties contrastées : en haut l’illustration, très sombre, en bas sur fond clair les informations éditoriales en noir ou en jaune franc. Elle doit sa forte structure à la diagonale sur laquelle progressent trois autochenilles aux prises avec le gravissement des pentes de l’Himalaya. La première a été dessinée avec un grand luxe de détails techniques : toutes les chenilles, les aérations du moteur, les plis de la bâche de protection. Elle se détache sur le fond noir formé par un autre véhicule plus gros qu’elle mais qui, comme le troisième, présente la même silhouette caractéristique. Sur cette scène mi-diurne mi-nocturne flotte un énigmatique visage jaune pâle, d’Asie orientale (de type plutôt indochinois), « lune » sans lumière qui semble au contraire projeter l’épaisse obscurité conquise par les autochenilles en mouvement.
Promouvoir l’expédition coûte que coûte
Citroën met ses véhicules au service d’une expédition ethnographique, archéologique et scientifique. Hackin est ainsi en mesure de revenir à Bamiyan et de s’appuyer sur une nouvelle logistique ; à l’oasis de Turfân, il demande au peintre Alexandre Iacovleff de reproduire en couleur des fresques jusqu’alors connues seulement par des photographies en noir et blanc. La masse de renseignements collectés – et d’ailleurs transportés à dos de chameau plutôt que dans les célèbres remorques – parvient finalement en France après de multiples péripéties. Entre-temps, le 6 mars 1932, le chef de l’expédition Haardt décède, épuisé par des épreuves physiques très dures et très éprouvé par de fortes tensions diplomatiques. Profitant de l’engouement suscité par l’Exposition coloniale internationale, qui attire d’innombrables visiteurs à la porte Dorée depuis mai 1931, le constructeur automobile livre au public les résultats (triés) de la Croisière Jaune lors de l’immense exposition Citroën Centre-Asie, inaugurée le 18 juin 1932, qu’il organise à Paris, place de l’Europe. Suite au décès de Haardt, Audouin-Dubreuil rédige seul l’introduction au livre où Le Fèvre réunit et complète ses articles pour L’Illustration, récit qu’agrémentent quatre-vingt-quinze gravures et photographies. Plus encore que sa consœur africaine, la Croisière Jaune, comme la marque Citroën, fait désormais partie de l’imaginaire national.
Ariane AUDOUIN-DUBREUIL, Croisière jaune : sur la Route de la Soie, Grenoble, Glénat, 2007.
Pascal BLANCHARD et Sandrine LEMAIRE, Culture coloniale.La France conquise par son empire, 1871-1931, Paris, Autrement, 2003.
Raoul GIRARDET, L’Idée coloniale en France, Paris, Hachette, 2007.Jacques WOLGENSINGER, L’Épopée de la Croisière jaune, Paris, Robert Laffont, 2002.
Alexandre SUMPF, « La Croisière jaune entre science et marketing », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/croisiere-jaune-entre-science-marketing
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