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Mineurs de fond : Forage

Mineurs de fond : Forage

Mineurs boisant une taille

Mineurs boisant une taille

Remonte de mineurs

Remonte de mineurs

Mineurs de fond : Forage

Mineurs de fond : Forage

Date représentée :

H. : 18 cm

L. : 13 cm

Cliché positif au gélatino bromure d'argent sur plaque de verre.

Domaine : Photographies

© Musée des Beaux-Arts d'Arras

inv. 946.1.8

Les Travailleurs de la mine : autour de l'abattage

Date de publication : Août 2006

Auteur : Michel PIGENET

Les mineurs au tournant du XXe siècle : une identité en construction

Avec près de 300 000 travailleurs au début du XXe siècle, les mines arrivent en huitième position en termes de nombre d’actifs employés dans les branches industrielles françaises. Malgré la variété des attitudes d’un bassin à l’autre, les employeurs, réunis au sein du Comité central des houillères de France, s’efforcent d’opposer un front commun aux revendications ouvrières. L’homogénéité de la population, l’isolement des corons et la cohésion des équipes du fond de la mine favorisent la construction d’identités communautaires propices aux mobilisations de masse. Si les modalités d’action n’évoluent guère, les mineurs apprennent à rationaliser et à discipliner leurs luttes. Après maintes tentatives, le premier syndicat naît dans la Loire en 1876. D’autres suivent, en 1883, dans le Nord et le Pas-de-Calais. La même année se constitue une Fédération nationale aux contours fluctuants. Son affiliation à la C.G.T. n’intervient pas avant 1908. Les mineurs peinent, en effet, à dépasser l’horizon familier de la fosse et de la concession. Ce localisme est entretenu par l’élection de députés issus de la corporation, à l’exemple d’Émile Basly et d’Arthur Lamendin, dirigeants syndicaux du Pas-de-Calais et députés-maires jusqu’à leur mort. À la Chambre, ils poussent aux avancées sociales minières : délégués mineurs (1890), retraites et assurance maladie (1894), journée de huit heures (1905 pour les abatteurs, 1912 pour les autres catégories). Malgré d’amples variations, leur organisation ne descend plus jamais, après 1890, au-dessous de 21 % de syndiqués avec une pointe à 66 % en 1901.

Travailler au fond

Ces trois clichés pris sous terre montrent trois activités périphériques de l’abattage. La haute et large salle d’accrochage des berlines baigne dans la clarté artificielle de l’éclairage électrique reflétée par l’enduit blanc de la maçonnerie. En revanche, seules les lampes Davy attachées aux barrettes – chapeaux plats de cuir dur – des mineurs parviennent à percer l’obscurité qui enveloppe le front de taille. Là, l’ouverture des galeries prévues pour l’évacuation du charbon est l’affaire des bowetteurs et des boutefeux. Affectés au forage préalable au dynamitage, les trois hommes percent le haut de la paroi rocheuse à l’aide d’un fleuret hélicoïdal monté sur un pied métallique. L’ouvrier de gauche en guide la pénétration. Juché sur la berline renversée contre laquelle attendent d’autres fleurets, un deuxième mineur surveille l’articulation pied/foret tout en aidant son collègue qui, plus bas, actionne la manivelle. Tout autour d’eux, des pièces de bois confortent la stabilité de la galerie.

Leur mise en place est l’œuvre des boiseurs (deuxième photographie), parfois confondus avec les abatteurs. C’est du reste au moyen d’une pointerolle que l’ouvrier accroupi entaille la base d’une bille de bois tenue par un équipier. Le travail se complique à l’arrière-plan où la hauteur de la galerie diminue de moitié. Plus courts et moins larges, des étais de bois se dressent en plus grand nombre pour soutenir les « rallongeurs » horizontaux qui supportent les rondins calés au contact du toit afin d’en contenir l’effritement.
À la fin de leur vacation, les équipes retournent vers la salle d’accrochage (troisième photographie). Au centre, deux berlines chargées de mineurs assis ou accroupis dont on n’aperçoit que les visages noircis sont déjà engagées dans la cage. À droite, l’homme des manœuvres, plutôt âgé, freine et aiguille les berlines vides qu’il lui revient de pousser à mains gantées. À gauche, un surveillant que son habillement distingue des autres travailleurs du fond contrôle la fermeture de la cage avant de donner le signal de la remontée.

