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Quinze vues chronophotographiques de Charcot fils nu

Quinze vues chronophotographiques de Charcot fils nu

Date de création : 1891

H. : 29,7 cm

L. : 19,5 cm

épreuve au gélatino-bromure d'argent (original sur plaque de verre) ; inscription : « Lancement du ballon »

Domaine : Photographies

© Beaux-Arts de Paris, dist. RMN - Grand Palais / image Beaux-Arts de Paris

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14-554162 / Ph 574

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Le football mis à nu

Date de publication : Juillet 2021

Auteur : Alexandre SUMPF

L’avènement du mouvement

Alors qu’il fait son internat de médecine à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, dans le service de son père, Jean-Baptiste Charcot (1867-1936) prête son corps à la science nouvelle du mouvement. En ce jour chaud de 1891, ce sportif accompli, qui sera champion de France (de rugby) en 1896, pose nu devant l’objectif démultiplié de l’appareil chronophotographique. Non, il ne pose pas ; il frappe dans un ballon de football à la demande du photographe Albert Londe (1858-1917), collaborateur historique du neurologue Jean-Martin Charcot.

La photographie scientifique fait sa jonction avec le sport moderne, qui aura bientôt ses Jeux olympiques, et donne ses lettres de noblesse à un jeu qui a fait récemment son apparition en France. Le football association, professionnel depuis 1885 dans le Nord ouvrier de l’Angleterre, unifie ses règles au sein d’un championnat de clubs en 1889. Les Britanniques l’introduisent sur le continent ; en France, il provoque la même résistance parmi l’élite aristocratique et bourgeoise, qui le rejette au Sud de l’Angleterre. En 1904, le football y est finalement reconnu comme sport à part entière, et ce sont les Français qui créent, à Paris, la Fédération internationale de football association (FIFA).

Un geste technique

L’objet, conservé aux Beaux-Arts, est une planche-contact de photographies latérales du geste de dégagement réalisé par Charcot fils, qui a également été capté par une série de clichés de face. Elle présente douze photographies de petit format séquençant l’action de manière chronologique, surmontées de trois clichés agrandissant à 400 % les photographies nos 3, 4 et 5.

Le ballon rond en cuir, objet encore exotique, n’est présent que sur les cinq premiers instantanés ; les sept suivants décomposent la fin de la manœuvre, au cours de laquelle le corps retrouve son équilibre, tandis que le regard du footballeur observe la trajectoire du ballon hors champ. La durée de cette seconde partie révèle la puissance dont a usé Charcot et le rôle que jouent les bras dans le positionnement adéquat du sportif. Les premiers clichés permettent de distinguer la préparation – positionnement sous la balle (photographies nos 1 et 2), qui a probablement été lancée à la main ; armement de la frappe, en bandant les muscles de la jambe droite, tandis que la gauche assure la stabilité (photographie no 3) – et le geste en lui-même, qui nécessite de fixer son regard sur l’objet et de frapper le plus possible sous lui et au centre (photographies nos 4 et 5).

La réussite de Charcot est telle que même la chronophotographie ne parvient pas à saisir l’envol du ballon.

La science comme terrain de jeu

Nous sommes à un moment charnière de l’histoire visuelle, quelques années avant que le cinéma ne passe du statut de curiosité à celui de spectacle et de loisir de masse, que les premières scènes de football soient captées par une caméra (rencontre de Blackburn et West Bromwich Albion à Ewood Park, le 24 septembre 1898) et qu’une fiction filmée y soit consacrée (1911).

Ces planches ne relèvent pas de l’expression artistique ni même du documentaire, mais de la science des corps, dans la lignée directe des dessins humanistes de la Renaissance. Jean-Baptiste Charcot est un homme musclé et sportif pour les standards de l’époque. Sa nudité renvoie aux patients de son père photographiés par Londe, et à ces soldats français de la Grande Guerre victimes de commotion, examinés sous toutes les coutures par les médecins et jugés par la caméra comme simulateurs.

Mais, en dépit de ses postures encore peu familières, il évoque aussi la statuaire antique : avec cette série, débute en somme le long siècle des Dieux du Stade (1).

CORREIA Mickaël, Une histoire populaire du football, Paris, La Découverte, 2018.

DIETSCHY Paul, Histoire du football, Paris, Perrin, coll. « Pour l’histoire », 2010.

FRIZOT Michel, La chronophotographie : temps, photographie et mouvement autour de E.-J. Marey, cat. exp. (Beaune, 1984), Beaune, Association des amis de Marey, 1984.

1. Le surnom Dieux du Stade est une référence au film de Léni Riefenstahl, commandé par Adolf Hitler pour les Jeux olympiques d’été de Berlin en 1936. Connu en France sous le titre Les Dieux du stade, le titre original est en réalité Olympia. Voir l’article « Autour des travaux effectués pour les Jeux olympiques 1936 » du Centre Pompidou.

FIFA : Fédération internationale de football association. Association des fédérations nationales fondée le 21 mai 1904 à Paris, elle a pour vocation de gérer et de développer le football dans le monde.

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c’est l’homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.

Chronophotographie : Analyse du mouvement, décomposé à l’aide de plusieurs photographies. C’est l’Américain Eadweard Muybridge qui invente ce procédé, repris et développé par le Français Jules Marey.

Alexandre SUMPF, « Le football mis à nu », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/football-mis-nu

Film de la rencontre de Blackburn et West Bromwich Albion à Ewood Park, le 24 septembre 1898 : https://youtu.be/OFDj6nuTPfg

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