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Vive le football

Vive le football

Date de création : 1935

Date représentée : 1935

H. : 159,4 cm

L. : 119,8 cm

Illustrateur : Tristan Catroux.

Affiche du film réalisé par René Lucot (1908-2003). 

 

Domaine : Affiches

© Musée National du Sport

Lien vers l'institution

79.9.2

  • Vive le football

Football, une passion populaire

Date de publication : Septembre 2022

Auteur : Claude BOLI

Promouvoir le football en France

L’introduction de la Coupe de France (écho de la Cup anglaise) en 1917, en pleine période de guerre, accélère la popularité du football. Quarante-huit clubs participent à la première édition de la « grande messe du football », remportée par le club du nord-est parisien, l’Olympique de Pantin opposé au F.C. Lyon.

Au sortir de la guerre, la ferveur continue. Les dirigeants réagissent. En avril 1919, la Fédération Française de Football Association (F.F.F.A) est fondée. Parmi les bâtisseurs de cette fédération, certains marqueront l’histoire du football mondial : Jules Rimet (1873-1956) et Henri Delaunay (1883-1955). Le premier est à l’initiative de la Coupe du monde et le second, de la Coupe d’Europe des Nations. Le championnat professionnel qui débute en 1932 parachève les étapes de la mutation. Les clubs (le F.C. Sochaux en tête), les joueurs, la presse et le public ont puissamment contribué à l’engouement du football.

Produit d’une commande de la F.F.F.A, ce film documentaire de 1935 a pour but de promouvoir le football dans l’hexagone, trois années après le lancement du Championnat de France professionnel. Il s’agit d’une véritable « opération de communication » encouragée par l’ensemble des acteurs (dirigeants, joueurs, journalistes spécialisée, artistes) de l’essor du ballon rond. Après un débat houleux qui met fin à l’éthos (1) de l’amateurisme (négation de toute inclination mercantile et rejet de sportifs issus des classes populaires), la fédération cherche des moyens pour séduire et rassurer les opposants au « foot pro ». Selon l’instance dirigeante, il faut montrer les belles facettes d’un jeu qui a conquis la planète et « oublier » les a priori des catégories dominantes sur le football des années 1930 : danger du professionnalisme, peur des foules, violence supposée des supporters, exacerbation des sentiments nationalistes... L’opération de communication passe forcément par une image valorisante, une représentation séduisante du ballon rond. A côté de l’engouement du football perçu à travers la presse écrite (plusieurs pages et photographies y sont consacrées), l’édification de nouveaux stades, l’augmentation du nombre de spectateurs, l’apparition des premières « stars », l’arrivée de produits dérivés, les dirigeants initient plusieurs campagnes de communication pour sensibiliser le grand public.

Le film Vive le football en est un exemple remarquable. Il donne à voir une pratique plaisante, révèle un esprit de joie, de plaisir enfantin et de camaraderie. Le reportage est confié à René Lucot (1908-2003), réalisateur de cinéma, passionné du ballon rond, et par ailleurs membre de la fédération de football. Cette dernière met à sa disposition un expert du football, le journaliste Jean Eskenazi (1913-1986), et lui donne accès aux joueurs du club phare de l’époque, le Racing Club de Paris, avec ses joueurs vedettes (Rudi Hiden, Gusti Jordan, Edmond Delfour, Raoul Diagne, Emile Veinante, Aleksander Zivkovic, Fred Kennedy...). Le film documentaire est diffusé dans plusieurs salles parisiennes et connaît un réel succès. Apparemment satisfaite du succès du documentaire, la fédération sollicite à nouveau René Lucot pour une nouvelle ode à la gloire du ballon rond, dans le cadre de la Coupe du monde de football de 1938 organisée en France. L’affiche du film documentaire de René Lucot est signée par Tristan Catroux, un dessinateur relativement anonyme.