 

Mineur, un métier à risques

Joseph Philibert Quentin (1857-1946) fut le premier, en 1900, à photographier les travaux du fond. La difficulté tenait au danger de l’éclairage d’un flash dans des galeries grisouteuses. Le fait que les galeries du Pas-de-Calais présentaient moins de risques d’explosion amena les compagnies à y laisser pénétrer certains photographes, ce qui demeura impossible ailleurs jusqu’à l’invention du flash antidéflagrant dans les années 1950. Les 1 100 morts de Courrières, en 1906, rappellent que ces risques n’étaient cependant pas nuls dans le bassin. À la fin du XIXe siècle, les méfaits du gaz ne se résument pas au coup de grisou : les asphyxies sont encore plus nombreuses parmi les accidents miniers. Elles arrivent toutefois loin derrière les chutes (17 % des accidents) et les éboulements (42 %). Si les documents laissent deviner la chaleur qui amène les hommes à travailler torse nu, ils disent peu de chose de la poussière qui emplit l’atmosphère au moment du dynamitage et de l’abattage, colle aux corps en nage, pénètre et minéralise les poumons. Identifiée dès 1860, la silicose ne sera reconnue comme maladie professionnelle que quatre-vingt-cinq ans plus tard. En baisse sensible jusque dans les années 1880, le taux de mortalité par accident plafonne à 1,2 % au début du XXe siècle. Occasion d’une plongée exceptionnelle dans les entrailles habituellement invisibles de la mine, les photographies de Quentin font ressortir le contraste entre le cadre mécanisé, sinon aseptisé, de la salle d’accrochage et celui, artisanal, à la fois fragile et hostile, des lisières mobiles du front de taille. La représentation pédagogique du travail fige ici les ouvriers, qui paraissent poser pour mimer leurs gestes. Propre à réduire l’impression de pénibilité, ce parti pris promotionnel, conforme aux attentes de la commande passée par la compagnie concessionnaire, n’efface pas l’inhospitalité foncière d’un milieu avec lequel les hommes doivent composer en permanence.

Diana COOPER-RICHET, Le Peuple de la nuit. Mines et mineurs en France, XIXe-XXe siècle, Paris, Perrin, 2002.

Joël MICHEL, Le Mouvement ouvrier chez les mineurs d’Europe occidentale (Grande-Bretagne, Belgique, France, Allemagne). Étude comparative des années 1880 à 1914, thèse pour le doctorat d’État, université de Lyon II, 1987.

Michel PERONI et Jacques ROUX, « La validité documentaire de la photographie. Le travail au fond de la mine », in Noëlle GEROME (dir.), Archives sensibles. Images et objets du monde industriel et ouvrier, Cachan, Éditions de l’École normale supérieure de Cachan, 1995.

Michel PIGENET, « Entre réalité et stéréotypes, les images fugitives du monde du travail à l’ère industrielle », in Dossiers de l’audiovisuel, n° 84, mars-avril 1994. « Joseph Quentin, photographe artésien (1857-1946) », in Les dossiers de Gauheria, n° 3, 1991.

Michel PIGENET, « Les Travailleurs de la mine : autour de l'abattage », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/travailleurs-mine-autour-abattage

Anonyme (non vérifié)

L'analyse de l'image confond lampe de Davy (lampe de sûreté) et lampes à feu nu, en l'occurrence sur les 3 photos, des "astiquettes" typiques du bassin houiller du Pas-de-Calais (entre autres).

ven 01/11/2013 - 20:56 Permalien

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