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Johann Wolfgang von Goethe

Johann Wolfgang von Goethe

Date de création : 1829-1831

H. : 83 cm

L. : 58 cm

Profondeur : 51 cm.

Tête colossale en plâtre.

Dépot du musée-château de Saumur au musée d'Orsay.

Domaine : Sculptures

© RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Gérard Blot / Christian Jean

Lien vers l'image

DO 1986 5 - 86-000424

  • Johann Wolfgang von Goethe

Johann Wolfgang von Goethe

Date de publication : Septembre 2022

Auteur : Lucie NICCOLI

Le culte des grands hommes et la fascination pour Goethe

En 1829, le sculpteur Pierre-Jean David, dit d’Angers − pour le distinguer de l’illustre peintre Jacques-Louis David −, se rend à Weimar en vue de réaliser le portrait de Goethe, le poète, dramaturge et romancier considéré comme le père du romantisme allemand. Sa réputation est alors bien établie : titulaire du grand prix de Rome en 1811, il est depuis 1826 membre de l’Institut et professeur à l’École des beaux-arts de Paris et s’est déjà acquitté de prestigieuses commandes royales, telles que la statue du Grand Condé, destinée au pont Louis XVI (actuel pont de la Concorde), en 1817 et, entre 1830 et 1837, le fronton du Panthéon – l’église Sainte-Geneviève redevenue temple laïc par la volonté de Louis-Philippe – célébrant les « grands hommes ». A partir de la fin des années 1820, il se donne pour mission de portraiturer tous ces « grands hommes » : artistes, écrivains, scientifiques, hommes d’État français ou européens dont les talents ont bénéficié à l’humanité. Il produit alors plus de cinq cents médaillons gravés, plusieurs monuments commémoratifs ainsi que de nombreux bustes, dont celui de Goethe, son idole, l’un des tout premiers. L’auteur des Souffrances du jeune Werther (1774) et de Faust (1808), est en 1829 un maître vénéré, dont la résidence, à Weimar, est un lieu de pèlerinage pour les intellectuels de toute l’Europe, en particulier cette année-là, à l’occasion de la célébration de ses quatre-vingts ans. Il meurt en 1832, trois ans après le passage de David.

Le portrait d’un génie marqué par les ans

Le sculpteur n’a représenté que la tête du grand homme et son cou, mais l’ensemble, de 83 cm de haut, est de dimensions colossales, ce qui, selon la hiérarchie qu’il avait établie, devait signifier l’importance majeure de ce génie – un honneur qu’il rendit aussi à Balzac, Paganini (1) et Victor Hugo notamment. La tête énorme est légèrement inclinée vers l’avant, comme sous le poids d’un crâne trop lourd. Le front, disproportionné, occupe la moitié du visage. Il semble écraser les yeux, pourtant bien ouverts, enfoncés sous les arcades sourcilières. Leur dissymétrie donne un effet de réel sans concession. Largement dégarni et bombé à son sommet, le front est auréolé d’une masse des cheveux drus et indisciplinés, tirés en arrière, comme mus par une mystérieuse force venue de l’intérieur, probablement le souffle du génie qui déforme aussi le crâne. Les profonds sillons à la base du front, les cernes sous les yeux ainsi que le nez grec – long, fin et droit – et les plis tombants de la bouche aux fines lèvres closes donnent au personnage un air à la fois austère et soucieux. Le regard songeur est orienté vers le bas, comme si le vénérable sage contemplait l’humanité du haut de sa longue expérience, à moins qu’il ne soit tourné vers son for intérieur et le mystère de ses pensées.

Un portrait romantique inspiré par la phrénologie

Ce portrait est très différent de ceux que firent de Goethe d’autres sculpteurs, par exemple son compatriote Johann Gottfried Schadow en 1823 (Berlin, Nationalgalerie), dont les proportions sont sans doute plus proches de la réalité. Goethe, d’ailleurs, qui préférait les portraits néoclassiques, plus lisses, ne remercia pas l’artiste pour cette tête colossale, quand il reçut le marbre, et ne l’installa pas chez lui mais à la bibliothèque de Weimar, où il est encore. David d’Angers s’éloigne de l’idéal classique par une observation plus attentive de ses modèles, de leur personnalité et des marques laissées par le temps, sans pour autant chercher à les représenter de manière réaliste. Appliquant les principes de la phrénologie (2), une théorie venue d’Allemagne en vogue à Paris au début du XIXe siècle, prétendant localiser les fonctions cérébrales dans des zones précises du cerveau, il s’efforce de rendre visible à travers leur physionomie les traits de caractère intellectuels et moraux de ses modèles. Il peut ainsi magnifier les grands hommes, tels que Goethe, et faire transparaître leur génie, leur grandeur d’âme et leurs passions. Cette observation de la nature et cette recherche d’expressivité sont caractéristiques de la sculpture romantique, qui fait son apparition, une dizaine d’années après la peinture romantique, aux Salons de 1831 et 1833. A la fin du siècle, Rodin se souvint des déformations expressives de David d’Angers quand il représenta lui aussi de grands hommes tels que Victor Hugo ou Balzac.

Delphine GALLOY (sous la dir. de), Le chemin du romantisme. David d’Angers et l’Allemagne, livret de l’exposition présentée au musée des Beaux-Arts d’Angers de mai à septembre 2017, Musées d’Angers, Coll. Les saisons des musées, cahier n°10, 2017

Inès VILLELA-PETIT, Élodie VOILLOT, Thierry LAUGÉE (sous la dir. de), David d’Angers, les visages du romantisme, catalogue de l’exposition présentée à la BNF Richelieu de novembre 2011 à mars 2012, Gourguff Gradenigo, Paris, 2011

Patrick LE NOUËNE, Catherine LESSEUR, Véronique BOIDARD, David d’Angers portraitiste : catalogue sommaire des bustes de P.-J. David d’Angers, 2010, Musées d’Angers, 2010

Paolo TORTONESE, Aline MAGNIEN, Hélène MARRAUD (sous la dir. de), La Fabrique du portrait, Rodin face à ses modèles, catalogue de l’exposition présentée au musée Rodin d’avril à août 2009, Skira Flammarion, éditions du musée Rodin, Paris, 2009.

1 - Niccolo Paganini (1782-1840) : vioniste virtuose et compositeurr italien.

2 - Phrénologie : théorie inventée par le neurologue allemand Franz Joseph Gall et formulée dans son ouvrage majeur, publié à partir de 1810 à Paris, Anatomie et physiologie du système nerveux en général, et du cerveau en particulier.

Romantisme : Le mot est introduit dans la langue française par Rousseau à la fin du XVIIIe siècle. Il désigne par la suite un élan culturel qui traverse la littérature européenne au début du XIXe siècle, puis tous les arts. Rompant avec les règles classiques, la génération romantique explore toutes les émotions données par de nouveaux sujets, en privilégiant souvent la couleur et le mouvement.

Néoclassicisme : Mouvement artistique qui se développe du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle. Renouant avec le classicisme du XVIIe siècle, il entend revenir aux modèles hérités de l’Antiquité, redécouverts par l’archéologie naissante. Il se caractérise par une représentation idéalisée des formes mises en valeur par le dessin.

Lucie NICCOLI, « Johann Wolfgang von Goethe », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 26/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/johann-wolfgang-von-goethe

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