L’envolée du gardien de but

Il fige de façon artistique l’envol d’une prise de balle du goalkeeper, le gardien de but. L’œil de l’observateur est attiré par un mouvement spectaculaire dans lequel le gardien est le principal maître de la scène. Au premier plan, on observe le geste de plongeon (bras tendus vers le haut et genoux pliés) d’un gardien, très certainement le légendaire Rudi Hiden (1909-1973), dernier rempart de la formidable équipe d’Autriche du début des années 1930. Il est dans sa phase ascendante, en train de saisir à mains nues le ballon sur lequel apparaissent les différents panneaux de cuir. La représentation garantit une parfaite coordination. Il ne fait point de doute de l’assurance du gardien. L’image sobre de la tenue contraste avec le fond bleu lumineux. Un souffle de vitesse et de puissance accompagne l’imposant ballon. L’ensemble du corps (jambes, bras et tête…) à l’horizontale, se projette sur un objectif : capter le ballon. Le regard est concentré sur le ballon. Le gardien des années 1920-30 apparaît avec ses éléments distinctifs : la casquette, le pull (très souvent en laine) au col roulé, le large short, les chaussettes remontées et la paire de chaussures à crampons. La couleur marron du maillot et du short s’illumine par le bleu ciel du col du pull et des chaussettes. En arrière-plan, s’installe un semblant de soleil teinté de bleu ciel, aux couleurs de la meilleure équipe du moment, le Racing Club de Paris. Le titre en caractères gras entoure de façon circulaire le geste pour renforcer la prouesse et en faire une pose presque religieuse, iconique. La grosseur du titre et les mots qui y sont posés font écho à l’immense engouement du football à l’échelle nationale et mondiale. Le gardien est le seul représentant d’un quelconque match de football. Aucun indice n’évoque le lieu, le moment ou le type de match. On n’y voit pas les poteaux ou les filets qui constituent le décor du gardien. Le stade n’est pas présent. Les spectateurs sont inexistants. Les joueurs sont absents. Le gardien et le ballon sont les deux principaux acteurs de l’affiche. Les codes de l’affiche sportive sont remarquablement exposés. Le mouvement ou plutôt le joueur en action est au centre de la représentation. L’œuvre de Catroux mélange l’art du dessin, de la caricature et de l’illustration. La période de réalisation de l’affiche (1935) correspond à la place de plus en plus importante du dessin à vocation sportive. Grâce à leur « coup de crayon », des caricaturistes participent à la renommée de plusieurs journaux. Paul Ordner sublime la gestuelle du footballeur à travers ses dessins publiés dans le Miroir des Sports ou à L’Auto.

Le football des années 1930, un jeu spectaculaire et un terrain de puissance

Dans les années 1930, le football constitue l’un des loisirs dont la résonnance sociale dépasse le terrain sportif. En France, grâce à la presse (écrite et radio notamment), le jeu connaît un triomphe populaire considérable. Les meilleurs joueurs pénètrent dans le cercle des personnalités les plus connues. Cette affiche Vive le football est un condensé des signes remarquables de la popularité du football et de la singularité de la France en matière de visibilité des joueurs étrangers. Les choix (geste du gardien, couleur, équipe mise en valeur) ne sont guère anodins. The People game comme disent les Anglais est parfaitement illustré par le geste majestueux du gardien de but, pris comme figure symbolique de la beauté du jeu, du magnifique geste footballistique. L’affiche est un appel à la beauté artistique du football. Cette représentation participe à une véritable invention des représentations spectaculaires et artistiques du football, au moment où les compétitions et les signes de respectabilité se développent (championnat de France en 1932, Coupe du monde en 1930 et 1934, présence du chef de l’État à la finale de la Coupe de France). Les fans reconnaissent certainement « le goal volant » Rudi Hiden.

Venu à Paris en 1933, le gardien d’origine autrichienne naturalisé français devient l’une des icônes du football. Ses prestations extraordinaires et un certain charisme séduisent le large public. Il incarne le football spectaculaire. Ce goalkeeper renvoie aussi à l’envolée du football sur le plan mondial. Ici, nous touchons d’une part au balbutiement de la migration des footballeurs venus de divers horizons (Angleterre, Autriche, Yougoslavie, Hongrie) en France, et d’autre part, à la manière dont certains États autoritaires, notamment l’Allemagne d’Hitler, l’Italie de Mussolini « confisqueront » le football pour en faire un outil de propagande nationaliste et de puissance internationale. L’État français n’est pas à l’origine de la candidature de l’organisation de la Coupe du monde en 1938. L’initiative vient de Jules Rimet, ancien président du Red Star parisien (fondé en 1898) et surtout président de la F.I.F.A., l’instance dirigeante du football à l’échelle mondiale. Le dessein patriotique n’est guère caché dans son « grand désir de voir la Coupe du monde jouée sous le ciel de France ».

Claude BOLI-Yvan GASTAUT et Fabrice GROGNET  Allez la France ! Football et immigration, Paris, Gallimard, 2010.

Paul DIETSCHY  Histoire du football, Paris, Perrin, 2010.

Françoise et SERGE LAGET  L’affiche de sport dans le monde, Paris, France Loisirs, 1996.

Julien CAMY et Gérard CAMY  Sport et Cinéma, Nice, Du Bailly de Suffren, 2016

Jean-Philippe RETHACKER  Il était une fois le gardien de but, Paris, Williams-Alta, 1979

1 - Éthos : ensemble des codes et habitudes d'un individu ou d'un groupe appartenant à un ensemble, une classe sociale

FIFA : Fédération internationale de football association. Association des fédérations nationales fondée le 21 mai 1904 à Paris, elle a pour vocation de gérer et de développer le football dans le monde.

Claude BOLI, « Football, une passion populaire », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/football-passion-populaire

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