Speed
Auteur : DEMACHY Robert
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : 1904
Date représentée : 1904
H. : 12,4 cm
L. : 17,9 cm
Autre titre : Vitesse.
Épreuve photomécanique (similigravure) à partir d'une épreuve à la gomme bichromatée.
Domaine : Photographies
© GrandPalaisRmn (musée d'Orsay) / Gérard Blot
PHO 1981 23 25 - 03-007708
De la vitesse… !
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Chantal GEORGEL
En France, en Europe, dans le monde, tout va vite, beaucoup plus vite au tournant du XIXe siècle, un siècle de « prodigieux essor scientifique et économique » ! La terre se rétrécit, le monde connu, apprivoisé, colonisé, se déploie sans cesse, grâce aux nouveaux moyens de transport, et de plus en plus vite, en particulier grâce au chemin de fer… et à l’automobile. La révolution automobile débute en France à la fin des années 1880 – 300 voitures y circulaient en 1895, 1 200 en 1897, 17 000 en 1904. En 1914, la France, qui est le deuxième producteur mondial, compte plus de 150 constructeurs dont les plus importants se nomment Renault, de Dion-Bouton, Panhard et Levassor… Cet essor de l’automobile frappe d’autant plus les esprits qu’elle induit une notion nouvelle : la vitesse. Celle-ci atteint 100 km/heure en 1900, et les esprits chavirent. De plaisir, elle devient névrose. La « vitesse, en quelque sorte névropathique […] emporte l’homme à travers toutes ses actions et ses distractions […] Il passe en trombe, pense en trombe, sent en trombe, aime en trombe et vit en trombe », affirme Mirbeau (in La 628-E8, Paris, Librairie Charpentier, 1908, p. 6-è.).
Robert Demachy, issu d’une famille de riches banquiers, épris très jeune de photographie, membre fondateur en 1888 du Photo-Club de Paris, réalise en 1904 la photographie d’une « automobile qui roule sur une route ». C’est l’année de la grande course automobile Paris-Madrid, interrompue à Bordeaux en raison des nombreux accidents.
Le cliché, simple de fait, s’intitule pourtant Vitesse. Ce titre témoigne du sentiment qu’a le photographe de ce phénomène – la vitesse – qui fait défiler le temps toujours plus vite et justifie le traitement même de l’image. L’épreuve a été tirée sur un papier préparé à la gomme bichromatée, au rendu plus pictural, restituant le « flou » cher aux pictorialistes. Ceux-ci – dont Demachy qui en fut l’un des théoriciens – ont en effet cherché à promouvoir un art photographique qui ne soit pas simple enregistrement du réel, mais « transcription et non copie de la nature », sans rivaliser avec la peinture : « Inutile de nous écraser sous les noms de Rembrandt, de Van Dyck, de Rousseau ou de Millet. Nos visées sont plus modestes », écrit Demachy en 1896. Elles consistaient, entre autres, à rendre compte de la vie moderne.
La vitesse a donné lieu à de nombreux écrits, à de nombreuses représentations, photographiques mais aussi picturales. Sa traduction en termes purement picturaux apparut en Angleterre, avec Pluie, vapeur et vitesse de Turner, pour qui la vitesse et la lumière étaient le prétexte d’une peinture de formes indistinctes enfouies dans la matière colorée. On la retrouve sous le pinceau de nombreux impressionnistes également avides de saisir l’éphémère, l’instantané – pensons au Pont d’Argenteuil de Monet (1874) ; elle sera surtout promue par les futuristes qui, au début du XXe siècle, font l’éloge du dynamisme. Le héros moderne est pour eux supérieur, parce qu’il va vite : « La vitesse, c’est l’espérance de l’Occident », et ses objets représentent la beauté future : « Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive… Une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace. »(Marinetti, « Manifeste du futurisme », in Le Figaro, 20 février 1909).
Robert BIED (dir.) L’Aventure de la vitesse, de la monarchie de Juillet à l’entre-deux-guerres , dossier pédagogique Paris, CNDP-Musée d’Orsay, 1986.
Françoise HEILBRUN Camera Work-Paris Centre national de la Photographie, 1983, n° 12.
MARINETTI « Manifeste du futurisme » in Le Figaro , 20 février 1909.
Octave MIRBEAU La 628-E8 Paris, Librairie Charpentier, 1908, p.6-è.
Michel POIVERT Robert Demachy Paris, Nathan, coll. « Photo-poche », n° 71, 1997.
Chantal GEORGEL, « De la vitesse… ! », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/vitesse
Lien à été copié
Découvrez nos études
Les premières compétitions automobiles
C’est dans les deux dernières décennies du XIXe siècle que débuta l’essor de l’automobile. Rendus audacieux par les prodigieux progrès…
Intervention des États-Unis dans la Première Guerre mondiale
Le don de matériel en provenance des États-…
Les Croisières de Citroën : publicité et colonialisme dans l'entre-deux-guerres
La Croisière noire, relevant à la fois de l’aventure coloniale, du raid automobile et de l’opération publicitaire, est née de la volonté d’un…
De la vitesse… !
En France, en Europe, dans le monde, tout va vite, beaucoup plus vite au tournant du XIXe siècle, un siècle de « prodigieux essor…
La Bicyclette « militaire »
Dès la fin des années 1880, les ventes et la pratique de la bicyclette connaissent un…
La Croisière jaune, une conquête de l’Orient pour conquérir l’Occident
Trois semaines avant l’ouverture officielle de l’Exposition coloniale de Paris, André Citroën donne le signal…
L'aide américaine en Picardie
Les Dames Goldsmith au bois de Boulogne en 1897 sur une voiturette Peugeot
Au XVIIIe siècle déjà, il était du dernier chic pour une élégante de conduire elle-même un léger phaéton ou un cabriolet attelé d’un ou…
Les taxis de la Marne
La Compagnie Française des Automobiles de Place, plus tard dite « G7 » (du fait que ses véhicules…
Les Embarras de la circulation
Les difficultés et les nuisances de la circulation dans les grandes villes ne constituent pas un problème spécifique à notre époque. Pendant l’…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel