Aller au contenu principal
24 février 1848 cinq heures du soir.

24 février 1848 cinq heures du soir.

Combat du peuple parisien dans les journées des 22, 23 et 24 février 1848

Combat du peuple parisien dans les journées des 22, 23 et 24 février 1848

Prise de la barricade de la rue Fontaine au Roi et du faubourg du Temple

Prise de la barricade de la rue Fontaine au Roi et du faubourg du Temple

Souvenirs des journées de juin 1848. Enlèvement de la barricade de la rue Planche-Milbray

Souvenirs des journées de juin 1848. Enlèvement de la barricade de la rue Planche-Milbray

24 février 1848 cinq heures du soir.

24 février 1848 cinq heures du soir.

Date de création : 1848

Date représentée : 24 février 1848

H. : 37,8 cm

L. : 18,8 cm

dessin sur papier, plume et encre sépia

Domaine : Dessins

© Saint-Denis, musée d'art et d'histoire - Cliché I. Andréani

Février et juin 1848

Date de publication : Janvier 2006

Auteur : Myriam TSIKOUNAS

Février et juin 1848

Février et juin 1848

Le 24 février 1848, Louis-Philippe, qui régnait depuis la révolution de juillet 1830, abdique. Sur la place de la Bastille, Charles Lagrange, membre de la Charbonnerie, futur gouverneur de l’Hôtel de Ville et futur député, s’assied sur le trône royal, amené du Palais-Royal pour être brûlé. Beaucoup d’artistes sont solidaires du peuple qui va imposer la IIe République. Soucieux d’endiguer le chômage, le gouvernement provisoire instaure dès le 26 février les « Ateliers nationaux ». Mais bientôt la victoire des républicains modérés aux élections des 23 et 24 avril, qui se tiennent pour la première fois au suffrage universel, vient ruiner les espoirs d’une révolution sociale par les urnes. Au regard de leur échec économique et de la menace révolutionnaire que représentent ces 110 000 ouvriers pour la plupart désœuvrés, les Ateliers nationaux sont dissous le 21 juin. Du 23 au 26 juin de nombreux ouvriers jetés dans les rues de Paris s’insurgent au cours d’une terrible bataille de rues : 4 000 ouvriers d’un côté et 1 600 gardes et soldats de l’autre sont tués. Sur ordre du ministre de la Guerre, Cavaignac, bientôt surnommé « prince de sang », les émeutes sont durement réprimées. La plupart des peintres, dessinateurs et écrivains se rangent du côté de l’ordre établi.

Les deux estampes illustrant ces journées de février 1848 sont en forte résonance avec l’iconographie des Trois Glorieuses. Comme en 1830, les combats durent trois jours, et les scènes sont vues du point de vue des insurgés qui se défendent et soignent leurs blessés au premier plan. Sur la barricade ou devant la colonne de Juillet, toutes les couches de la société sont mêlées. Ouvriers en blouse, bourgeois en chapeau, garçonnet au geste conquérant, gardes nationaux et polytechniciens reconnaissables à leurs uniformes forment une communauté fraternelle. La seule différence par rapport à l’imagerie de 1830 est l’absence de femmes.
En juin, le retournement de point de vue est complet. Le premier plan est occupé par les gardes mobiles, de dos, tapis contre la barricade pour se protéger des coups de feu tirés depuis les fenêtres des immeubles par des insurgés invisibles ou à la mine patibulaire. Le centre de la composition n’est plus occupé par le gamin de Paris, de face, mais par le général Cavaignac, de dos sur la passerelle du canal (Bonhommé), ou par deux soldats qui se battent au corps à corps, comme pour exprimer la confusion de la situation (Beaumont).
Alors qu’en février les victimes sont des ouvriers, en juin ce sont des militaires : deux simples recrues chez Beaumont, le chef de l’état-major, Husson de Prailly — dont on emporte la dépouille sur une civière — et l’officier Latour — grièvement blessé —, chez Bonhommé.

Le dessin anonyme consacré au 24 février relève du reportage. Réalisé sur le vif, à 5 heures du soir, il montre deux étendards unis, donc rouges, comme celui réclamé le lendemain par la foule à l’Hôtel de Ville, en remplacement du drapeau tricolore. Pour forcer le regard du spectateur, l’artiste joue d’ailleurs sur les formes géométriques, ramène toutes les têtes, de dos en bas de la colonne, à de simples ronds contrastant avec les deux oriflammes rectangulaires et unicolores. L’estampe ne gomme ni les débordements ni la spontanéité : un insurgé cramponne la hampe du drapeau d’une main mais tient une bouteille d’alcool de l’autre, un homme est venu avec sa pioche sur l’épaule…
Dans la deuxième lithographie, exécutée après coup, l’histoire est réécrite. Le gamin de Paris brandit fièrement, dès le 24 février, le drapeau tricolore qui, en réalité, sera difficilement imposé le lendemain par Lamartine.
Qu’elle soit de témoignage ou de propagande, l’image édulcore la première révolte et dramatise la seconde.
En février, malgré l’hiver et l’heure tardive, la luminosité est forte. La révolution s’apparente à un carnaval populaire : non seulement les hommes en arme côtoient les musiciens, mais l’incendie du trône, livré à un enfant, est le seul acte violent, chargé de signifier, sans brutalité envers Louis-Philippe, la destruction de la monarchie.
En juin, en dépit de l’été, il pleut à verse, et les éclairs lacèrent le ciel anthracite[1]. La composition est rendue crépusculaire par la fumée noire qui sort des maisons en flammes. Cette représentation fantasmagorique est d’autant plus forte que François Bonhommé, artiste formé auprès d’Horace Vernet et de Paul Delaroche, est sensible aux thèses saint-simoniennes et proche des humbles[2]. Depuis plus d’une décennie, il s’est fait le témoin scrupuleux de la vie industrielle, notamment de la métallurgie. Mais il a aussi peint, en cette année 1848, un événement qui l’a frappé : L’Envahissement de l’Assemblée nationale, le 15 mai. Et cette irruption de la foule dans la Chambre des députés, au cri provocateur de « L’Assemblée est dissoute ! » a profondément déçu l’intelligentsia. Pour elle, les « classes laborieuses » sont subitement devenues des « classes dangereuses », qui refusent la légalité issue du suffrage universel. Désormais, les clivages sociaux priment les divergences politiques, et l’on passe des « glorieuses journées » à une insurrection barbare qui rappelle septembre 1793. Le choix des Français n’est plus alors qu’entre la république contre-révolutionnaire de Cavaignac et l’espérance vague qu’incarne Louis Napoléon Bonaparte.

Maurice AGULHONLes Quarante-huitardsParis, Gallimard-Julliard, coll. « Archives », 1975.Alain CORBIN et Jean-Marie MAYER (dir.)La BarricadeParis, Publications de la Sorbonne, 1997.Marie-Laure GRIFFATON, François Bonhommé, peintre, témoin de la vie industrielle au XIXe siècleMetz, Editions Serpenoise, 1996.Ségolène LE MEN « Les images de l’année 1848 dans la République des arts », in Les Révolutions de 1848. L’Europe des imagesParis, Assemblée nationale, janv. 1998.Victor MAROUCKJuin 1848Paris, Librairie des Deux Mondes, 1880, rééd.Spartacus, 1998.Philippe VIGIERLa Seconde RépubliqueParis, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1996.

1. Il y eut bien sur Paris un violent orage, mais le 25 juin et non le 23. Voir Norbert Truquin, Mémoires et aventures d'un prolétaire à travers la révolution, Paris, 1880, rééd. Maspero, coll. " Actes et mémoires du peuple ", 1977, p. 78.

2. Dans un manuscrit conservé au musée du Fer, il écrit : " Ils sont les soldats de l'industrie, des conquêtes pacifiques... Ils nous nourrissent, ils meurent pour nous. Qu'attendons-nous donc nous-mêmes, artistes et poètes, pour leur dédier nos livres et nos tableaux ? "

Myriam TSIKOUNAS, « Février et juin 1848 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/fevrier-juin-1848

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Février et juin 1848

Février et juin 1848

Le 24 février 1848, Louis-Philippe, qui régnait depuis la révolution de juillet 1830, abdique. Sur la place de la Bastille, Charles Lagrange,…

Février et juin 1848
Février et juin 1848
Février et juin 1848
Février et juin 1848
La Répression de la Commune

La Répression de la Commune

La " terreur tricolore "

A la charnière des mois de mai et juin 1871, pendant et après la " semaine sanglante " au cours de laquelle la Commune…

La Répression de la Commune
La Répression de la Commune
<em>La Liberté guidant le peuple</em> d’Eugène Delacroix

La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix

Charles X et son impopulaire ministre, le prince de Polignac, remettent en cause les acquis de la Révolution. L’opposition libérale, par le biais…

Commune : le peuple en arme

Commune : le peuple en arme

La Commune et le peuple de Paris en armes

La Commune n’a pas disposé d’armée au sens strict. Ses rangs étaient composés d’une part de gardes…

Commune : le peuple en arme
Commune : le peuple en arme
Image de la Commune : la barricade du boulevard Puebla

Image de la Commune : la barricade du boulevard Puebla

Les barricades de la Commune

Parmi les images de la Commune s’impose souvent celle de la barricade avec ses tas de pavés derrière lesquels sont…

Le retour des Parisiens dans la capitale en juin 1871

Le retour des Parisiens dans la capitale en juin 1871

Le retour des Parisiens dans la capitale en juin 1871

Après la « Semaine sanglante » et dès les derniers jours de mai 1871, les Parisiens…

L’écrasement de la Commune

L’écrasement de la Commune

L’écrasement de la Commune

Proclamée en mars 1871 dans la capitale assiégée par les troupes allemandes, la Commune de Paris est une tentative de…

L'ère des barricades, 1827-1851

L'ère des barricades, 1827-1851

Une époque révolutionnaire

A l’époque où la barricade constitue un sujet nouveau dans la peinture et la littérature, son rôle devient…

L'ère des barricades, 1827-1851
L'ère des barricades, 1827-1851
L'ère des barricades, 1827-1851
L'ère des barricades, 1827-1851
Charge anti-républicaine

Charge anti-républicaine

Le 22 avril 1885, Le Figaro titre « Nouvel incident au Salon » : le tableau de Maurice Boutet de Monvel est définitivement refusé à l’exposition…

Charge anti-républicaine
Charge anti-républicaine
Charge anti-républicaine
Mai 1968 : les barricades

Mai 1968 : les barricades

Les barricades en images

Parmi toutes les images de Mai 68, celles qui montrent les affrontements entre étudiants et forces de l’ordre dans le…

Mai 1968 : les barricades
Mai 1968 : les barricades