Le Christ devant ses juges
Auteur : GOTTLIEB Maurycy
Lieu de conservation : musée d’Israël (Jérusalem)
site web
H. : 160 cm
L. : 270 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© Elie Posner / The Israel Museum, Jérusalem
B86.0290
Le Christ devant ses juges
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Alexis MERLE DU BOURG
C’est à la fin d’une vie brève que Maurycy Gottlieb, représentant prometteur de la peinture polonaise au XIXe siècle et pionnier de la « peinture juive », se confronta à travers des tableaux monumentaux à l’iconographie du Christ et particulièrement à la représentation de cet épisode de la Passion qui, depuis toujours, cristallisait les tensions entre christianisme et judaïsme. Avec Le Christ prêchant à Capharnaüm (Varsovie, Muzeum Narodowe) presque exactement contemporain, Le Christ devant ses juges constitue sans doute l’œuvre clef de cet artiste galicien qui s’est représenté dans les deux toiles demeurées inachevées, réclamant pour lui-même un statut de témoin privilégié de la vie et de la prédication de Jésus.
De manière inédite, la composition juxtapose deux épisodes distincts : la comparution du Christ devant Ponce Pilate, le préfet romain de Judée, et devant la cour de justice suprême juive, le sanhédrin. Bien que ce dernier ne soit guère représenté à son avantage, le tableau ne rompant pas entièrement avec la tradition iconographique chrétienne faisant du sanhédrin un lieu d’iniquité, l’artiste modifie la signification de la scène en présentant le prêtre Anân – et non le grand prêtre Caïphe – comme le plus actif des persécuteurs du Christ. À travers la figure du grand prêtre, que poursuivait une réputation tenace d’infamie, les Juifs se trouvent ainsi absous du déicide qui leur était attribué. Cette accusation est en outre renversée dans les deux tableaux de Gottlieb, étroitement solidaires, par la réappropriation d’un Jésus portant à la fois le châle de prière juif (tallith) et l’auréole des saints chrétiens. Apparaissant moins comme le fondateur d’une religion nouvelle que comme une haute figure de la judéité, il est un prophète juif venu s’adresser, en premier lieu, aux Juifs.
Gottlieb se trouve placé au cœur de l’aspiration à une rénovation de la représentation biblique dans le sens d’une authenticité accrue qui unit nombre d’orientalistes. Bien qu’elle ne soit pas sans précédent dans l’art, la restitution (particulièrement risquée pour un artiste juif) de la figure du Christ à sa judéité originelle trouve autant son origine dans l’œuvre des promoteurs d’une histoire critique des Écritures comme H. Graetz (Geschichte der Juden, 1853-1875) ou Ernest Renan (Vie de Jésus, 1863) que dans les motivations personnelles d’un artiste écartelé entre deux identités. Le climat de morosité qui baigne les compositions de Jérusalem et de Varsovie témoigne peut-être de la désillusion du peintre quant à la réconciliation entre les deux peuples opprimés (l’attribution de la Galicie à l’Empire des Habsbourg fut la conséquence du dépeçage de la Pologne au XVIIIe siècle) qui formaient indissolublement le socle de son identité, les Polonais et les Juifs.
Étude en partenariat avec le musée d’Art et d’Histoire du judaïsme
AMISHAI-MAISELS Ziva, The Jewish Jesus, Journal of Jewish Art, 1982, p. 84-104.
MENDELSOHN Ezra, Le Christ dans la synagogue de Maurycy Gottlieb, Les Cahiers du judaïsme, 1998, 2, p.32-36.
MENDELSOHN Ezra, Painting a people Maurycy Gottlieb and Jewish art, [Waltham, Mass.] Hanover : Brandeis University Press, University Press of New England, 2002 p.130-138, p.164-165.
GURALNIK Nehama, In the Flower of Youth. Maurycy Gottlieb 1856-1879, Tel-Aviv, Museum of Art, 1991.
Alexis MERLE DU BOURG, « Le Christ devant ses juges », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/christ-devant-ses-juges
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Prise de la smalah d'Abd-el-Kader
L’émir Abd el-Kader avait été l’âme de la résistance à la colonisation française de l’Algérie, dont la conquête avait été entreprise en 1830. D’…
Agar chassée par Abraham
Vernet exerçait en 1833 les fonctions de directeur de l’Académie de France à Rome lorsqu’il découvrit l’Algérie, dont la France amorçait la…
Le Mur des Lamentations
Élève de Delacroix (à qui sa carrière de « peintre voyageur » en Orient doit peut-être beaucoup), Bida s’embarqua pour l’Orient à trente ans et…
Le Christ devant ses juges
C’est à la fin d’une vie brève que Maurycy Gottlieb, représentant prometteur de la peinture polonaise au XIXe siècle et pionnier de la…
La Conquête de l’Algérie
En juin 1830, la prise d'Alger décidée par Charles X est une opération de prestige conduite à des fins de politique…
Juives d'Alger au balcon de Chassériau
Élève de Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867), mais plus tard fortement influencé par Paul Delaroche (1797-1856) et Eugène Delacroix (1798-…
Juive d’Alger
Après la campagne d’Égypte de Bonaparte (1798-1801) et le début de la conquête de l’Algérie (1830), la France et la Grande-Bretagne étendent…
Tabac au débit
La vente de tabac dans des débits ne date pas du XIXe siècle : le…
La femme orientale dans la peinture du XIXe siècle
À partir de 1704, après la traduction des Mille et Une Nuits par Antoine Galland (1646-1715), l’image sensuelle de la femme du harem inspire les…
Une représentation orientaliste d'un village algérien
L’intérêt de Napoléon III pour l’Algérie est tardif mais en 1859 la conquête du territoire est très avancée.…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel