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La Proclamation de l'empire allemand dans la galerie des Glaces de Versailles

La Proclamation de l'empire allemand dans la galerie des Glaces de Versailles

Date de création : 1885

Date représentée : 18 janvier 1871

H. : 167 cm

L. : 202 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© BPK, Berlin, Dist. GrandPalaisRmn / Hermann Buresch

Lien vers l'image

06-525810

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Et Bismarck créa l’Allemagne

Date de publication : Novembre 2025

Auteur : Alexandre SUMPF

Prussia uber alles ( La Prusse au-dessus de tous) 

Quatorze ans après l’instauration du Second Reich par le roi de Prusse Guillaume Ier, l’Allemagne est plus puissante que jamais. En 1882, l’alliance signée avec les Habsbourg régnant sur l’Autriche-Hongrie et avec le roi d’Italie a renforcé sa position continentale en isolant l’ennemi français. À Berlin, en 1885, une conférence internationale a décidé du sort de l’Afrique et garanti aux Allemands un empire colonial inespéré. 

La politique menée par le chancelier Otto von Bismarck suscite certes des résistances chez les socialistes et les catholiques, mais les succès de l’industrie, notamment chimique et électrique, et une pratique commerciale agressive imposent le Made in Germany sur un marché qui se mondialise. 

Anton von Werner (1843-1915), artiste spécialisé dans la peinture historique, choisit cette période de stabilité pour réaliser son hommage le plus connu à « l’empereur des Allemands » (Deutscher Kaiser). Soutenu par de puissants mécènes princiers, il a la chance d’avoir été témoin de la scène du 18 janvier 1871, qui vient conclure trois guerres victorieuses contre le Danemark (1864), l’Autriche (1866) et la France de Napoléon III (1870). Le séjour en France a permis à Werner de cultiver la proximité avec le Kronprinz Frédéric (1) et a lancé sa carrière. Le tableau de 1885 est la troisième version d’une scène qu’il a peint pour la première fois en 1877 : il s’agit d’un cadeau à Bismarck pour son 70e anniversaire, commandé par la famille royale.

E pluribus unum ( Un seul à partir de plusieurs) 

Si le tableau est souvent analysé, il ne faut pas oublier le programme iconographique du cadre, qui vaut à soi seul une déclaration politique. Surmonté de la couronne impériale fermée, paré de blasons, doré à l’or fin, il retrace dans la plus pure tradition l’histoire de la dynastie royale de Prusse. De gauche à droite, au sommet, les donateurs sont nommés : Frédéric-Guillaume, l’héritier et protecteur du peintre, le Kaiser, l’impératrice et l’épouse de Frédéric, Victoria. Sur les côtés se succèdent tous ceux qui ont occupé le trône de Prusse. 

Sur la toile, le décorum royal français de la Galerie des Glaces de Versailles sert d’écrin au triomphe impérial allemand, qui se reflète dans les miroirs du fond et s’ouvre sur l’extérieur par les fenêtres. La scène met à l’honneur la relation privilégiée entre l’empereur et son chancelier. L’espace central, laissé vide de figure majeure, est encadré à gauche par Guillaume, en surplomb, sanglé dans son uniforme royal, figé dans une posture hiératique avec à ses côtés le Kronprinz ; et à droite, plus bas, en blanc et couvert des médailles les plus prestigieuses, contrastant avec les autres uniformes, Bismarck. Tout autour des figures importantes de l’armée et de l’aristocratie célèbrent ce moment unique en brandissant leurs sabres, en s’exclamant, en commentant l’événement. La fusion des royaumes dans l’empire est symbolisée par la noria d’étendards blasonnés suspendus au-dessus de l’estrade, où Louis II de Bavière, le roi de Saxe et autres monarques moins puissants, qui cèdent leur indépendance, sont placés sur un pied d’égalité.

Vae victis ! (Malheur aux vaincus!) 

La richesse ornementale du cadre doré témoigne du prix accordé par la dynastie de Guillaume Ier, les Hohenzollern, au cadeau, et des moyens financiers mis en œuvre pour faire de cette offrande un événement en soi. Il s’agit, pour l’empereur âgé de 87 ans et son fils âgé de 54 ans, de magnifier l’alliance politique avec Bismarck et la confiance totale placée en lui. S’il se tient en contrebas, car il appartient seulement à la petite noblesse, il apparaît en majesté dans le rôle du chevalier blanc qui a rendu possible l’unification des terres allemandes sous la tutelle prussienne, par la diplomatie, l’économie et la guerre. 

C’est Bismarck qui a choisi la Grande Galerie, renommée par les Allemands Galerie des Glaces, pour lire la proclamation de l’Empire devant l’assemblée des rois et princes allemands. Le lieu est occupé depuis plusieurs mois dans le cadre de la guerre franco-allemande, et a été transformé en un simple hôpital de campagne. Sensible à l’histoire, le chancelier a placé le Kaiser juste en dessous des tableaux historiques où Le Brun a représenté Le passage du Rhin par Louis XIV en 1682, sur lequel Bismarck disserte d’ailleurs longuement. 

Outre l’humiliation infligée aux Français au cœur du monument de leur puissance passée, Bismarck flatte aussi Guillaume qui, jeune homme, a combattu Napoléon Ier et occupé la France en 1815. Mais si les Français ont vécu le 18 janvier comme une humiliation, les Allemands y voient un geste destiné à faire mieux accepter par les princes allemands leur perte de souveraineté : fonder l’empire à Berlin, au cœur de la Prusse triomphante, aurait été un symbole écrasant.

Nicolas Bourguinat, Gilles Vogt, La Guerre franco-allemande. Une histoire globale, Paris, Flammarion, 2020. 

France Allemagne(s) 1870-1871. La guerre, la Commune, les mémoires, Paris, Gallimard & musée de l’armée, 2017. 

Marie-Bénédicte Vincent, Une nouvelle histoire de l'Allemagne. XIXe – XXIe siècle, Perrin, 2020.

1 - Frédéric III (1833-1888) : fils de l'empereur allemand Guillaume Ier, Frédéric demeure l'héritier du trône (le Kronprinz) pendant 27 ans. Il épouse Victoria, fille aînée de la reine Victoria de Grande-Bretagne. Il devient le second empereur allemand le 9 mars 1888, mais décède le 15 juin de la même année. Son fils Guillaume II lui succède. 

Alexandre SUMPF, « Et Bismarck créa l’Allemagne », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 07/11/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/bismarck-crea-allemagne

En savoir plus sur la conférence de Berlin de novembre 1884 à février 1885

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