La maison n° 12, rue Transnonain
Plan des rez-de-chaussée et 1er étage, n° 12, rue Transnonain
Plan des 2e et 3e étages, n° 12, rue Transnonain
Plan des 4e et 5e étages, n° 12, rue Transnonain
La maison n° 12, rue Transnonain
Lieu de conservation : Centre historique des Archives nationales (Paris)
site web
Date de création : 1834
Date représentée : 1834
H. : 42 cm
L. : 52,5 cm
Dossier d'instruction sur les événements du 14 avril 1834.
Dessin aquarellé.
Domaine : Architecture
© Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie
CHAN CC/586/d.3
Rue Transnonain, une maison à Paris sous Louis-Philippe
Date de publication : Octobre 2003
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS et Martine ILLAIRE
Rue Transnonain, une maison à Paris sous Louis-Philippe
Rue Transnonain, une maison à Paris sous Louis-Philippe
Une « maison de rapport » édifiée sous le Directoire
Une sanglante bavure, dénoncée par Daumier, a rendu tristement célèbre la maison du 12 rue Transnonain pendant les émeutes d’avril 1834. Pour le procès de l’année suivante, des relevés précis furent effectués pour permettre à la cour des Pairs de localiser les faits relatés par les nombreuses dépositions.
Construite en 1796 à l’angle de la rue Transnonain et de la rue de Montmorency, cette maison occupait une parcelle où subsistaient les vestiges d’un couvent : c’était là un de ces espaces parisiens livrés à la spéculation par suite de la vente des biens du clergé, à partir de 1793. On estime qu’ils représentaient 400 des 3 370 hectares que comptait alors la ville.
Les deux propriétaires de l’immeuble n’habitent pas la maison. Mais il n’y a pas moins de 34 locataires dont cinq enfants. Au début du règne de Louis-Philippe, la population du centre de Paris est en plein accroissement. Tous les espaces sont habités y compris les mansardes.
Derrière l’ordonnance classique, le passé et le présent
La belle ordonnance classique des immeubles de la fin du XVIIIe siècle régit cette façade, probablement construite en plâtre sur une armature à pan de bois. Le dessin aquarellé séduit par ses jolies tonalités bleu-gris mais semble étrangement vide ; il s’agit, en fait, d’un document judiciaire dressé pour présenter les lieux du drame, une fois l’ordre restauré : les barricades ont disparu, les pavés ont été remis en place et les fenêtres fermées ne laissent pas apparaître le moindre signe de vie.
Le rez-de-chaussée, les deux étages où sont installés des artisans ou de petites entreprises, leurs enseignes sur la façade, l’étage traité en attique (entre le bandeau d’entablement et la corniche du toit) et l’étage mansardé sont figurés dans leurs moindres détails, avec persiennes, garde-manger, gouttières. Imposé en cas d’élargissement de la rue Transnonain, l’alignement a été observé. Le retrait créé par rapport à l’immeuble voisin est occupé par des boutiques qui encadrent le portail d’entrée de la maison, pourvu d’une grille de fer.
Comme souvent à Paris, l’unité d’apparence de la construction réserve des surprises. La façade a, en fait, été ajoutée à peu de distance de l’ancienne chapelle des Carmélites, dont le grand mur surplombe le toit. Les deux fenêtres arrondies qui le percent éclairent un cinquième étage dissimulé en arrière ; l’immeuble traverse en fait cette église, divisée en étages d’habitation donnant sur la rue de Montmorency.
Inattendu, un théâtre fonctionne aux troisième et quatrième étages. On y accède par la rue Transnonain et l’escalier intérieur de l’immeuble, qui est de belle taille. Sur les plans, les murs de pierre de l’ancienne église ressortent par leur épaisseur, et l’on comprend que le théâtre a été aménagé avec ses deux niveaux et ses loges dans les parties hautes de la nef. C’est le théâtre Doyen, du nom de son propriétaire et directeur ; l’homme l’a créé sous la Révolution et s’est installé dans la maison en 1807. Les dimensions de la salle et la scène réunies ne dépassent pas 24,5 mètres sur 12,5. L’Indicateur général des spectacles de Paris décrit les représentations qui ont lieu deux ou trois fois par semaine à « la comédie bourgeoise de la rue Transnonain » : « Un ou plusieurs amateurs veulent-ils jouer une pièce ? Ils s’adressent à M. Doyen qui leur procure facilement d’autres amateurs pour compléter la représentation désirée. On convient du prix de location et des frais. Chacun paye suivant le rôle qu’il a choisi », précise même explicitement le texte ! Doyen, mort en 1831, est bien connu à l’époque pour avoir permis aux jeunes talents de s’exercer avant d’accéder à la célébrité.
Cet immeuble de rapport ne superpose pas des appartements identiques et composés, comme de nos jours, de pièces affectées à des fonctions précises et distribuées autour d’une antichambre ou d’une galerie séparée des parties communes. Ici, les pièces où s’exercent les activités professionnelles sont imbriquées dans les logements. Les appartements les plus modestes comportent une ou plusieurs pièces dites « chambres » et des pièces plus petites dites « cabinets ».
Ce mode de logement en « maison partagée », avec des chambres communiquant entre elles, était celui de l’Ancien Régime. En 1834, le propriétaire du théâtre, Lamy (bijoutier de 28 ans), occupait aux troisième et au quatrième étages des pièces jouxtant la salle. Les jours de spectacle, l’entrée se faisait par son logement, entre son comptoir de bijoutier, sa cuisine et sa salle à manger. Le jour du drame, il se sauve par une fenêtre du cinquième étage donnant sur l’arrière.
Un cadre de vie représentatif de Paris avant Haussmann
Dans cette maison, trente « actifs » exercent, pour la plupart sur place, des métiers très divers et se répartissent dans les étages en fonction de leur fortune : au rez-de-chaussée, les boutiquiers ou artisans ; au premier et au deuxième étage, des artisans plus cossus ou des petites entreprises ; aux étages supérieurs, des employés, ouvriers, apprentis et journaliers sont bijoutier, chapelier, doreur sur papier, gainier, monteur sur bronze, peintre en bâtiment, tailleur de pierre, couturière, artiste peintre, peintre vitrier, polisseuse en pendules ou ravaudeuse.
Cet immeuble est représentatif de la densité et de la diversité des activités dans le centre de Paris à l’époque de la monarchie de Juillet. L’activité artisanale, le commerce et l’habitat s’y côtoient. Artisans, ouvriers et même le fabricant de papier peint Breffort, habitent des pièces adjacentes à leur atelier, comptoir ou entreprise. Et, sur place encore, le théâtre propose deux ou trois spectacles par semaine !
Les dépositions renseignent avec précision sur les modes de vie et les mentalités des habitants qui, malgré des différences de fortune, semblent avoir appartenu à des milieux relativement homogènes. Ils s’étaient presque tous réfugiés dans deux ou trois logements sur l’arrière pour éviter les balles perdues du côté de la rue, quand la troupe a chargé à l’intérieur de la maison.
Cette convivialité entre les habitants pourrait expliquer le fait que toutes les familles endeuillées par la tuerie ont continué à habiter ensemble sous ce toit, après le drame.
Cour des Pairs, Affaire du mois d’avril 1834. Procédure.Dépositions de témoins, tome III « Les faits de Paris », Paris, Imprimerie nationale, 1835.
Armand DAYOT, Journées révolutionnaires, 1830-1848 d’après les peintures, sculptures, dessins, lithographies, autographes, objets… du Temps, Paris, Flammarion, 1897.
Indicateur général des spectacles de Paris, 1819.
François LOYER, Paris, XIXe siècle, l’immeuble et la rueParis, Hazan, 1987.
Nicole WILD, Dictionnaire des théâtres parisiens au XIXe siècle, Paris, Aux amateurs de livres, 1989.
Luce-Marie ALBIGÈS et Martine ILLAIRE, « Rue Transnonain, une maison à Paris sous Louis-Philippe », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/rue-transnonain-maison-paris-louis-philippe
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